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« Motion, Peremishchennya » de Brahim Bouchelaghem

Créé pour douze B-Boys et B-Girls ukrainien.ne.s, ce joyau de la création hip hop s’apprête à muter, pour une distribution française incluant un champion olympique.

Le festival Mars Planète Danse à Cognac a offert l’une des dernières occasions d’attraper au vol l’équipe ukrainienne ayant créé, en Ukraine même, cette fresque chorégraphique, très animée et orchestrée avec un sens aigu de la poésie et de la dramaturgie, sous la direction de Brahim Bouchelaghem. Pendant plus de deux ans, dix hommes et deux femmes, véritables virtuoses de leur art, l’ont dansée, en tournée en Ukraine et en France.

Ces interprètes retourneront en Ukraine pour reprendre les chemins des battles, leur passion de départ. Etre mis en scène et en valeur par Brahim Bouchelaghem leur a ouvert des portes vers l’incarnation de personnages et d’ambiances. Ils font merveille dans la modulation des énergies et des rythmes, par leur façon d’aborder l’espace, le groupe, la relation a soi et à l’autre et par l’incarnation de personnages. S’ils s’emploient à faire essaimer ce savoir-faire dans leur pays, cela pourra vraisemblablement changer l’avenir du hip hop ukrainien.

Pour l’instant, ils pourraient cependant préparer un retour en France sous d’autres auspices. Car une chose est certaine : Si le projet du Comité Olympique International d’inviter la danse break aux JO de 2024 (et donc à Paris) se réalise, il va falloir compter avec les Ukrainien.ne.s! Inversement, un certain Martin Lejeune - qui a remporté la médaille d’argent aux Jeux Olympiques de la Jeunesse de 2018, à Buenos Aires - va rejoindre Brahim Bouchelaghem pour la re-création de Motion avec une équipe renouvelée.

Motion, Peremishchennya est à la fois une démonstration foudroyante d’habilité technique et une belle surprise artistique. Dans une transhumance presque ininterrompue, se créent des corps recomposés comme chez Picasso, des rêveries nocturnes, des ambiances de film noir ainsi qu’un dialogue vif, riche et intense avec la gravité. Les deux danseuses, Kateryna Pavlenko et Viktoriia Lie, sont de véritables fauves qui se distinguent des dix garçons surtout par leur rapport au poids, et moins par leur énergie kinesthésique.

Dans cette pièce se dessinent des figures si surprenantes et apparemment impossibles, si riches en contrastes, avec des basculements rythmiques au sein d’une même phrase chorégraphique, que la déferlante des surprises graphiques paraît intarissable. Bouchelaghem met en scène une transhumance permanente, des vagues humaines balayant  le plateau, guidés par des aplats lumineux mobiles. Dans l’alternance des registres, axes et effets, se construit une sorte de film noir, truffé de situations et de rencontres, souvent sous haute tension, basculant en permanence entre le poétique et l’athlétique, la psychologie et l’abstraction, le mime et la danse pure, avec Bouchelaghem en personne dans un solo remarquable, incarnant une sorte de Pierrot hip hop.

Thomas Hahn

Mars Planète Danse, Cognac, L’Avant-Scène, le 30 mars 2019

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