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La 34ème édition de Mimos

Pendant une semaine périgourdine, Mimos occupe les théâtres, les rues et la nature. Ce festival est une fête populaire intelligente, comme il en faudrait partout, surtout en ce moment. Avec son public attentif, sensible, son ambiance poétique et le travail de réflexion et de pratique (débats et stages), Mimos montre une voie pour trouver le meilleur du vivre-ensemble, avec des spectacles qui parlent à l’humain en chacun et constituent un rempart contre l’hystérie politique ambiante. Mimos ne prône pas la radicalisation mais l’ouverture, pas l’affrontement mais le partage.

En ces temps violents, Mimos pourrait donc se découvrir un rôle quasiment thérapeutique. Les spectacles qu’on voit ici agissent contre la stigmatisation car ils sont des miroirs individuels, justement parce que le corps n’y est pas glorifié ni abhorré, mais interrogé et poétisé, dans ses capacités et ses incapacités, sa normalité, son absurdité. Dans sa souffrance aussi. Respiration, lévitation, transformation. A Mimos, le corps n’est jamais anodin. Il attire tous les regards, et c’est ce qui le rend à la fois fort et résistant, aussi bien que faible et imparfait.

 

La table ronde de cette édition est consacrée aux Gestes ordinaires dans les arts du spectacle vivant, et c’est tout l’enjeu des arts du mime. Mais depuis les années 1970, le geste quotidien a droit de cité dans la danse également, et il est devenu l’enjeu même de la création. A partir de là, la repoétisation ne connaît pratiquement pas de limite technique ou esthétique. Pour s’en convaincre, il suffit de voir le spectacle d’ouverture de Mimos 2016.

L’eau et les arbres

 

La compagnie Ilotopie investit les eaux de l’Isle avec Fous de Bassin, où le miroir horizontal créé par la surface aquatique transfigure complètement une histoire peuplée de personnages sortis de la vie ordinaire. Bruno Schnebelin et son équipe ont inventé le Théâtre d’eau et les machines nécessaires à sa réalisation, permettant de marcher sue l’eau, d’y pédaler ou de rouler en voiture, sans parler des gondoles qui passent. Et quand le feu rejoint l’eau comme pour un concours de magie visuelle, le geste quotidien fait face à un univers des plus féériques.

Après l’eau, les arbres ! La compagnie Etoile de Mer propose, avec La Voile, non seulement de regarder un spectacle acrobatique dansée dans les arbres, mais aussi de lier ce moment à une balade permettant de découvrir l’environnement du spectacle, ici le Jardin des Arènes de Périgueux.

 

Et si l’arbre était beau, finit sa vie sous forme de bûche, le plus souvent dans une cheminée, et parfois dans le spectacle de Claudio Stellato qui en utilise 1.600 dans La Cosa, une clameur gestuelle pour quatre bûcherons en costume de ville. Entre les hommes et le bûches naît une complicité de plasticien et d’ingénieur qui permet de faire surgir des œuvres d’art brut de grande élégance.
 

Dans la rue

Dans les rues de Périgueux, Les Voisins du Dessus vont animer les marionnettes géantes les plus diverses, créées en complicité avec les habitants au cours d’ateliers participatifs. Le défilé du collectif girondin mélangera humains et animaux pour emboiter le pas au succès remporté il y a quelques années par Les Grandes Personnes du Burkina avec leur superbe famille de villageois géants.  

 

Par contre, quand la danse investit les rues et les places dominées par la cathédrale Saint-Front, c’est pour des histoires de courts. 7 Minutes de la compagnie Volubilis est un parcours à travers la ville qui respecte son cahier des charges indiqué par le titre du spectacle. Pas une de plus, et ce pour chacune des huit épisodes de ce feuilleton où le public change de lieu pour suivre un feuilleton énigmatique, sur un rythme haletant, où les rues de la ville deviennent un personnage à part entière.

