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June Events : « La nuit, nos autres » d’Aina Alegre

Nouvelle création pour cette jeune chorégraphe catalane autour d’un rituel nocturne et intime qui aborde le mystère du soi.

« Avec La nuit, nos autres, je continue à creuser l’idée d’auto-célébration et aborde le portrait comme un rituel intime, d’émancipation et de potentielle fiction de soi », écrit Aina Alegre. La nuit venue, on peut en effet se rapprocher de certaines vérités de soi que le jour nous empêche de voir. Mais on peut aussi s’imaginer dans d’étranges ailleurs culturels ou artistiques…

Avec ou sans sexe?

Alegre nous présente trois personnages (ou bien trois facettes d’un seul), les corps à moitié dénudés, et bientôt couverts de peinture bleue ou rouge, pigments autant que piment pour un rêve éveillé, dans un entre-deux de nuit et de jour. Ce tableau bucolique se joue autour d’un rideau de feuilles de monstera deliciosa (sans doute en allusion aux réflexions d’Alegre sur le monstre, créature exposée pour être regardée), dans une ambiance doucement dionysiaque. On peint son corps, mais ne touche pas au corps de l’autre. On y songe, sans doute, mais tout passage à l’acte nuirait gravement à la santé de l’imagination.

Ces faunes aux corps élancés et purs ressemblent à trois anges potentiellement dotés d’un sexe, mais sans en faire usage. De temps à autre ils se tiennent sur un pied, les bras et les jambes articulés à la manière d’insectes. Ou bien s’emballent comme pour un tour de clubbing, mais renoncent vite à passer à l’acte ou s’alignent pour un petit concert animalier.

Pigments de voyages intérieurs

La végétation et la vivacité des couleurs suggèrent une chaleur tropicale. Dans La nuit, nos autres, Nijinski rencontre le Tahiti de Gauguin, et plus encore: Le Douanier Rousseau, les Triptyques de Bacon ou encore La Ronde de Matisse, sans jamais apposer un coup de pinceau ultime. Il s’agit plutôt de mélanger leurs pinceaux et leurs palettes.

Tout est suggéré, rien n’est jamais tranché : La fête, le sexe, la musique techno, la nuit et le jour. Car ici il fait jour en pleine nuit, sans que la lumière soit celle de la lune. Son origine est aussi incertaine que l’identité des trois protagonistes, sans cesse remise en question. Nymphes ou anges ? Leur pureté apparente est-elle le signe d’un chemin vers l’abstinence ou vers la consommation ? Sont-ils en train de rêver, de découvrir ou de quitter leur animalité ?

Tout est possible, rien n’est certain

Dans cette nuit-là, toute évolution est également potentielle et intérieure. Du début à la fin, peu de choses changent matériellement. L’homme (si la distinction a lieu d’être) emballe son corps dans le feuillage de monstera deliciosa, et la peinture couvre la peau des femmes avec un éclat qui va croissant. Opulence et ascèse se défient en contredanse, dans une élévation potentielle des corps, une semi-apesanteur, un état chorégraphique entre le codifié et la liberté.

La nuit, nos autres est une danse des possibles, une pièce d’ambiance plus qu’un ballet, et pourtant, cette nuit d’un faune métaphorique développe certaines strates intimes qui contiennent des actions potentielles.

L’intérêt d’Alegre pour l’être en devenir se manifeste avec force et subtilité, si bien qu’il en résulte une pièce en devenir permanent et donc sans début ni fin, prête à vous poursuivre un temps incertain, de nuit probablement.

Thomas Hahn

Festival June Events, Atelier des Paris, le 4 juin 2019

Conception : Aina Alegre

Interprétation : Isabelle Catalan, Cosima Grand, Gwendal Raymond
Musique originale: Romain Mercier
Création lumière : Pascal Chassan
Scénographie: James Brandily
Régie générale : Guillaume Olmeta
Conseil artistique / dramaturgie : Quim Bigas

En tournée : festival Uzès Danse, le 21 juin 2019

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