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Le XIIIe Concours international de danse de Moscou

Le XIIIe concours international de danse classique et de chorégraphie, s’est tenu à Moscou, au Théâtre Bolchoï, entre le 10 et le 20 juin 2017. C’est un événement exceptionnel qui n’a lieu que tous les quatre ans et rassemble les personnalités mondiales de la danse classique.

Histoire

Créé après le Concours Tchaïkovsky en 1969, la première édition rassemblait les légendes vivantes du Ballet en Russie, comme Galina Oulanova, le président du jury n’était autre qu’Igor Moïsseiev et Olga Lepechinskaïa était la présidente du Comité d’Organisation. Depuis 1973, Youri Grigorovitch, chorégraphe et directeur légendaire du Ballet du Théâtre Bolchoï, est le président permanent du Jury et le directeur artistique de la compétition. Cette année le Concours coïncide d’ailleurs avec l’anniversaire de ses 90 ans. Elle anticipe l’année Russe du Ballet et le 200e anniversaire de la naissance de Marius Petipa (1818-1910).

Cet événement permet de créer des échanges au niveau international entre les danseurs, les professeurs et les chorégraphes. D'ailleurs, depuis 2001, un nouveau concours a été mis en place pour les chorégraphes, élevant à trois le nombre de catégories pour cet événement : chorégraphes, danseurs juniors et danseurs seniors.

Depuis la création du concours, le Grand Prix n’a été attribué qu’à quatre danseurs : Nadejda Pavlova (URSS, 1973), Irek Moukhamedov (URSS, 1981), Andrei Batalov (Russie, 1997), Denis Matvienko (Ukraine, 2005). Les lauréats du concours incluent quant à eux Francesca Zumbo, Patrice Bart, Mikhaïl Baryshnikov, Eva Evdokimova, Ludmila Semenyaka, Vyacheslav Gordeev, Loipa Araújo, Vladimir Derevyanko, Nina Ananiachvili, Andris Liepa, Julio Bocca, Vladimir Malakhov, Maria Alexandrova, Alina Cojocaru, Nikolaï Tsiskaridzé, Natalia Ossipova, Ivan Vassiliev, et bien d’autres.

Le Jury

Cette année, les membres du jury étaient les suivants : Marina Leonova (Russie) recteur de l’Académie d’Etat de chorégraphie de Moscou; Svetlana Zakharova (Russie) Prima Ballerina du Ballet du Théâtre Bolchoï ; Honored Artist of Russia Yuri Fateev (Russie) Directeur de la Danse au Théâtre Mariinsky de Saint-Petersbourg ; Nikolay Tsiskaridze (Russie) recteur de l’Académie Vaganova ; People's Artist of Ukraine, artistic director of the Donetsk National Academic Opera and Ballet Theater named after AB Solovyanenko Vadim Pisarev (Ukraine) directeur artistique de l’Académie nationale du Théâtre Solovianenko Vadim Pisarev de Donetsk; Kumiko Ochi (Japon) Prima Ballerina et directrice artistique de l’International Ochi Ballet ; Vladimir Malakhov (Autriche) danseur et chorégraphe ; Qu ZiJiao (Chine) directeur artistique du Liaoning Ballet Theatre; Valentin Elizariev (Republique de Biélorussie) professeur, chorégraphe, membre du Conseil de l’Europe pour la Culture ; Olivier Patey (France) professeur au Royal Ballet de Flandres ; Johannes Ochman (Suède) directeur artisitique du Ballet Royal de Suède ; Nikolaï Hubbe (Danemark) directeur du Ballet Royal du Danemark;  Edur Thomas directeur du Ballet national d’Estonie ; P John Meehan (USA) chorégraphe, danseur, Président du Jury du Concours international de Jackson ; Marguerita Parilla (Italie) Prima Ballerina de la Scala de Milan, directrice du Département des Hautes Etudes de danse en Italie; Sergueï Usanov Directeur général de la Fédération des Concours internationaux de danse classique et Secrétaire général du Jury (Russie). L’organisation du Concours est dirigé par la Vice-Présidente du gouvernement de la Fédération de Russie, Olga Yurievna Golodets.

Les Prix

Les participants, venus des quatre coins du monde étaient nombreux : 278 candidats en provenance de 28 pays ont postulé. Notons que la France n’était pas représentée. 200 d’entre eux ont été qualifiés pour passer le Concours (170 danseurs et 30 chorégraphes). La dotation des prix était cette année d’un montant exceptionnel : 100 000 $ pour les lauréats chorégraphes, et 100 000 $ pour les lauréats danseurs.