Il y aura moins de déplacements et pourtant moins de liens entre les six Histoires Courtes partagées entre les compagnies YMA et Mangano-Massip. La première se concentre sur des histoires de couple, puisque les deux chorégraphes-interprètes, Chloé Hernandez et Orin Camus, sont  un couple, qu’ils travaillent ou qu’ils se reposent ou qu’ils interprètent un duo au sujet du travail, comme dans Fabrique. Ils viennent de présenter leurs brèves (entre 7 et 10 min) au festival June Events sous le titre de Next Couple et se partagent le programme périgourdin avec les mimes contemporains Sara Mangano et Pierre-Yves Massip. Entre autres, ils présentent une pièce-performance où l’acteur sculpte, incise et modèle 30 kilos d’argile en direct, comme pour répondre à Stellato et son déluge de bûches.
 

Sauvages, vils, aveugles

Trois spectacles, dont un venant d’Angleterre, engagés et philosophiques, politiques et audacieux. Pourtant ce n’est pas le Collectif Fearless Rabbbits qui doit affronter les conséquences du Brexit, mais Theatre Re, compagnie implantée à Londres et créée par un Français, Guillaume Pigé qui a étudié, à Londres, le mime corporel inventé par Etienne Decroux, avec les élèves du maître qui ont trouvé côté Tamise plus d’intérêt pour ce patrimoine français que côté Seine.

 

« C’est comme du Beckett mis en scène par Magritte », disait la presse anglaise au sujet de Blind Man’s Song de Theatre Re, pièce intrigante sur un musicien aveugle qui détourne sa cécité pour mieux voyager intérieurement, alors qu’il est hanté par des personnages énigmatiques ou menaçants qui gravitent autour de lui.

Ils sont peut-être des représentations de nos démons intérieurs, et c’est peut-être vrai aussi pour le duo Wild de Fearless Rabbits, un « questionnement sur les frontières sociales, éducatives, économiques, physiques qui définissent ou non un être civilisé. »

 

La question de la  civilisation  est aussi une question du regard qu’on porte sur l’autre, qu’on exclut, qu’on évite. La compagnie Mastoc Production aborde dans Des Vils l’univers des SDF avec leurs existences faites d’abandon, de solitudes, d’ivresse, de violence, de colère, de peur, dans un théâtre d’images chorégraphiques pour une slameuse, un comédien et quatre danseurs.

 

Envols et chutes

Toujours des images de corps percutants à Mimos, à commencer cette année par Aneckxander, le solo rapidement devenu mythique du belge Alexander Vantournhout. Attention, nudité ! Mais nudité burlesque, dans une autobiographie tragique du corps. C’est à partir de son cou anormalement long qu’il a construit son personnage d’anti-héros naïf, solitaire, beckettien.

 

Vantournhout nous parle peut-être de l’impossible envol après la chute, contrairement au trio Foi 2.0 du Collectif AOC, puls classiquement circassien, qui décline la dialectique envol/chute sous l’angle de la métaphore et de la recherche de quelque chose en quoi on pourrait croire. Ils ont encore cette foi que Aneckxander a remplacé par un existentialisme bien trempé.
 

Hip-hop livresque et Tango de feu

 

Deux compagnies qui ont récemment enchanté le public sur la scène en plein air du Parc Gamenson de Périgueux reviennent à Mimos avec leurs nouvelles créations. En hip-hop, les Pyramid offrent une nouvelle fois un spectacle envolé et athlétique. Index est une pièce pour cinq danseurs et 351 livres, à la fois objets et partenaires, où l’invention chorégraphique dit toute la poésie et les imaginaires contenus entre les couvertures.

 

L’orchestre est sur scène dans Le Bal des Anges de la compagnie Bilbobasso, où l’on danse sur le sable, entre les flammes et au son du bandoneon. Et le public suit une histoire de passion, de fantômes et de désirs. Le public les avait acclamés il y a deux ans dans A fuego lento et ne manquera pas ce nouveau rendez-vous. Bilbobasso n’ont pas peur des stéréotypes, qu’ils embrassent avec une telle fougue qu’on se laisse emporter.
 

Thomas Hahn

34ème édition de Mimos
Périgueux, du 25 au 30 juillet 2016
www.mimos.fr
 

 

 

 

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