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La Table ronde des Ecoles de danse

À l’occasion de la célébration du quarantième anniversaire du spectacle de l’Ecole de danse, et des trente ans de l’installation de l’Ecole de danse de l’Opéra de Paris à Nanterre, Elisabeth Platel, directrice de l'Ecole de danse de l'Opéra de Paris, a convié autour d’une table ronde les directeurs des écoles invitées au Gala des écoles du XXIe siècle. Thomas Lund, (Royal Danish Ballet School), Nikolaï Tsiskaridze (Vaganova Ballet Academy), Christopher Powney (Royal Ballet School), Patrick Armand (San Francisco Ballet School), Marvis Staines (Canada’s National Ballet School), Tadeusz Matacz (John Cranko Schule -Stuttgart Ballet) et Gigi Hyatt (Balletschule des Hamburg Ballett) se sont donc retrouvés à Nanterre.

Elisabeth Platel a placé cette rencontre sous le signe de l’amitié en remarquant que tous se connaissent depuis plus de dix ans, notamment grâce à une première assemblée à Toronto en 2009. Ces liens ont ensuite été renforcés lors du premier Gala des écoles du XXIe siècle en 2013, à l’occasion des 300 ans de l’Ecole française.

Elle a tenu à mélanger les types d’écoles, celles-ci se répartissant en « Historiques » comme l’Académie Vaganova, le Ballet Royal du Danemark et l’Ecole de danse de l’Opéra de Paris, celles fondées au XXe siècle telles la San Francisco Ballet School, et la Canada’s National Ballet School, et la Royal Ballet School, et enfin celles qui sont liées à un chorégraphe comme Balletschule des Hamburg Ballett lié à John Neumeier et la John Cranko Schule -Stuttgart Ballet.

Les caractéristiques de chaque école

Nikolaï Tsiskaridze pour la Vaganova Academy 

Notre école est ancienne, elle fête ses 280 ans. Elle a toujours été une école d’Etat. Soutenue par les Tsars qui invitaient les meilleurs maîtres européens depuis le XVIIe siècle, c’est pourquoi les meilleurs Maîtres de ballet et danseurs mondiaux étaient à Saint Petersbourg à la fin du XIXe siècle. Pendant les années soviétiques, l’école est restée la vitrine d’excellence et ne s’est jamais arrêtée, même pendant le blocage de Leningrad lors de la seconde Guerre mondiale. Aujourd’hui, elle accueille 600 étudiants. Elle comporte l’école de danse de 340 élèves et un établissement d’enseignement supérieur pour préparer des danseurs, des enseignants, des chorégraphes, des maîtres de ballet et des chefs de chant destinés à la danse, ainsi que les futurs managers et les critiques ou historiens qui ont décidé de vouer leur vie à la danse. Il y a des examens tous les ans, comme à l’Opéra, et un concours pour entrer dans le Corps de ballet à la sortie. L’école de danse est le vivier du Mariinsky. Les élèves participent à presque toutes les productions du Ballet et donnent deux spectacles par an : Casse Noisette et La Fée des poupées des frères Legat. Il y a un examen tous les ans depuis 291 ans pour huit ans de cursus. Les années les plus difficiles sont la 5e et la 1ere année. Au milieu de l’année il y a un contrôle et on prévient ceux qui échouent qu’ils doivent partir.

100 % des danseurs du Ballet du Mariinsky viennent de Vaganova. Mais avant, en URSS 98 à 99 % des élèves entraient au Ballet. Aujourd’hui, ils ont le droit de choisir et préfèrent être engagés comme solistes dans de petites villes ou à l’étranger plutôt que passer les difficiles concours du Bolchoï ou du Mariinsky.

 

Thomas Lund pour la Royal Danish Ballet School

Créée en 1771 et réorganisée par Bournonville en 1847, c’est la troisième plus ancienne. Dès 1856, elle dispensait aussi des études universitaires. En 1930, Harald Lander l’a encore modifié en divisant la compagnie et l’école, et en diversifiant l’enseignement. En effet, depuis Bournonville, les élèves étaient tenus de faire les mêmes pas chaque jour. Il a également invité Volkova, grande pédagogue qui a importé une influence russe. Depuis l’arrivée de Thomas Lund, il y a aussi un spectacle d’école et travaille avec un réseau associé. L’Ecole est associée à un lycée, et un internat. L’école danoise propose à ses 130 élèves un apprentissage en onze niveaux de la pré-school dès 5-6 ans à la fin d’apprentissage à 19 ans. Les trois premières années ne comportent aucun examen, ensuite, il y en a tous les ans. Mais ils ne peuvent pas être exclus entre 14 et 16 ans pour qu’ils puissent continuer leur éducation scolaire. Pour les derniers niveaux, des entretiens sont organisés avec les étudiants pour les guider avant l’étape décisive.  Plusieurs disciplines sont enseignées, de l’art dramatique à aux métiers techniques de la scène - jusqu’à l’éclairage ou les costumes. Pour Thomas Lund, l’objectif premier est de suivre les évolutions du monde et des enfants pour qu’ils dansent « la danse de leur temps. » 2 à 4 danseurs par an passent de ‘l’école à la compagnie. « Nous les invitons tous à passer des auditions, mais nous travaillons avec ceux qui n’auraient pas le niveau ».