Junior. Ils se répartissent de la façon suivante. Pour les Juniors (14 à 18 ans inclus) : 1er Prix 20 000 $, 2e Prix 10 000 $, 3e Prix 5000 $, pour les « Diplomes » 3000 $, les mêmes montants sont attribués pour les Duos. Pour les Seniors (19 à 28 ans inclus) : 1er Prix 30 000 $, 2e Prix 20 000$, 3e Prix 10 000 $ et 5000 $ pour les deux Diplômes. Idem pour les Duos. Pour les chorégraphes 1er Prix 30 000$, 2e Prix 25 000 $, 3e Prix 20 000$. Ainsi que les prix spéciaux du « meilleur partenaire » 5000 $ pour les Seniors, et 3000$ pour les Juniors.

Le Concours

Nous sommes arrivés pour la finale des Juniors. Bien sûr, à ce stade, tous les candidats ont un niveau époustouflant.Plus étonnant, la plupart d’entre eux, pourtant très jeunes, ont une maturité artistique étonnante. Les variations choisies par les candidats étaient celles du grand répertoire classique signé Petipa, les variations typiquement russes comme celles de Vakhtang Chaboukiani, Vassili Vainonen, et Alexandre Gorski, et, plus surprenant, le goût d’un grand nombre d’entre eux pour Le Grand Pas Classique d’Auber.

Variations femmes

Dans les solos, on a particulièrement remarqué Elisabeth Beyer (USA) qui a présenté lors de cette finale deux variations : Harlequinade (Petipa) où elle a su montrer en plus d’une technique d’airain, un esprit mutinjusqu’au bout des pointes. Dans la deuxième partie, elle a présenté une Esmeralda (Petipa) brillante. Enchaînant avec une facilité déconcertante quatre tours et des relevés sur pointe parfait, jouant de son tambourin avec désinvolture, ahurissante de précision, elle a déclenché l’enthousiasme du public et vraisemblablement du Jury puisqu’elle a obtenu le 1er Prix.

On a aussi beaucoup apprécié le charme et la grâce de Soobin Lee venue de Corée du Sud dans la variation de Giselle, mais surtout son tempérament dramatique et sa souplesse de liane dans la variation de Nikiya de La Bayadère.

Elle a obtenu le 2e Prix en compagnie de Li Siyi (Chine – 16 ans) qui a dansé une Médora du Corsaire (Petipa) très aérienne, avec de jolis sauts en deuxième partie, et une Harlequinade tout à fait honorable, bien que lente, dans la première. Sauf qu’après Beyer, la comparaison était impossible à soutenir.

Alesya Lazareva (Russie, 15 ans) nous a beaucoup plu dans ses deux variations, celle de Nune de Gayaneh (Nina Anisimova) et celle du Ruisseau (Petipa). Plaisir de danser, musicalité, elle s’est montrée gracieuse et piquante. Si elle n’a obtenu qu’un diplôme c’est probablement que ces deux variations ne présentent pas les mêmes difficultés techniques que les autres, mais c’est une candidate à retenir. Tetiana Kulish (Ukraine, 17 ans)  a aussi du potentiel mais est restée un peu approximative sur les placements et les positions dans ses deux variations de Paquita, et Lauren Hunter (USA, 15 ans) s’est montrée un peu brusque dans Le Grand Pas Classique et Paquita et Carolyne de Freitas Galvao (Brésil, 16) un peu raide dans le même Grand Pas Classique et un peu hésitante dans la variation de Cupidon de Don Quichotte.

Variations Hommes

Autant Elisabeth Beyer surplombait la compétion femme, autant le choix était plus difficile pour les différents concurrents masculins. Mark Chino (Russie, 18 ans) a brillé dans la variation d’Abrecht de Giselle comme dans Le Carnaval Vénitien.

Igor Pugatchev (Russie, 18 ans) a dansé un Corsaire (Chabukiani) aussi virevoltant et bondissant que nécessaire, et un Philippe de Flamme de Paris (Vainonen) tout aussi convainquant. Ils auraient pu être ex æquo, mais Chino a été classé 1er et Pugatchev 2e.

