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Léonore Baulac

Léonore Baulac a été promue Sujet le 1er janvier 2015

Danser Canal Historique : Quel est votre parcours ?

Léonore Baulac : Ma mère m’a inscrite dans un cours de danse à 4 ans, car j’avais de l’énergie à revendre. J’y allais avec ma cousine, c’était une atmosphère bon enfant. Rien de professionnel. Au bout d’un certain temps, ma mère a remarqué que cette école ne semblait pas très bonne. Sans rien y connaître, elle trouvait les spectacles de fin d’année un peu indigents. Elle m’a donc fait changer vers mes 10 ans et c’est Monique Gervais mon nouveau professeur, qui a détecté un potentiel et m’a demandé si je voulais travailler davantage pour essayer d’en faire mon métier. Sans être tout de suite convaincue, j’ai accepté de travailler en ce sens. C’est à 11 ans et demi que j’ai eu le déclic après avoir passé le Concours de Caen. J’ai obtenu la médaille d’Or et José Martinez était dans le jury ! C’était mon danseur préféré, j’avais un poster de lui dans ma chambre. J’ai pensé : « s’il me met une super note, il faut que je devienne danseuse » .

DCH : Quand êtes-vous entrée à à l’École de danse de l’Opéra ?

Léonore Baulac : Je me suis présentée à l’École de danse de l’Opéra, mais cela ne faisait pas longtemps que j’avais changé de professeur. J’avais dû tout réapprendre, repartir de zéro. Je n’étais pas encore prête. Je n’ai pas été prise. À cette époque, le couperet tombait à 12 ans. On ne pouvait plus entrer passé cet âge. Je suis donc passée par le Conservatoire National Supérieur de Musique et de Danse de Paris pendant deux ans. Ensuite, j’ai envoyé une vidéo pour demander à entrer en tant qu’élève « payante » à l’École de danse de l’Opéra. Le concept, était de payer les cours pendant un an pour suivre la scolarité et à la fin de cette année, on était intégré – ou pas – à l’École de danse. J’ai été prise, j’y suis restée trois ans et je suis finalement entrée dans le Corps de ballet, où j’ai passé cinq longues années Quadrille

DCH : Qu’est-ce qui vous a barré le chemin pour monter coryphée ?

Léonore Baulac : Je pense que si j’avais réussi d’excellentes prestations lors de mes Concours, je serais passée. Je n’ai sans doute pas dû être complètement à la hauteur de cette épreuve que je trouve difficile, tant dans la préparation qui est, pour moi, horriblement stressante, que le jour J où j’ai toujours eu beaucoup de mal à le vivre autrement que comme une épreuve traumatisante. C’est théoriquement l’aboutissement d’un an de travail, sinon plus, et je n’ai jamais pu y aller sereinement et montrer ma danse comme je l’aurais voulu. Le plus souvent, je n’étais pas à la hauteur de mes attentes, même si ce n’était pas catastrophique non plus. J’ai un stress paralysant qui n’a rien à voir avec celui qu’on peut avoir sur scène qui est plutôt une décharge d’adrénaline positive. Alors que le Concours me coupe les jambes, je ne sais plus ce que je fais, surtout au fur et à mesure que s’installe l’impression que ça ne marche pas comme je voudrais.

DCH : Heureusement, vous êtes tout de même devenue Coryphée…

Léonore Baulac : Oui, et tout a changé quand je suis montée il y a deux ans. Après n’avoir été que très rarement en scène et dans des places peu gratifiantes, j’ai eu des rôles comme celui d’Olympia dans La Dame aux camélias de John Neumeier, qui m’a servi de tremplin, ou celui de fées dans La Belle au bois dormant. Ensuite, Benjamin Millepied m’a confié le rôle de Lycéion pour la création de Daphnis et Chloé tout en me laissant un rôle assez valorisant dans le Corps de ballet les jours où je ne dansais pas ce rôle. Ça s’est bien passé et je pense que c’est ce qui m’a ouvert la porte pour d’autres responsabilités, comme le rôle de Clara dans Casse-Noisette. Et puis j’ai reçu le Prix de l’AROP ce qui m’a également beaucoup encouragée.

Bande-annonce / Daphnis et Chloé - Benjamin... par operadeparis

DCH : Qui vous a coachée pour le dernier Concours ?

Léonore Baulac : C’est Agnès Letestu qui m’a coachée, ainsi que Jean-Pierre Frohlich qui fait partie du trust Robbins pour la variation du Printemps. Mais j’ai moins travaillé ce Concours que les précédents puisque j’avais un programme très chargé. Donc ça a été plus court et plus efficace.

DCH : Avez-vous été surprise quand vous avez été distribuée dans le rôle principal de Casse-Noisette ?

Léonore Baulac : C’était une sacrée surprise ! Je n’en espérais pas tant. Ensuite les angoisses surviennent, mais nous avons été très bien coachés par Aurélie Dupont. De plus, nous avons pu répéter longtemps à l’avance, soit un bon mois et demi avant les spectacles, car Germain Louvet, mon partenaire, et moi-même n’avions jamais dansé de rôles principaux. D’autant que les chorégraphies des ballets de Noureev ne sont jamais simples. Aurélie nous a vraiment donné une opportunité de travailler à fond. Je sais que ça n’a pas été le cas pour beaucoup de jeunes premiers rôles.

DCH : Qu’est-ce qui vous a particulièrement plu dans ce rôle ?

Léonore Baulac : C’est un rôle très agréable dans le sens où il y a une histoire. J’aime beaucoup les ballets narratifs et la musique de Tchaïkovski est magnifique. La chorégraphie de Noureev, comme je le disais, demande énormément de travail, mais j’ai fini par l’apprécier et même à trouver beaucoup de plaisir à la danser.

