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« Le Grand Bal » au Grand Palais

Le 13 juillet, des milliers de personnes semblaient vouloir faire revenir à la vie Pierre Henry, par un hommage orchestré par sept chorégraphes et vivement dansé par la foule.

Faire danser des milliers de personnes sur la Messe pour le temps présent de Pierre Henry,  voilà le défi relevé par plusieurs chorégraphes sous la direction artistique de José Montalvo, pour le bal du 13 juillet. A quoi ressembleraient des chorégraphies créées au XXIe siècle et inspirées de cette partition emblématique des Ballets du XXe siècle de Maurice Béjart ?

Pari parfaitement réussi pour une soirée pleine d’énergie partagée, où il y avait autant de place pour les chorégraphies transmises au public que pour la danse d’auteur, naturellement conçue dans une continuité avec les danses pour tous. Par exemple, sur le grand plateau, Chantal Loïal qui galvanise la foule, accompagnée de trois percussionnistes. Cette chorégraphie partagée est suivie des chorégraphies présentées sur des carrés délimités au sol et entourés du public alors qu’une autre troupe, haute en couleurs et en mouvements, enflamme la scène centrale. Vu les dimensions de l’espace - l’ensemble du Grand Palais a été investi - on a pu compter jusqu’à six ensembles animant les espaces, simultanément.

Sept propositions ont été créées pour l’occasion par des chorégraphes, jeunes ou confirmés (Delphine Caron, Sylvain Groud, Merlin Nyakam, Chantal Loïal, Warenne Adien, Fouad Hammani, Kaori Ito), auxquels se sont ajoutés la pièce de Béjart et la version Grand Remix d’Hervé Robbe, présentée en 2016 à La Philharmonie de Paris, ici interprétées par les élèves du CNDC d’Angers.

L’idée de lier une grande soirée populaire autour de la danse contemporaine à Béjart et Pierre Henry était audacieuse. Mais on se souvient que José Montalvo, aujourd’hui directeur de la MAC de Créteil, était parmi les premiers à lancer le mouvement du Bal moderne, dans les années 1990. Cette expérience l’a ici parfaitement servi, et on sait également que Chantal Loïal et sa compagnie Dife Kako animent régulièrement de grands événements de danses partagées.

Pierre Henry, la surprise du chef

Et pourtant. Quand le concept fut défini pour ce grand rendez-vous de la danse pour tous, personne ne pouvait savoir que le père de la musique concrète allait mourir quelques jours avant et la fête au Grand Palais qui lui était dédiée, ce 13 juillet. Qu’aurait ressenti Pierre Henry face à cette vitalité et ce plaisir? L’esprit populaire de ce bal et cette infusion populaire n’auraient pas déplu à Béjart, et donc probablement pas non plus au père de la musique concrète, qui nous a quittés le 5 juillet comme pour faire un dernier pied de nez au monde de la musique.

Plus étrange était l’idée de placer ce bal sous une scénographie de nuages bleu-blanc-rouge, créant une drôle de correspondance avec le déferlement militaire du lendemain matin, juste en face, sur les Champs-Elysées. En se rendant au Grand Palais, on passait par ailleurs à travers tout le dispositif policier déjà mis en place. Mais on ne savait pas encore à quel point le dialogue entre les deux événements allait devenir intense et en même temps paradoxal.

Le soir du 13, on a donc vu une danse endiablée en union libre, et le lendemain matin un défilé en unisson millimétré. Plus surprenante, la partie musicale, comme dans un jeu de miroirs déformants. D’une part, la Messe pour le temps présent, dansée comme pour une remise aux usages du temps présent. Pas d’hommage solennel donc, mais une façon de dire, de la tête aux pieds, un adieu mouvementé à Pierre Henry, lui insufflant une sacrée énergie vitale. Une messe pour abolir le temps…  Et sur les pavés, la mise à mort musicale et chorégraphique de Daft Punk et Pharrell Williams par des musiciens militaires, transformant un hymne à la liberté (Get happy) en raideur absolue. Cette messe-là était finalement plus en phase avec la mine grincheuse de Trump qu’avec le sourire faussement décontracté de Macron.

Thomas Hahn

 

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