Karlis Cirulis (Lettonie, 18 ans) classé 3e a fait montre d’une technique impeccable mais a sans doute manqué d’un peu d’expressivité. Les diplômés Razmik Marukyan (Arménie, 17 ans) ; Aslan Aliev (Kirghizstan, 18 ans) avait le même défaut d’être bien mais sans doute un peu plus lourds et un peu plus lents que d’autres, néanmoins leurs variations étaient impeccables l’un comme l’autre. Il leur a juste manqué une étincelle de brio.

Les couples

Même remarque au niveau des couples, tous formidables (sauf Anne Jullieth Dos Santos Pinheiro  et Caio Baratella Dos Santos, Brésiliens qui ont eu quelques problèmes de portés). On a d’abord distingué Ekaterina Klyavina (17 ans) et son partenaire Alexei Putintsev qui ont été absolument parfaits dans le Pas de deux final de Casse-Noisette. On a tout autant apprécié Elena Iseki (15 ans, Japon) et son partenaire Victor Goncalves Caixeta (Brésil, 18 ans) dans le Grand Pas classique, aussi excellents dans leur variations respectives que dans la coda. Enfin, La Fille mal gardée d’Elisabeta Kokoreva (16 ans, Russie) et Denis Zakharov (18 ans, Russie) l’ont emporté grâce, sans doute, à leur charme juvénile et à leur parfait accord et ont obtenu tous les deux le 1er Prix.

Un autre 1er Prix a été décerné à Park Seonmee (18 ans) et Lee Sangmin (19 ans, dans le groupe Sénior) tous deux Sud Coréens qui ont fait un Pas de deux du Talisman de Petipa, d’une fluidité, d’une aisance superbes, très expressifs et très attentifs l’un à l’autre, faisant oublier les performances physiques qui n’ont pas manqué.

Ce qui est assez compliqué, c’est que les couples ne sont pas forcément récompensés ensemble. Ainsi Victor Goncalves Caixeta (Brésil) a obtenu un 3e prix tout comme Ekaterina Klyavina. Elena Iseki n’étant que « diplômée » comme Anne Jullieth Dos Santos Pinheiro, ce qui semble un peu surprenant. Le 2e Prix n’a pas été décerné.

Le Concours Senior

Le concours ouvrait de nouveau avec le Grand Pas Classique de Gsovsky, ce qui a plutôt bien réussi aux deux premiers candidats chinois puisque Ao Dingwen (22 ans) et Zhanfeng Wang (19 ans) ont obtenu un 3e Prix mérité. Sans faiblesse face aux difficultés techniques, assez d’esprit dans le jeu, il leur a juste manqué un peu de précision et d’assurance dans les tours pour obtenir le 2e ou 1er prix.

3e Prix aussi pour Lilia Zainigabdinova (Russie) qui lui succèdait avec une Fille mal gardée chorégraphiée par Gorsky. Un choix qui laisse place à l’expression, la vivacité mais contient peu de figures virtuoses. Hélas pour elle, au deuxième tour, elle présentait un Don Quichotte moins brillant que celui d’Evelina Godounova (25 ans, Lettonie) qui éblouit salle et jury pour sa prestation musicale, rapide, et surtout, parfaitement dans le rôle de Kitri.

Avec sa Paquita tout aussi époustouflante et aérienne au deuxième tour, elle décrochait un 1er Prix mérité. Elle était suivie de Bakhtiar Adamzhan (Kazakhstan, 24 ans) qui incarnait à merveille le « Dieu du vent » du Talisman de Gousseev.

Aussi léger et rapide que le suppose son personnage, il confirma l’essai par sa variation d’Actéon (du ballet Esmeralda) au 2e tour. Formidable de virtuosité, de facilité, d’aisance, de musicalité, avec des amortis superbes, il campa un Actéon bondissant à souhait et obtint lui aussi un 1er Prix. Le 2e Prix a été donné à Miaoyuan Ma (Chine, 20 ans) qui avait choisi aussi Actéon au deuxième tour et la variation de Solor de La Bayadère au premier. Moins musical qu’Adamzhan, et sans doute légèrement moins brillant, il était néanmoins d’un niveau qui soutenait sans peine la comparaison.

