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« Inventaire » de Josette Baïz

Une conférence dansée jouée par deux danseurs de la Compagnie Grenade, Lola Cougard et Geoffrey Piberne nous raconte les aventures chorégraphiques de ces deux gamins devenus grands « en danse » sous la tutelle du « système » Grenade inventé par la joyeuse magicienne aixoise.

La forme n'innove pas et ne le cherchait pas puisqu'il s'agit d'une conférence dansée jouée avec plus ou moins de justesse par deux danseurs au plateau, un garçon et une fille plutôt jeunes et sympathiques. S'y ajoutent une alternance d'images d'archives de plus ou moins bonne qualité qui amènent littéralement jusqu'au plateau les extraits chorégraphiques cités dans les vidéos. Il n'y a rien là qui bouleverse la dramaturgie chorégraphique et cela ne le prétend nullement.

Mais voilà, avec Josette Baïz, le petit miracle se produit à chaque fois et l'on ne peut s'empêcher d'avoir suivi, parfois passionné, souvent attendri, toujours intéressé, les aventures chorégraphiques de ces deux gamins devenus grands « en danse » sous la tutelle du « système » Grenade inventé (avec rien de moins conceptuel que la pratique du quotidien) par la joyeuse magicienne aixoise.

Voilà Lola Cougard et Geoffrey Piberne, deux parcours distincts qui se croisent et illustrent la richesse de l'expérience Grenade. Lola Cougard débute la danse classique très tôt, mais à sept ans elle l'abandonne et commence la danse contemporaine avec Josette Baïz. A neuf ans, elle entre dans le Groupe Grenade et participe à l'aventure de Trois générations de Jean-Claude Gallotta (2003). Le genre d'expérience qui ouvre de nouvelles perspectives… Tout naturellement la voilà dans la Compagnie Grenade à l’âge de 18 ans. 

Lui, un peu trop gros pour la danse lui a-t-on dit, s'obstine, s'y insère, poursuit, suit la formation du conservatoire d’Avignon de 2011 à 2013 puis entre comme stagiaire au Ballet Preljocaj en 2013. Il suit la formation de l’école de danse du ballet junior de Genève de 2013 à 2015 et intègre la Compagnie Grenade en 2016. 

Donc, d'un côté, un « pur » parcours Grenade (de Groupe à Compagnie), de l'autre un danseur qui rejoint la compagnie et toutes les étapes qui, illustrant ces deux parcours, sont autant de rencontres. De Wayne McGregor à Uprising d’Hofesh Shechter, en passant par Barak Marshall, Angelin Preljocaj ou encore le fameux passage par Gallotta. Amusant de comparer les variations de Trois générations dansées par une pré-adolescente de douze ans (vidéo) et par la même devenue adulte… Ou The Show must go on de Jérôme Bel, avec le même jeu vaguement démago avec le public que dans l'original mais dans une version beaucoup plus décontractée.

Galerie photo © Olga Putz

Lola Cougard et Geoffrey Piberne surjouent un peu quand ils présentent la pièce à venir dans un petit jeu de scène souvent très attendrissant et parfois très éclairant sur le « fonctionnement intérieur de la technique ». Ils donnent l' extrait du spectacle, avec une énergie et une technique particulièrement affûtée (compte tenu de la diversité des styles, c'est une incontestable performance) et reviennent au lien qu'ils entretiennent avec le « système » Grenade. Le tout charme par sa fraîcheur et son authenticité et en définitive permet de dédramatiser le rapport à la danse, comme l'un des ouvrages d'Anne-Marie Pol qui aurait renoncé aux clichés simplificateurs au profit d'une sincérité éclatante.

Galerie photo © Ballani et Jean-Claude Carbonne

On s'amusera aussi d'une particularité française : il y a trente ans que Josette Baïz, partie d'une injonction un peu velléitaire des politiques avec le fameux « il faut faire quelque chose pour les quartiers », arpente ceux du nord de Marseille. Elle a formé et fait entrer en danse des centaines de jeunes. Au Vénézuela, El Sistema, qui permet à des jeunes de pratiquer la musique, n'a guère que quarante ans, et dresse sur le fond un bilan plutôt semblable à celui de Grenade. Le chef Gustavo Dudamel aidant, El Sistema jouit pourtant d’une notoriété autrement plus bruyante. Mais il s'agit de musique et non de danse… Puisse cet Inventaire aider à déciller les regards et lutter contre ce qui relève, en définitive, de ce fameux préjugé « anti-danse »…

Philippe Verrièle

Vu le 18 juillet 2021, au Théâtre des Hivernales, CDCN, dans le cadre du festival Avignon Off.

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