Error message

The file could not be created.

L'installation « Dolldrums » à Pharenheit

Quatre générations, un état de corps chorégraphié. Ca donne quatre films pour une installation vidéo, aussi limpide que passionnante.

Voilà une œuvre des plus étonnantes, où convergent, dans une transdisciplinarité des plus fructueuses,  les arts chorégraphique, visuel, plastique et sonore dans une installation vidéo libre d’accès, derrière laquelle se cache un travail énorme sur l’état nerveux et somatique des citoyens d’aujourd‘hui, avec un accent particulier sur la jeunesse. Rarement, l’art contemporain n’aura rencontré les enjeux sociétaux de manière aussi saisissante et pourtant limpide, aussi percutante et esthétique à la fois.

Alors qu’ on connaît Julie Nioche pour ses projets chorégraphiques (Nos Amours ; Matter ; Nos Solitudes…) et somatiques (par l’association A.I.M.E.), Dolldrums est un projet initié et porté par l’artiste visuelle Laure Delamotte-Legrand, ici véritable plasticienne du geste et de la danse. Des situations chorégraphiques imaginées par les deux artistes sont interprétées respectivement par des enfants, collégiens, lycéens et adultes, avec l’idée d’ajouter un cinquième épisode avec des seniors.

De doldrums à Dolldrums

Les performeurs amateurs  sont donc des citoyens qui investissent des lieux du quotidien, lieux semi-publics comme leurs écoles, par exemple. Le but est pourtant un chemin vers un état plus calme et donc vers soi-même, le retrait par rapport à l’agitation quotidienne et la création d’une zone pacifique au milieu de la tempête urbaine. D’où le nom du projet. « Doldrum est un terme marin pour une zone calme au milieu de la tempête », explique Delamotte-Legrand.

Mais le Collins, Petit Robert des Anglais, indique aussi un « état d’inactivité ou de stagnation ». Et c’est bien un état hors-agitation que Nioche et Delamotte-Legrand cherchent à créer à l’intérieur même des participants. Tout est fait pour les sortir de leur quotidien et leur procurer un ralentissement presque méditatif. A commencer par les sweat à capuche mauves (dans les vidéos de l’installation) ou rouges (photos, vidéos en ligne) qui créent une condition « unplugged », car hors des courants urbains et médiatiques.

Les capuches permettent aux amateurs de s’isoler mentalement et d’accéder à une intimité intérieure. Sans capuches, pas de Dolldrums. Probablement…  Mais ces capuches permettent aussi aux images photographiques de révéler toute la dimension plastique des rencontres et des solitudes incarnées. Les instants figés renvoient à  des mannequins et rappellent certains spectacles de Gisèle Vienne, avec leur confusion entre performers et personnages inertes.  C’est pourquoi  « doldrums » devient Dolldrums.

Des slow sur chaises-agrès

Dans l’installation vidéo, un écran est réservé à chaque film, à chaque âge. La circulation du public fait alors migrer les constellations chorégraphiques, les interactions et les rencontres d’une tranche d’âge à l’autre. Chaque groupe semble ralentir son activité motrice dans des proportions comparables, ce qui donne des résultats sensiblement différents. Sur un matériau chorégraphique équivalent, les jeunes vont tout de même nettement plus vite que les adultes !

Le toucher joue par ailleurs un rôle essentiel dans l’expérience, tout autant que le ralentissement du geste. Il a fallu des centaines d’heures de travail, surtout avec les collégiens, avant qu’ils n’arrivent à épouser cette condition hors du temps. Mais on peut supposer que cette expérience pourra influencer le cours de leurs vies.

Il faut dire aussi qu’il existe une dimension presque circassienne dans cette expérience, dans le sens où les chaises d’école se sont presque transformées en agrès. Soudées entre elles par deux ou par trois, ou bien aux pieds allongés - voire les deux à la fois - ces sculptures ont leur part dans la création de situations extra-ordinaires. Et une escale de Dolldrums inclut l’exposition de ces chaises-agrès, conçues par Laure Delamotte-Legrand en personne qui est également scénographe et plasticienne.

Thomas Hahn

Installation vue le 23 janvier 2018, Le Havre, Bibliothèque Oscar Niemeyer, Le Volcan

Ouverture du 6e festival Pharenheit

http://www.individus-en-mouvements.com/fr/spectacle/dolldrums-72

Catégories: 

Add new comment