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Jonah Bokaer : « Other Myths »

Dans le cadre du superbe Centre Américain Mona Bismarck, un hôtel particulier du XIXe siècle  appartenant à la mécène, Jonah Bokaer présentait Other Myths, une pièce créée avec de jeunes danseurs des pays de l’Est – Evin Hadžialjević (Slovénie), Katharina Illnar (Autriche), Zoltán Grecsó (Hongrie), Szabolcs Pataki (Hongrie), et Karolina Šuša  (Croatie) – qui ont apporté dans leurs bagages leurs mythes fondateurs.

Jonah Bokaer a donc aménagé leurs rêves comme autant de paysages, leurs corps en mouvement définissant cette création imaginaire où l’œil se promène. Au milieu de la pièce, la sculpture d’une femme assise signée Daniel Arsham semble l’indéchiffrable ange tutélaire de cette représentation.

Entre deux rangées de siège nous voyons bientôt apparaître deux danseuses, vêtues de gris, qui ajoutent leur présence en miroir à la statue immobile. Ce motif du double parcourt la pièce de Jonah Bokaer, même quand les autres interprètes entrent.

Alors se produit une curieuse alchimie où l’on ne distingue plus des corps en mouvement mais où le mouvement fait le corps. Chaque détail prend alors toute son importance, comme si le travail de l’espace ajoutait une focale à chaque segment anatomique.

Bien sûr, on ne connaît pas ces légendes des Carpates. Mais elles nous parlent de territoires conquis, de forêts profondes, d’esprits venus du temps d’Attila. Seule Emelka, sorte d’ancêtre de Giselle avec ses « Vilas » (créatures qui dansent la nuit après leur mort) nous est un peu plus familière… mais qu’importe. Comme seule la musique d’une langue inconnue nous parle, ici seule l’intensité de la gestuelle nous transporte dans ces mondes irrationnels et anciens. La torsion d’une échine, la verticalité d’un bras, la soudaineté d’un saut donnent tout leur sens à cette narratavité qui s’appuie sur une mémoire collective ou inconsciente. Une course brusque évoque le galop d’un cheval, un saut à l’horizontale fait surgir un démon, une concrétion de corps laisse bondir des âmes épouvantées… Tout en restant dans une sobriété plutôt abstraite, une gestuelle plutôt rigoriste.

La musique originale, composée par Soundwalk Collective, est structurée par un ensemble de prises de sons dans la région de la Mer Noire, ainsi que d’un remix d’enregistrements de fréquences radio et de bribes de conversations en arabe, serbe et croate, reprenant en cela un procédé cher à John Cage et Merce Cunningham, notamment dans Roaratorio. Est-ce un hasard si cette pièce s’appuie aussi sur une danse de tradition irlandaise ? Sans doute pas. N’oublions pas que le chorégraphe fut danseur dans la Merce Cunningham Company pendant sept ans.

Photos : Thomas Hahn

En tout cas, cette performance, qui lançait également la FIAC In Process est une vraie réussite

Agnès Izrine

19 octobre 2015 - American Center Mona Bismarck.

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