Enfin, le 3e Prix chez les hommes, Marat Sydykov (26 ans, Kirghizistan) avait choisi, dans l’ordre, les deux mêmes variations que Miaoyuan Ma, mais était d’un niveau technique nettement inférieur aux deux précédents candidats. Au niveau des couples, on a beaucoup aimé Terada Midori (24 ans, Japon) et Koya Okawa (25 ans, Japon) toujours dans Diane et Actéon qui ont eu respectivement un diplôme pour elle et un 1er Prix pour lui.

Le 2e Prix a été attribué à Ernest Latypov qui dansait avec Anastasia Matvienko (Russie, 25 ans tous deux) le Pas de deux de La Belle au Bois dormant (acte III). D’un style très classique, très élégant, sans négliger les passages obligés de quelques performances, le couple se distinguait aussi par son entente et un partenariat très bien mené.

 Amanda Moraes Gomes (Brésil) et Mikhaïl Timayev (Russie) se sont également distingués dans Pas de deux du Cygne Noir (Lac des Cygnes Acte III) avec de très belles accélérations pour elle, même si le tempo de sa variation étaient un peu lents, et des bras très travaillés pour le rôle, un « partnering » très attentif pour lui, qui leur a valu respectivement un 2e Prix et un prix du meilleur partenaire puisqu’il était hors concours.

Les autres candidats, tous diplômés, s’ils n’avaient tout à fait l’excellence des premiers, souvent d’ailleurs par manque d’assurance et du coup, d’expression artisitique, étaient néanmoins de très haut niveau. Ainsi d’Ekaterina Chebykina (Ukraine) et Ivan Oskorbine qui restaient un peu mécaniques dans le Grand Pas Classique, d’Ekaterina Likhova et Nikita Ksenofontov dont le Pas de deux de Coppélia ne présentait pas assez de difficultés techniques, ou de Serik Nakyspekov (Kazakhstan) qui a choisi la variation un peu courte de l’Oiseau bleu de La Belle au bois dormant au deuxième tour. De même, le cygne noir de Mishio Oshiro était plutôt réussi tout comme sa Gamzatti de La Bayadère mais sans doute pas suffisamment éclatant.

La cérémonie de remise des Prix

La soirée de cérémonie de remise des Prix sur la scène du Bolchoï avait été pensée en grand. Mise en scène digne d’un festival de cinéma avec son grand escalier, son jury en diagonale et ses deux présentateurs vedettes Tatiana Gevorgyan et Vladislav Flyarkovsky. Chaque lauréat venant prendre place sur un des degrés de l’escalier après avoir salué le jury. Pour le gala qui suivait, les trois premiers de chaque catégorie sont revenus danser leur variation la plus brillante.

Chaque spectateur est un connaisseur, et l’on peut y croiser toutes les classes sociales, ou d’âge, le public russe est passionné par cette manifestation, y compris le premier d’entre eux puisque Vladimir Poutine s’était invité au Gala. On imagine difficilement en France un Président de la République venir, par exemple, voir un concours de danse classique. Il faut aussi avouer que nous n’avons pas l’équivalent dans notre pays.

C’est la seule fois aussi où nous avons vu les lauréats chorégraphes, qui nous ont, à vrai dire, un peu déçus. Même si Nina Madan a créé un joli solo pour Ludovic Einaudi (Le goélan de Jonathan), et que le trio d’Eduardo Zuniga Archipelago sur Franz Schubert n’est pas franchement mauvais mais ressemble à de la danse contemporaine de la fin des années 70. Le plus intéressant était le duo de Xiaochao Wen et Yang Yong, Peer Forever qui sans être tout à fait original montrait en tout cas une vraie personnalité. Il est dommage que les jeunes chorégraphes internationaux ne se présentent pas car visiblement, la compétition chorégraphique comprenait surtout des Russes, des Ukrainiens, Biélorusses ou Kirghizes ainsi que des Chinois, deux Brésiliens et un Chilien. Toujours est-il que les lauréats sont les suivants : Xiaochao Wen (Chine) et Eduardo Andres Zuniga Jimenez (Chili) ont obtenu le 1er Prix et la médaille d’Or. Nina Madan (Russie) et Andrey Merkuriev (Russie) ont obtenu le 2e Prix et médaille d’Argent, Liu Tingting (Chine) et Long Cheng (Chine ) ont obtenu le 3e Prix et médaille de Bronze.

Reste que nous avons été étonné de ne voir aucun Français dans cette compétition qu’il soit danseur ou chorégraphe. Selon nos informations, il n’y aurait même eu aucun postulant hexagonal. Dommage.

Agnès Izrine

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