 

Patrick Armand pour la San Francisco Ballet School

C’est la plus ancienne école des Etats-Unis et l’une des premières grandes écoles américaines. Elle a été créée par les Frères Chistensen. C’est une école très représentative de la ville de San Francisco, tolérante, diversifiée. L’école est profondément reliée à la compagnie. Néanmoins, comme elle ne bénéficie d’aucune subvention, elle a besoin d’accueillir de nombreux élèves dont les droits d’inscription financent l’école ainsi que des sponsors privés. L’école doit trouver l’équilibre entre le nombre d’élèves et l’exigence de qualité. La compagnie est très diverse, a un répertoire très large avec deux ou trois ballets nouveaux chaque année. L’objectif de l’école est donc de donner une technique étendue et une ouverture aux élèves qui bénéficient d’une classe de contemporain, de caractère et de musique. Mais aussi une éducation complète qui leur servira toujours. C’est une génération qui passe beaucoup de temps sur internet. Donc l’école a décidé d’ajouter du cardio training pour améliorer leur endurance. L’école comprend huit niveaux, de 7 à 17 ans, avec une audition tous les ans. La compagnie compte 60% d’élèves de l’école. Il n’y a pas d’audition. Helgi Tomasson allant voir par lui-même et choisissant les élèves de dernière année qu’il souhaite engager. Il a également créé un Trainee Program (Jeune Ballet) de six filles et six garçons pour les préparer à entrer dans la compagnie. « Une compagnie de ballet est une jungle. Il faut qu’ils soient mûrs techniquement et psychologiquement. » 100% sont engagés. Dont 60% au SFB.

 

Christopher Powney pour le Royal Ballet School 

L’école fut fondée en 1926 avec l’ouverture de l’Académie d’Art Chorégraphique par Dame Ninette de Valois, elle même formée aux écoles italiennes et russes. Elle est intimement liée au Royal Ballet. Au départ disséminée géographiquement, entre Barons Court et White Lodge, elle est aujourd’hui installée à côté du Royal Opéra House à Covent Garden sur deux bâtiments, dont un réservé aux 16-19 ans relié par une passerelle au bâtiment de la compagnie. Dame Ninette de Valois était très progressiste et pensait que l’éducation devait sans cesse évoluer. Le Royal Ballet School est donc tournée vers l’avenir et garde l’œil ouvert sur la danse telle qu’elle est pratiquée dans le monde entier. Même si son style est qualifié d’épuré et sans maniérisme. Et, selon son directeur "Very British" !

On enseigne par l’exemple, la compagnie donne un but aux enfants. Ils entrent à l’école vers 10-11 ans, ils sont très jeunes. Il n’y a pas d’examen les deux premières années. La troisième année se mélange à l’éducation scolaire. S’ils passent la 3e ils doivent rester deux ans pour le Brevet. Quand ils sont à la peine en 4e année, ils passent une audition séparée pour les classes supérieures pour voir s’ils peuvent tenir le coup. Pour entrer dans les compagnies, les directeurs viennent voir les classes. Ils connaissent les danseurs, les ont suivis.

 

Marvis Staines pour la Canada’s National Ballet School 

L’école a été fondée par Celia Franca en 1959  et a pour seul critère d’admission le talent des élèves. Elle est la seule école Amérique du Nord à abriter sous un même toit l’enseignement académique et celui de la danse ainsi que des hébergements. Elle promeut un programme d’enseignement progressif fondé sur le bien-être physique et moral des élèves. Elle n’est associée à aucun ballet. C’est pourquoi il est important que le programme d’études évolue sans arrêt, mais aussi de préserver une tradition. Marvis Staines pense qu’une expression holistique fait évoluer la danse et développe l’ouverture d’esprit et la capacité d’adaptation des élèves qui sont engagés dans plus de 80 compagnies dans le monde entier. 65 % des membres du Ballet national du Canada sont issus du NBS mais nous ne mettons pas l’accent sur une compagnie particulière dans notre enseignement. Le cursus comprend sept niveaux, que l’on peut intégrer à tout âge. Nous ne disons jamais qu’un élève n’a pas la capacité pour être danseur, parce que nous pensons que ce n’est pas normal. 80 % des élèves deviennent danseurs professionnels. Mais nous accompagnons ceux qui ne le deviennent pas, nous avons une grande flexibilité pour les dernières années, plus individualisées.

