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Nacera Belaza : « La Traversée »

Dans sa nouvelle pièce, La traversée, donnée en première à mondiale à la Biennale de la danse de Lyon, une distribution élargie ne permet pas à Nacera Belaza de préserver toute son intensité.

L’année 2014 aura vu Nacera Belaza conduire de front les processus de création, simultanés, de deux pièces différentes. Cette situation rare va de pair avec le fait de ne pouvoir observer l’une sans songer à l’autre.

Les oiseaux, pièce créée à Montpellier danse, reconduisait le dispositif le plus habituel chez cette chorégraphe : celui du duo, qu’elle interprète elle-même au côté de sa sœur Dalila. Notre compte rendu d’alors – http://dansercanalhistorique.com/2014/07/07/nacera-belaza-a-montpellier-danse/ – avait alors souligné l’hypothèse que cette figure du duo convoquait bien d’autres présences.

Galerie photo de Laurent Philippe

Maintenant, La traversée engage quatre interprètes et voit Nacera Belaza rester elle-même à l’écart du plateau (sa sœur y demeure, aux côtés d’Aurélie Berland, Anne-Sophie Lancelin et Mohamed Ech-Charquaouy, ce dernier provenant d’outre-Méditerranée à cette occasion). Il y a là une conception moins courante, selon laquelle Nacera Belaza accède au désir de transmettre son art, après qu’elle ait souvent expliqué comment la reconduction obstinée de son duo intra-familial consonait avec son exigence extrême de creuser le même sillon, comme en quête des vérités les moins tangibles.

À cette distribution élargie, Nacera Belaza a soumis un principe de composition répétitif, qui ne rompt pas avec ses partis fondamentaux d’écriture. La traversée voit ses quatre interprètes enchâsser les unes dans les autres d’amples trajectoires circulaires qui embrassent la périphérie du plateau, d’un pas léger glissé, vif et précis, et tourner en même temps sur eux-mêmes. Cette mécanique parfaite connaît de subtiles variations rythmiques, d’intensité, parfois d’inversion du sens de la giration, de sorte que le motif général s’anime d’une respiration qui ne le laisse jamais inchangé.

Il y a là une algèbre compositionnelle, que l’œil inexpert ne peut s’expliquer avec rigueur dans ses péripéties, mais qu’il pressent à l’œuvre, en constatant ces variations incessantes affectant un grand mouvement d’ensemble qui paraissait d’abord immuable. Il y a quelque chose de magnifique à ce déploiement de puissances au travail, dont la perception, quoique très prégnante, s’affranchit d’une compréhension littérale et causale. Une cosmogonie opère, dont les lois emportent l’être, renonçant peu à peu à la prétention de saisir tout phénomène.

Galerie photo de Laurent Philippe

Cette démonstration étourdissante, philosophique en somme, ressort à une vision toute contemporaine de la révélation de la beauté du monde en retrait de l’égo d’artiste, comme d’une prise de la mesure humaine à l’aune d’un portée métaphysique qui outrepasse les destinées. Des réminiscences de Lucinda Childs, ou du plus récent Brice Leroux (quoique avec une intention fort différente dans l’effet au plateau), peuvent alors teinter le regard un instant.

Mais il s’agit bien de Nacera Belaza. Des pièces de cette chorégraphe, on attend le moment où, au côté de sa sœur, une forme d’élévation se produit, qui illumine leurs actions par-delà leur minimalisme rigoriste, affrontant le silence et le vide. Au stade où en est La traversée, même irréprochable dans son exécution formelle, ce moment d’intensité indicible n’a pas semblé pouvoir se manifester. Paradoxalement, démultipliant son format, Nacera Belaza aura plutôt communiqué une sorte de réduction, sous l’assaut d’une évidence formelle. En cela, la mise en regard de cette pièce de fin d’été, avec Les oiseaux qui en marquèrent le début, nourrit un dialogue riche d’enseignements à méditer.

Gérard Mayen

Le 19 septembre 2014 au TNP de Villeurbanne, dans le cadre de la 16e Biennale de danse de Lyon.

Chorégraphie : Nacera Belaza|Interprétation:Dalila Belaza, Aurélie Berland, Anne-Sophie Lancelin, Mohamed Ech-Charquaouy| Conception son et lumières : Nacera Belaza|Lumière : Gwendal Malard | Montage son : Christophe Renaud
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