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Montpellier Danse : Création de Marlene Monteiro Freitas

Plutôt éloignées de la tragédie grecque signée Euripide, les Bacchantes de Marlene Monteiro Freitas, sous titré Prélude pour une purge, tire sans doute ses origines du côté de Dada, plus particulièrement, de Relâche qu’avaient créé les Ballets Suédois en 1924 (et dont le Ballet de Lorraine vient de monter une re-création remarquable).

Galerie photo : Laurent Philippe

Au chapitre des ressemblances, on trouve d’abord une scénographie somptueuse, très graphique avec ses bandes noires et jaunes qui délimitent le plateau, et sa rangée de projecteurs posés en aveugloirs en front de scène, qui rappelle immanquablement les réflecteurs imaginés par Picabia comme décor. Le costume des danseuses en salopettes blanches et bonnet doré rappelle celui des « infirmières », les tuyaux d’arrosage ont un vague rapport avec ceux du pompier de service de Relâche. Encore un indice : un film sépare la pièce en deux. Mais à la place de la mort, traitée en enterrement cocasse, dans Entracte, il s’agit cette fois de naissance, avec un film d’accouchement tout ce qu’il y a de plus réel. Autant de coïncidences ne sauraient être entièrement fortuites ni le fruit du hasard. D’autant que Bacchantes joue sur le burlesque, l’immobilisme, et la vacuité des gestes comme son illustre prédecesseur.

Galerie photo : Laurent Philippe

L’ensemble est au début assez drôle et réjouissant dans son côté iconoclaste. Une paire de fesses déguisée en chanteuse rock à la voix rauque fait une entrée fracassante. Les cinq musiciens, trompettes brillantes et percussions savantes, ne sont pas en reste et, accompagnés d’une bande son parfois tonitruante, créent un univers sonore assourdissant.

Galerie photo : Laurent Philippe

La pièce, tout en restant d’un statsisme à toute épreuve, s’amuse néanmoins à tirer le fil de l’avant-garde chorégraphique : on y retrouve pêle-mêle, outre Relâche, des références à Parade (les sirènes intempestives et les scènes plus que répétitives de machines à écrire) créé il y a tout juste cent ans par le même Erik Satie et les Ballets russes, une citation musicale de Prélude à l’Après-midi d’un Faune (créé par Nijinski et Debussy en 1912) dont on ne sait si cela a un vague rapport avec le sous titre Prélude pour une purge de Monteiro Freitas. Enfin, un ordonnancement scénique, des éclairages, et une danse assise qui empruntent ouvertement à Einstein on the Beach de Bob Wilson (1976), plus un final en forme d’apothéose sur le Boléro de Ravel (composé pour la danseuse Ida Rubinstein en 1928). Sans parler de l’aspect Ready Made qui parsème la pièce d’objets hétéroclites savoureux, notamment par tous les usages que peuvent prendre des lutrins métalliques.

Galerie photo : Laurent Philippe

C’est loufoque à souhait, réglé au milimètre et assez séduisant. Les interprètes, (trois femmes et quatre hommes) très expressionnistes, sont remarquables d’engagement et de précision avec une mention spéciale pour Henri Lesguillier alias Cookie, qui joue le Monsieur Loyal de cette revue dézinguée avec sa voix d’oracle ou de stentor.

Mais après ce festival de références placées sous les auspices de la modernité éclairée autoproclamée, force est de constater que tout cela est un peu court, ou plutôt beaucoup trop long (2h15 !). Les effets s’émoussent à force d’être répétés, le rythme faiblit et on finit par repérer que le matériau qui compose ces Bacchantes est assez faible. Allons. Encore un effort pour être révolutionnaire.

Agnès Izrine

Le 29 juin 2017, Opéra Comédie dans le cadre du Festival Montpellier Danse. Jusqu'au 30 juin.

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