 « Pour notre école, nous devons apporter la preuve de la pertinence de la danse dans notre société » affirme Marvis Staines. Aussi l’école mène également des actions en matière de danse thérapie, auprès de malades atteints de la maladie de Parkinson ou de démence sénile.

 

Tadeusz Matacz pour la John Cranko Schule, Stuttgart Ballet

En 1971, dix ans après la création et après une tournée de sa compagnie à Moscou, John Cranko fonde à Stuttgart l’école qui porte son nom. C’est alors la première en Allemagne à offrir un enseignement complet de la danse, sanctionné par un diplôme d’Etat. Avant il n’y avait pas de formation pour danseurs professionnels, sauf à Berlin et Dresde mais qui se trouvaient alors en Allemagne de l’Est. L’Ecole Nationale fait partie du théâtre et accueille 120 élèves de 23 pays différents et un internat pour 80 élèves. On fait tout pour produire les meilleurs danseurs depuis 19 ans. L’enseignement comprend huit niveaux et reprend les principes de l’Ecole russe, dans une progression volontairement lente mais basée sur la recherche constante d’une qualité maximum. Il y a un examen tous les ans composé d’un cours entier. Cette base classique solide s’appuie sur la technique Vaganova, mais « il faut ouvrir les yeux et regarder ce qui se passe autour de nous, les temps changent ». Le Ballet de Stuttgart comprend 70 % d’anciens élèves. Ils sont recrutés sur invitation personnelle et privée.

 

Gigi Hyatt pour la Ballettschule des Hamburg Ballett

Créée en 1978, c’est la plus jeune des écoles de cette Table ronde.  Elle comprend 178 élèves en provenance de 25 pays. La vision de John Neumeier est de former de jeunes artistes, libres, honnêtes et forts. Elle associe la tradition de la danse classique avec le développement de la personnalité unique de chaque étudiant. Elle partage le même bâtiment que le Ballet de Hambourg. Les jeunes peuvent apprendre par osmose. Le cursus comprend notamment trois niveaux préparatoires pour les 7-10 ans puis un apprentissage junior en six classes. La formation se clôt par deux années de Theater Classes, au cours de laquelle sont également dispensés des cours de composition. Les étudiants montent des spectacles par eux-mêmes, assurant toute leur organisations. La compagnie compte 80 % de diplômés de l’école. Ils sont engagés en fonction des postes vacants. « Parfois John regarde une classe de futurs diplômés et fait passer une audition privée suivant les postes disponibles ».

 

Comment fabriquer un danseur complet, prêt à être engagé ?

La discussion a porté ensuite sur l’engagement des ces jeunes danseurs par les compagnies professionnelles. Si tous les directeurs d’école s’accordent sur l’élévation générale du niveau des jeunes élèves, tous sont également d’accord pour constater que les directeurs de compagnie cherchent des danseurs parfaitement prêts et rompus à tous les styles.

« Comment fait-on pour enseigner la base de la danse classique, conserver des exercices anciens, base de notre identité, face aux répertoires d’aujourd’hui. Comment fabriquer un danseur complet » pose Elisabeth Platel. « A l’Ecole de danse de l’Opéra, tous les professeurs sont issus de l’école et du Ballet. Les exercices sont en lien avec les grands maîtres du passé. »

Au Danemark « Bournonville reste le plus important, fait remarquer Thomas Lund.Nous ajoutons des classes de danse moderne, de mime, de cours d’art dramatique, de gymnastique. . Nous avons supprimé la danse de caractère, mais nous avons parfois des professeurs invités dans d’autres disciplines Ils participent au spectacle de la compagnie. Ils peuvent créer aussi leur propre spectacle avec l’aide du directeur artistique. »

« Chez nous, tout est enregistré, explique Nikolaï Tsiskaridzé, chaque mouvement évolue avec le temps. Elisabeth sait à quel point les versions de Petipa ont évolué. Je me suis toujours prononcé pour le ballet classique, mais actuellement, on peut enseigner sans prendre en compte le répertoire contemporain. L’an dernier nous avons modifié le cursus. Les enfants d’aujourd’hui grandissent plus vite, font les choses de manière plus précoce que prévu. Donc nous devons nous adapter et nous devons aussi prendre en compte que les spectacles de Lifar, Balanchine, ou autres sont aussi diffusés en Russie désormais. »

