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Perrine Valli : « Une femme au soleil »

Une femme au soleil, nouvelle création de Perrine Valli, scrute les questions du regard et du désir.

Sur le tapis de danse, Valli déroule: Deux bandes de gazon (comme dans certaines de ses pièces précédentes), deux carrés verts et de l’eau, pour une femme au soleil, ou plutôt deux, chacune face à son admirateur. Jamais tout à fait les mêmes, jamais tout à fait différentes. Ou bien est-ce la même, cernée par une seule paire d'yeux? Après tout, l'œil gauche ne voit jamais tout à fait la même chose que l'œil droit…

Troublant dédoublement d'un couple, comme par les reflets dans une paire de lunettes de soleil, comme pour un romantisme réinterprété façon pop art.  La femme en blanc et en noir, face à l'homme en bleu, bleu comme l'iris qui entoure la pupille. Entre les deux femmes, un jeu de miroir s’établit et pointe une vérité profonde, si tant est qu’on existe dans le regard de l’autre, mais aussi dans le reflet de soi.

Comment danser l’ambiance d’un tableau de Hopper, grand détracteur du mythe américain de la mobilité, peintre sachant figer le temps? Sous le pinceau de l’artiste newyorkais, les vagues s’immobilisent, les désirs ne se rencontrent pas, les voitures ne passent pas sur les routes de campagne. Hopper capte toujours l’absence de quelque chose. Par contre, la danse est présence, forcément.

Jeu du désir et du regard : Dans le tableau d’Edward Hopper, une femme, nue, fume une cigarette. L’homme est absent, sauf dans sa tête, peut-être. En ajoutant la présence masculine, Valli partage le poids de l’absence sur les deux corps, ce qui donne des regards, des rencontres, voire des portés métaphysiques. Car pour répondre aux ambiances glacées de Hopper, Valli refroidit la sensualité par un ralenti permanent, comme sous le coup d’une chaleur étouffante, pour une oisiveté languissante. L’étirement de chaque geste dans le temps nous dirige vers la piste de l’imaginaire.

De l’homme et de la femme, qui est le fantasme de qui? Le dédoublement de ce couple est-il réalité ou une sorte de mirage, provoqué par la manipulation du temps? Pour ce double faune, l‘après-midi ne fait que commencer. La nymphe tombe son voile. Mais le faune en question est celui de Jerome Robbins, pas celui de Nijinski.

C’est ici la femme qui s’empare du célèbre geste de la main, symbole de sensualité désirante depuis sa création en 1912. Sauf que chez Robbins, c’est l’homme qui fantasme la femme, à moins que… Le miroir invisible qui dédouble le couple chez Valli, serait-il sorti du studio de danse dans lequel se déroule la rencontre furtive imaginée par Robbins? Hopper vu à travers la danse inclut donc un retour vers cet Après-midi d’un faune d’un autre artiste américain.  

Reste que la stylisation absolue du mouvement chez Valli impose aussi ses limites. Tout naturel étant proscrit  et la texture gestuelle parfaitement prévisible, il n’y a ici pas d’empathie sans un consentement actif, sans cesse renouvelé de la part du spectateur. Ton soleil, tu l’aimes ou tu le quittes… Le traitement si irréel des corps pourrait avoir l’effet d’un stupéfiant. Mais c’est la femme dans le tableau de Hopper qui fume, pas Valli la nymphe.

Thomas Hahn

Le 6 mai 2015, Rencontres Chorégraphiques Internationales de Seine-Saint-Denis - Salle Maria Casarès Montreuil

 Une femme au soleil

Conception, chorégraphie : Perrine Valli
Interprétation : Sylvère Lamotte, Marthe Krummenacher, Gilles Viandier, Perrine Valli
Création sonore : Polar – Eric Linder
Création lumières : Laurent Schaer
Scénographie : Perrine Valli, Claire Peverelli

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