DCH : Voulez-vous dire que vous avez eu des réticences par rapport à ce ballet ?

Léonore Baulac : Les productions de Noureev sont très belles, mais sa musicalité me déconcerte. Et comme c’est capital pour moi car c’est ce qui me porte, j’ai dû lutter avec son approche pour comprendre sa façon très particulière de placer la danse sur la musique. Ce n’est pas le type de chorégraphies que je préfère dans l’absolu, mais c’était une belle expérience à vivre, surtout que j’avais un partenaire qui la découvrait en même temps que moi. Nous nous sommes portés l’un l’autre quand nous avions des moments de doute, c’était très émouvant

DCH : Quelles sont alors les chorégraphies que vous préférez danser ?

Léonore Baulac : J’apprécie le répertoire plutôt néoclassique, voire contemporain. Les découvertes, m’attirent, mais tout ce qui est balanchinien, dansant et musical me plaît énormément. J’aime beaucoup William Forsythe, j’ai adoré Orphée de Pina Bausch et j’ai été remplaçante dans Appartement de Mats Ek. C’est un style que j’aimerais beaucoup creuser davantage. Je l’ai aperçu mais il en était déjà aux répétitions en scène et moi j’étais en coulisses. Je n’ai pu le voir que de loin. Il a l’air très exigeant, mais il raconte des histoires d’une façon très différente des autres.

DCH : Et quels sont les chorégraphes que vous aimeriez rencontrer à l’avenir ?Léonore Baulac : J’ai déjà rencontré William Forsythe, et je sais qu’il fait une création l’année prochaine ici. J’aimerais vraiment faire partie de cette aventure. C’est presque historique. Les créations qu’il a réalisées pour l’Opéra ont toujours été des réussites. Et c’est quelqu’un de très dynamique et d’extrêmement sympathique.J’aurais évidemment aimé rencontrer Pina Bausch. Je souhaiterais travailler avec Jiří Kylián, c’est un grand maître, et sans doute l’un des meilleurs chorégraphes actuels. Par ailleurs j’ai vu récemment le Ballet de Norvège dans Gods & Dogs au théâtre des Champs-Élysées et ça m’a transcendé. Ce ballet ne figure pas à notre répertoire, mais avec un peu de chance, il pourrait peut-être y entrer. J’admire aussi Mehdi Walerski et Alexander Ekman. Nous sommes quelques uns à l’avoir croisé dans un couloir de l’Opéra, ce n’est sans doute pas impossible qu’il vienne dans les années à venir. Ce serait vraiment génial. J’ai vu sa pièce Left Right Left Right où il utilisait des tapis roulants qui m’a à la fois transportée et amusée.

DCH : Vous semblez aller voir souvent des spectacles de danse hors de l’Opéra ?

Léonore Baulac : Je n’ai pas beaucoup de temps, mais je prends beaucoup de plaisir à aller voir de la danse en dehors de l’Opéra. J’apprécie souvent davantage de voir les spectacles d’autres compagnies que les productions maison, car j’ai du mal à me détacher des interprètes que je connais tous. J’aime bien découvrir de la danse sans avoir cet aspect affectif qui fausse la manière de voir le spectacle. Et ça permet de repérer d’autres chorégraphes, d’autres façons de danser. C’est rafraichissant de s’inspirer de ce qui se fait ailleurs. Les interprètes qui m’impressionnent le plus sont ceux du NDT. Ils n’ont pas de ballets tellement plus contemporains qu’à l’Opéra mais ils sont tellement spécialisés dans ce style qu’ils sont bluffants… et très émouvants. J’ai d’ailleurs du mal à comprendre qu’on ait pu couper les crédits d’une troupe aussi exceptionnelle. Ça me sidère.

DCH : Vous vous produisez aussi à l’extérieur de l’Opéra…

Léonore Baulac : Je me produis souvent avec la compagnie 3e Étage de Samuel Murez. C’est très agréable, nous nous produisons sur de petites scènes, plus intimes et c’est un petit groupe d’une dizaine de danseurs. Nous nous entendons tous très bien et ce sont des spectacles où l’on peut mettre une grande part de nous-mêmes et de créativité. L’ambiance est très différente de l’Opéra. Mon ami François Alu en fait également partie.

DCH : N’est-il pas un peu difficile de partager sa vie avec quelqu’un qui fait le même métier ?

Léonore Baulac : Je crois que l’on comprend mieux les problèmes et les joies de l’autre quand on fait le même métier. En ce moment nous sommes sur deux groupes différents. Il est sur La Source et moi sur Casse-Noisette. Ce n’est pas plus mal de ne pas être sur la même production. Et puis nous ne restons pas trop dans la « bulle » opéra quand nous sommes à la maison.

DCH : Que faites-vous pour vous détendre ?

Léonore Baulac : La danse tient une très grande place dans ma vie. J’y consacre beaucoup de temps, beaucoup d’énergie. À part ça, j’aime beaucoup lire depuis toujours. En ce moment, je relis Aurélien, d’Aragaon, que ma grand-mère m’avait offert, et j’apprécie beaucoup les œuvres de cette période, comme Belle du Seigneur d’Albert Cohen ainsi qu’une littérature plus controversée, comme Boris Vian, ou Nabokov. Évidemment, j’aime la musique. Mais comme je suis assez psychorigide, je ne supporte pas qu’on tousse dans une salle de concert. Donc je l’écoute seule avec mes écouteurs.

Propos recueillis par Agnès Izrine

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