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« Go, go, go said the bird » de Camille Mutel

Un essai très épuré sur l’érotisme comme jardin japonais, à l'affiche du festival Drôles de ames, à Mâcon. Une soirée partagée avec mA de Satchie Noro et Yumi Rigout (lire notre critique)

L’amour physique est-il un art martial ? Camille Mutel présente une sorte de rituel hautement codifié, comme dans un cérémonial japonais ou dans une expérience scientifique, où deux corps nus se combinent ou s’entrechoquent de façon si épurée et stylisée que  tout érotisme est incarné par les fluides.

(Human kind cannot bear very much reality) - la seconde partie du titre renvoie directement à la position du spectateur. Les corps nus sont bien réels, mais leur façon d’interagir déjoue les codes de la rencontre sensuelle. Envie d’érotisme ? Regardez le jaune d’œuf couler sur le dos de Mutel et se faire avaler par la bouche de Chosson, bouche qui le repose ensuite délicatement sur l’autre face du même corps. Si Georges Bataille a tout dit sur la valeur érotique de l’œuf, Mutel et son partenaire Philippe Chosson vérifient ses thèses dans une démonstration presque clinique.

 

L’oiseau est un signe jusque dans le blanc de l’œuf... du cygne. Ce blanc devient transparent et donc plus pur encore, dans l’étrange film qui se tend quand les deux décollent l’un de l’autre. Ni chewing gum ni latex, mais effluve imaginaire découlant de sous les bustes devenus rouges sous la force des impacts. Ici les heurts relèvent de pure mécanique, aux antipodes de la charge émotionnelle que le même exercice développe chez un certain Dave Saint-Pierre. Et le sang devient visible, comme sur les images de l’artiste visuel japonais Osamu Kanemura. Les photos et vidéos projetées confrontent le corps originel, irrigué de son sang, avec l’environnement urbain d’aujourd’hui : buildings, escaliers, métros, escalators, alternant dans un rythme soutenu, à la limite de nos capacités oculaires.

Go, go, go said the bird est divisé en tableaux ou rounds, entre lesquels Mutel et Chosson se nettoient la peau blanche avec des serviettes noires, comme dans un onsen japonais. Chaque geste se déploie dans le temps autant que dans l’espace et capte les vibrations de la voix d’Isabelle Duthoit, artiste vocale hors norme, phénomène inouï déclenchant de véritables tempêtes gutturales. Dans cet espace dépouillé, son énergie volcanique semble relier le ventre de Duthoit directement aux entrailles de la terre, créant la troisième dimension sensuelle, la moins pure et donc la plus troublante de cet étrange rituel.

Le genre humain ne supporte pas beaucoup de réalité: Le constat est d’autant plus vrai qu’il s’agit de réalité érotique. Mutel signe une démonstration aux antipodes de la pornographie, intégrant arts visuels, philosophie, art vocal et corporel. Les voyeurs sont priés d’aller regarder ailleurs. Pendant ce temps, la chorégraphe et son partenaire s’amusent à revisiter les fresques érotiques de l’antiquité dans un esprit Bauhaus. Go, go, go : Le « vas-y ! » de l’oiseau interroge la possibilité d’un érotisme philosophique à l’ère de l’hybridation homme-machine, quand les rapports entre êtres réels deviennent de plus en plus fictionnels.

Thomas Hahn

Vu à la création au Générateur de Gentilly, dans le cadre de Faits d’Hiver, le 8 février 2016

Go, go, go said the bird » de Camille Mutel et mA de Satchie Noro et Yumai Rigout :

Le 23 mars 2018 : Le mois des Drôles de Dames. Le Théâtre, Scène nationale de Mâcon
 

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