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« Naufrage » de Kumulus au Festival d’Aurillac

Une réception, un bal. Mondain et fantaisiste comme dans les années les plus folles. Des costumes qui sont un spectacle en soi : opulence chromatique et extravagance des accessoires chez les femmes, élégance mondaine côté hommes. On baratine, on rit artificiellement, on s’enivre. Suite logique : une partie de bunga bunga, boostée au champagne.

Galerie photo : Thomas Hahn

Et soudain, caricaturalement, ils ont l’air de se sucer mutuellement. Mais en vérité ils soufflent. Seins, fesses et bustes prennent des dimensions fantasmagoriques comme quand on perçoit l’autre à travers un désir impatient, sous l’effet de l’alcool.

Tout est dans le détail, dans l’excellence de ces acteurs corporels hors pair, dans les images. Quand le vernis craque, ils remettent une couche – de maquillage.  Comme pour mieux conjurer Dionysos, on se grime de toutes les couleurs. Naufrage prend alors des allures de spectacle de clown, sans chercher à faire rire.

Comme dans un cauchemar, le radeau se met à tanguer et les fêtards se réveillent sous les déchets du monde de la consommation, cette méduse industrielle qui les avait tous enrichis en jetant ses déchets à la mer. Aussi, la compagnie nous renvoie au Radeau de La Méduse, à l’immoralité d’une société capitaliste résumée dans l’histoire des naufragés de la funeste frégate. Mais si Géricault s’immortalise par ce tableau, il n’en sera pas de même pour Kumulus. Naufrage est trop simple dans sa construction, trop convenu dans sa critique. Le déroulement est prévisible de bout en bout: on s’excite, on s’assoupit, on s’endort…

Galerie photo : Thomas Hahn

Est-ce un spectacle politique? L’engagement politique fait partie des mérites de Kumulus dès leurs débuts. Et leur façon de dénoncer le capitalisme dans Naufrage est juste sur le fond, mais loin d’en dévoiler une face cachée, comme c’était le cas dans Silence encombrant avec sa façon d’occuper un espace public et d’y revendiquer la force des faibles.

Politiquement, on passe des effets du capitalisme sur les plus faibles à la cause de leur chemin de croix, et donc aux plus forts de cette même société. Silence encombrant et Naufrage forment donc un véritable diptyque. Par contre, les approches de l’espace, de la dramaturgie ou de la scénographie sont aux antipodes.

Galerie photo : Thomas Hahn

Naufrage aussi est donné en extérieur, mais de nuit. Aussi, on pourrait l’imaginer en salle, dans un rapport frontal au public. L’espace scénique inextensible de Naufrage et l’absence de lien avec l’espace urbain créent une situation spectaculaire qui conduit la compagnie à une démonstration plus qu’à une action. D’où un côté didactique de l’exercice, tout juste atténué par le travail sur les couleurs et les détails.

Galerie photo : Thomas Hahn

Au résultat, Naufrage est un spectacle visuel et gestuel, porté par des acteurs devenus une référence dans le monde du théâtre corporel. Leur entraînement quotidien est aussi intense que celui des danseurs. Par contre, une proposition comme Silence encombrant est d’une portée politique bien plus efficace, plus subtile. Le vrai spectacle politique est celui qui change le regard sur le monde qui nous entoure, pas celui qui reproduit un discours déjà présent dans tous les média.

Thomas Hahn

 

Naufrage

mise en scène :  Barthélemy Bompard
chorégraphies : Judith Thiébaut
travail vocal et sonore : Jean-Pierre Charron
interprétation :  Armelle Bérengier, Dominique Bettenfeld, Eric Blouet, Thérèse Bosc, Jean-Pierre Charron, Céline Damiron & Nicolas Quilliard
création musicale :  Laurent Bigot, avec la participation d'Olivier Noureux au tuba
création des costumes :  Marie-Cécile Winling                                                    
scénographie :   Dominique Moysan         
lumières :  Djamel Djerboua
son :  Nicolas Gendreau

prochaines dates :

24 et 25 septembre : La Rampe à Echirolles (38)

mai 2016 : Les Rencontres d'Ici et d'Ailleurs à Noisy-le-Sec (93)

 

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