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Mimos et l’absurde : Performances bruxelloises

Tous les deux implantés à Bruxelles, les hommes de cirque Claudio Stellato et Alexander Vantournhout ne travaillent pas ensemble. Mais chacun des deux est passé par la danse contemporaine. L’Italien fut interprète dans différentes compagnies (Karine Pontiès, entre autres) et le Belge a affiné ses outils artistiques à P.A.R.T.S.  C’est dans la capitale bicéphale qu’ils ont développé un goût pour l’absurde.

La Cosa de Stellato fait même penser au mythe de Sisyphe. Quatre hommes en costume de ville sortent de quatre constructions de bois, assemblées à partir de bûches. Leur performance est physique et chorégraphique, sobre et nocturne.

Bûcherons et cascadeurs, plasticiens autant que danseurs, Stellato et ses trois acolytes finissent par sortir leurs haches pour tailler du bois sous les yeux du public. L’installation des spectateurs en quadri-frontal renvoie aux sports autant qu’à des rituels partagés.

Certes, La Cosa part d’arts plastiques, pour faire table rase et terminer sur une nouvelle performance architecturale. Certes, la manipulation du bois a trait au jonglage. Certes, les unissons et autres mouvements collectifs sont parfaitement chorégraphiés. Certes, on peut penser à certains sports, notamment basques. Mais dans l’ensemble, La Cosa est un spectacle totalement inclassable qui tire sa force de son unicité absolue, d’une grande simplicité et d’un engagement physique jusqu’à l’épuisement dans son sens le plus concret.

 

Les bûches deviennent une proie, un pactole qu’on s’arrache. Leur déplacement, apparemment sans but, est une tâche à accomplir en commun, ou bien une entreprise qu’on sabote... Dans ce quatre-quarts bruxellois, fait de quatre hommes, quatre stères de bois, quatre haches et quatre sculptures, le bois agit en révélateur de la nature des hommes et de l’absurdité de la tâche de vivre ensemble.
 

L’absurde, sans langue de bois

Comme révélateur, Alexander Vantournhout choisit, dans Aneckxander, le plus simple appareil. Ici aussi, toute langue de bois est proscrite et l’absurde se révèle. Vantournhout, qu’il soit Alexander ou Aneckxander (une allusion à son cou – « neck » - drôlement extensible), souligne les moindres disproportions de son corps pour perturber le regard du spectateur. Tout part donc d’une analyse minutieuse de son propre corps.

S’il réussit des prouesses circassiennes ou de la danse - telle roue, tel grand écart - le succès, burlesque, arrive malgré lui, au beau milieu d’une série d’échecs. Vantournhout et sa dramaturge Bauke Lievens ont travaillé sur la tragique derrière une série d’échecs beckettiens et tout ce qui peut briser les schémas corporels convenus. Et plus Vantournhout se dote de béquilles comme ses chaussures à plateformes ou ses gants de boxe, mieux il échoue dans ses figures de cirque ou de ballet.

 

Malgré l’étrangeté provoquée, Aneckxander cherche la rencontre avec le public, en jouant sur sa timidité, gommant en même temps tout trouble qui pourrait émaner de sa nudité. Maladresses, étrangeté des images de corps et aliénation du personnage font oublier qu’il ne porte (presque) pas de vêtements. En toute simplicité, le personnage n’a rien de naturel. Il semble au contraire émaner d’un cartoon humoristique et surréel.

Comme Stellato, Vantournhout renonce à tout artifice dans l’acte de présenter son corps en scène et de l’amener vers des états extrêmes. Le fait de voir, au festival  Mimos, ces deux spectacles performatifs dans la foulée a permis de vérifier, dans une clarté absolue, la présence de l’absurde dans ce monde, justement parce que dans les états extrêmes de nudité innocente ou d’épuisement, il ne reste plus rien à enlever. La vérité est là, toute nue et crue, sur le plateau et sous  nos yeux.

Thomas Hahn

Spectacles vus au festival Mimos 2016
www.mimos.fr
 

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