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« GRANDE - » de Vimala Pons et Tsirihaka Harrivel

Il y a cinq ans, déboulait Ivan Mosjoukine, collectif de jeunes circassiens issus du Cnac. On se souvient du brillant Notes on the Circus :  nouveau genre, énergie bouillonnante, les quatre « Mosjoukine » (Vimala Pons, Tsirihaka  Harrivel, Maroussia Diaz Verbèke, Erwan Ha Kyoon Larcher) livraient un premier spectacle étonnamment inventif.

Vimala Pons et Tsirihaka Harrivel ont ensuite poursuivi leurs chemins, elle, comédienne, a tourné avec Rivette, Resnais, ou Podalydès (entre autre), lui  a dansé dans les pièces de Mathurin Bolze et donné la réplique à Dominique Dupuy dans Actes sans paroles.

Adeptes du cut-up, qui fit la singularité de Notes on the Circus, cultivant l’art de l’accumulation loufoque et frénétique, un tantinet obsessionnelle, (il y avait 80 notes on the Circus), ce ne sont pas ici les notes que Vimala et Tsirihaka empilent minutieusement mais des fragments d’une revue en vrac, sensée commencer par la fin, sur un plateau transformé en champ expérimental ou laboratoire de savant fou. Le spectateur, armé d’un plan d’une calligraphie délicate mais tout aussi désordonné, sensé l’aider à s’y retrouver, abandonnera vite ses repères habituels pour se laisser emporter. Du plan, on appréciera simplement le dessin ainsi que tous ceux qui ornent la salle du Monfort, soigneusement alignés, répertoriés, comme dans un cabinet de curiosité. Et chacun complétera comme il l’entend, le voit et le perçoit.

Totalement et heureusement inclassable, le spectacle commence donc par la revue n°1, (il y en aura 10) nommée « striptease », en réalité un « Frégoli » de la plus pure tradition, à vue et sans rideau. Infante, tahitienne, Miss France, curé, en ceinture de chasteté ou culotte en crochet qu’elle détricote, le tout (il faut bien corser un peu l’affaire), réalisé avec un mannequin de vitrine en équilibre sur la tête, Vimala Pons est d’une virtuosité précise et d’une expressivité exquise. L’équilibre ça la connaît, se succèderont au somment de son crâne, comme autant d’images métaphoriques, une colonne grecque, un bouquet de fleurs fanées, une planche en bois, un escabeau, une machine à laver… un inventaire domestique à la Boris Vian où l’on pourrait ajouter aux strophes « Un frigidaire, un joli scooter, un atomixaire et un Dunlopillo … Une cuisinière Avec un four en verre, Des tas de couverts, Et des pelles à gâteaux… » *, « un lancer de couteaux ». Lancer que Tsirihaka exécutera avec une certaine fougue (est-ce bien Trump et Poutine qu’on aperçoit en toile de fond ?)

À la fois brillants et fragiles, Vimala et Tsarihaki cavalent dans tous les recoins du plateau et de leur imagination comme pour en extraire l’énergie inventive. Ils sont partout… doués pour tout ... aux commandes musicales, sur les agrès (surprenant toboggan vertical), ils élaborent le désordre, fabriquent des images surréalistes et détonantes, créent l’étonnement, jonglent avec les mots et les émotions. Leur couple, en passant en revue une multitude d’états, raconte toujours quelque chose qui nous touche, quelque chose d’intime.

Et si ça foisonne dans tous les sens, sans limites d’inventivité, GRANDE - n’en est pas pour autant décousu, éparpillé et mal construit. Sous son apparente déstructuration se cache une écriture précise, serrée, subtile et bien pensée, toujours juste, et assurément une forme très personnelle.

En un mot formidable !

Marjolaine Zurfluh

Vu au Monfort le 29 avril

*Boris Vian, La complainte du progrès

Tournées

18 et 19 mai au Maillon - Strasbourg

23 et 24 mai au Bonlieu - Annecy

15 au 17 juin aux Subsistances - Lyon

 

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