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« Piano/Piano » par le Ballet de Lorraine

Pour conclure sa saison 2018-2019, le Ballet de Lorraine nous a offert un double programme : la pièce de Petter Jacobsson et Thomas Caley For Four Walls qui annonce les festivités du Centenaire Merce Cunningham et la création d’Olivia Grandville, Jour de colère, qui conclut à sa façon la célébration des « événements » de l’année 68.

Dans les deux cas, la musique américaine exécutée live était à l’honneur. En premier lieu, la composition pour piano solo Four Walls (1944) inspirée à John Cage par le mélodrame dansé en deux actes sur l’american way of life, écrit et chorégraphié par Merce Cunningham « dans le style de la modern dance des années quarante », si l’on en croit David Vaughan (cf. Merce Cunningham : Un demi-siècle de danse, éd. Plume, trad. Denise Luccioni, 1997), agrémenté d’une chanson en vers libres, pour certains, de la main du chorégraphe, pour d’autres, de celles du poète E.E. Cummings que Cage et Cunningham admiraient infiniment.

Pas question pour Jacobsson et Caley de chercher à reconstituer un ballet dont il ne reste pratiquement plus de trace, si ce n’est quelques images filmées en plein air, et de toute manière pas représentatif du style cunninghamien. Ils sont partis de la partition de John Cage, retrouvée à la fin des années 70, pour créer autre chose.

Et le résultat nous a très agréablement surpris. Avec relativement peu de moyens mobilisés, deux murs de pans de gélatine réfléchissante disposés à angle droit, l’un longeant le jardin, l’autre face au public, l’éclairage subtil d’Éric Wurtz, les costumes conçus par les chorégraphes maison avec Martine Augsbourger et Annabelle Saintier, le corps de ballet au complet (soit vingt-trois danseurs) et, last but not least, l’accompagnement sur scène de la pianiste virtuose Vanessa Wagner, la nouvelle production a montré, s’il le fallait, les qualités compositionnelles du duo artistique Jacobsson-Caley ainsi que l’excellent niveau technique et expressif atteint par la troupe en si peu d’années. Le travail choral a été irréprochable ; les variations nous ont paru nettes et précises. La nouvelle pièce se passe très bien de toute structure « dramaturgique » ; elle n’est pas un support musical au geste ou une illustration de la musique par la danse.

Galerie photo © Laurent Philippe

Olivia Grandville a choisi, quant à elle, de rendre hommage à Julius Eastman, un compositeur afro-américain de nos jours un peu oublié mais qui a fait partie de la mouvance dite minimaliste. Sa pièce, Evil Nigger, divisée en trois parties – Gay Guerrilla, Evil Nigger et Crazy Nigger –, conçue au départ pour quatre pianos, a été arrangée par la pianiste Melaine Dalibert et le guitariste Manuel Adnot, lesquels l’ont interprétée avec fougue sur scène.

La scénographie est constituée de trois gigantesques stores à lamelles verticales. Les costumes aux couleurs vives dessinés par Jocelyn Cottencin participent de l’animation de la pièce. Les lumières d’Yves Godin éclairent décor et danseurs, se réflètent sur les trois écrans qui vibrent comme une sculpture cinétique mais, pour une fois, se limitent à peu d’effets.

L’élémentarisme de la composition musicale joue à plein, surtout en première partie ; par la suite, la pièce prend une tournure extrêmement lyrique pour se conclure crescendo, voire paroxystiquement. La chorégraphie use tout d’abord de gestes en apparence tout simples, d’allers et venues des interprètes, d’incessantes entrées et sorties, de relais, de croisements, de décalages, de séries canoniques, de boucles, de rappels et autres accumulations – on pense alors au merveilleux court métrage d’animation de Zbigniew Rybczyński, Tango (1981) dont l’espace finissait par être totalement saturé.

Galerie photo © Laurent Philippe

Le deuxième temps n’est pas celui de la valse mais tout comme puisque la chorégraphe n’hésite pas à recourir au vocabulaire plus dansant qu’elle pratiqua à ses débuts, quitte à s’en démarquer, à s’en moquer. Le corps de ballet s’en donne à cœur joie. La lumière se réchauffe. Le final est particulièrement réussi.

Nicolas Villodre

Vu le 26 mai 2019 à l’Opéra national de Lorraine de Nancy.

Tournées :

For Four Walls
France
PARIS - Festival d’Automne à Paris - Théâtre national de Chaillot : 12, 13, 15 et 16 octobre 2019 BEAUVAIS - Festival d’Automne à Paris - Théâtre du Beauvais : 3 et 4 décembre 2019
METZ - Arsenal : 30 janvier 2020
NANTES - Le Lieu Unique - Cité des Congrès : 25 février 2020

Etranger
BRESCIA (ITALIE) - Teatro Grande : 4 octobre 2019
LJUBLJANA (SLOVENIE) - Cankarjev dom : 6 octobre 2019
LONDRES (GRANDE-BRETAGNE) - Royal Opera House - Linbury theater - Dance Umbrella Festival : 24, 25 et 26 octobre 2019

Jour de Colère
METZ - Arsenal : 30 janvier 2020
NANTES - Le Lieu Unique - Cité des Congrès : 25 février 2020

Le CCN – Ballet de Lorraine sera également en clôture du Festival JUNE EVENTS à Paris, le 15 juin prochain avec le programme Transparent Monster de Saburo Teshigawara et Flot de Thomas Hauert.

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