« Forsythe a été très vite assimilé par les enfants, fait remarquer Elisabeth Platel, Raymonda, en comparaison nous semblait plus facile, mais il s’est avéré beaucoup plus difficile à préparer que Forsythe. »

Pour Tadeusz Matacz « C’est un grand écart constant. Nous avons les bases Vaganova mais nous allons très loin dans le contemporain avec des gens très jeunes. Nos élèves devront suivre dans toutes sortes de compagnies, et il y aune compétition avec les écoles privées qui ont l’avantage d’avoir des élèves qui ont de la curiosité. Alors que les nôtres sont un peu apeurés. Les jeunes doivent faire des variations d’étoiles, mais le corps est-il prêt à survivre ? Nous avons gardé dans notre examen le double saut de basque et la double cabriole. On doit les préparer pour avoir du succès dans dix ans. »

À Londres « Le Royal Ballet a été influencé par d’autre langues, d’autres cultures, c’est un creuset qui se reflète dans notre école, affirme Christopher Powney. Nous avons des enseignants qui viennent du monde entier pour s’adapter à différents styles. C’est un équilibre excellent qui nous permet de nous poser des questions, une réflexion. La danse contemporaine est massive et en croissance partout. Pouvoir les préparer techniquement est un défi. Je ne sais pas toujours comment faire pour les adapter à des changements de styles fréquents qui font appel à d’autres muscles. Nous pensons qu’ils doivent aussi connaître les processus d’improvisation et il faut leur donner des outils pour contribuer aux processus chorégraphiques pour que les grands chorégraphes viennent de chez nous. On a poussé le corps à ses limites et peut être a-t-on un peu perdu de vue l’artiste et la capacité à faire passer des émotions. »

Elisabeth Platel pense que « l’on demande énormément aux élèves. Ils font des programmes de compagnie et non d’école. On nous demande des danseurs prêts à exécuter l’impossible à 18 ans. C’est une grande déception quand ils sont éliminés dès la barre lors d'auditions extérieures. »

Pour Tadeusz Matacz « En Allemagne, il y a cinquante ballets de dix à douze membres. Il faut que les danseurs soient déjà formés. C’est la loi du marché. Il y a trop de danseurs pour le nombre de postes. »

Christopher Powney : Evidemment, c’est la concurrence pour avoir un place dans une compagnie et les grandes écoles sont en concurrence. Mais il faut instaurer un dialogue avec les directeurs de compagnies car ce sont eux qui fixent les standards. »

Marvis Staines : «  Le monde a changé mais il faut le vivre comme une possibilité et pas comme une menace. C’est vrai dans toutes les professions. Nous avons beaucoup d’outils à notre disposition, et accepter qu’il y a plus de contrats temporaires que de travail à plein.

 

Pour rappel : L'Ecole de danse de l'Opéra de Paris

Instituée en 1713 par Louis XIV, l'École de Danse de l'Opéra national de Paris est la plus ancienne institution de ce type. Dès son origine, l'École - qui est gratuite - reçoit pour mission la formation des futurs danseurs de l'Académie Royale de Danse, elle même fondée en 1661, l’année d’accession au trône de Louis XIV. La réglementation évolue au cours des années, comme les exigences touchant à la formation artistique et aux qualités physiques et des élèves. L'examen médical, préalable à tout engagement à l'École, deviendra obligatoire. L'instruction générale prend place dans le programme de l'École, à partir de 1860.
A l’initiative de Claude Bessy (directrice de 1973 à juillet 2004), l'enseignement de l'École est profondément remanié en 1976, développant une scolarité plus poussée et un enseignement pluridisciplinaire : aux cours de danse classique, sont adjoints d’autres disciplines (danse contemporaine, folklorique, de « caractère », jazz, mime, théâtre, acrobatie, chorale, solfège corporel, histoire de la danse), dans le but de former des artistes complets. La plupart des élèves obtiennent leur Baccalauréat section L. La scolarité est également complétée par des cours de droit.
Depuis la rentrée d'octobre 1987, l'École de Danse de l'Opéra s'est installée dans de nouveaux locaux à Nanterre.
Un internat a été créé, qui permet aux élèves de province de pouvoir s’inscrire.

A la fin de chaque année, les élèves passent un examen, qui détermine leur passage dans la classe supérieure.
Les élèves de la classe terminale (1ère division) se présentent au concours d’entrée dans le Ballet de l’Opéra (en fonction du nombre de places disponibles), ou quittent l’École pour être engagés dans d’autres compagnies. Les élèves ne peuvent excéder 18 ans.

Agnès Izrine

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