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"Longing" d'Alexandre Roccoli

Comment la transe se tisse . Plutôt qu'un jaillissement : l'hypothèse d'une technique de la transe

Il n'y a qu'une danseuse – Malika Djardi – dans Longing, nouvelle pièce d'Alexandre Roccoli ; mais au moins trois états de danse.

Tout près d'elle en bord de plateau, le musicien Benoist Bouvot accompagne avec des ondulations de dance-floor hédonistes le son électronique envoûtant qu'il distille depuis ses platines. Cette nuance jubilatoire contraste étrangement avec l'apparence d'abord sèche de la danse qui se joue sur le plateau.

Celui-ci est très resserré, le public assis tout au bord. Malika Djardi en parcourt le pourtour, mais encore les diagonales, les sécantes, de manière très méthodique, progressive, presque appliquée, au risque de diffuser une sensation ardue de durée. Ses pas habiles demeurent longtemps sobres, ordonnés. Ils font écho à ce qu'on a d'abord pu observer sur un écran, dans l'antichambre de la salle de spectacle : soit des images filmées par le chorégraphe lui-même, poussant jusqu'au bord de l'hypnose l'observation des gestes répétitifs, rigoureusement exacts, de tisserands traditionnels marocains.

C'est le propre d'Alexandre Roccoli, que de puiser une bonne part de sa pensée du geste chorégraphique, aux sources du monde du travail, au contact duquel il a grandi – s'est construit. Mais c'est son propre tout autant, que de rechercher un sens vécu du monde contemporain dans le noctambulisme électronique des grandes métropoles. C'est enfin son hypothèse toute singulière, que de faire fonctionner ces deux réminiscences l'une en résonance de l'autre.

Or la pièce Longing ne ressort pas au registre de l'art documentaire, mais vient toucher une vraie question de la danse : convient-il d'opposer d'une part le geste maîtrisé, savant, soumis à apprentissage et reproduction à, d'autre part, le geste débordant, enivré et supposé libre, propre aux états altérés de conscience, dont bien éminemment la transe ?

Dans Longing, Malika Djardi, aux prises avec son environnement sonore et scénographique, partant d'une structure très stable, la développe implacable, pour relever le défi redoutable de muter vers une transe sans perdre son public, qui pourrait n'y voir qu'une mise en spectacle le tenant à distance. Tout comme dans le dépassement de la fausse contradiction évoquée ci-dessus, cette pièce est tendue d'un ressort d'intelligence de corps et d'esprit, pour force de conviction. Ce solo porte tout un monde.

Gérard Mayen

Le 21 janvier 2016 aux Subsistances (Lyon) .

 

 

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