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« FLA.CO.MEN » d’Israel Galván

L’humour n’est pas la première des qualités qu’on prête spontanément à Israel Galván. La fierté, oui. L’élégance, la force, la musicalité, l’innovation, l’esprit provocateur. Tout ça et bien plus. Mais qu’il nous fasse rire ? C’est fait ! Après tant de sujets sérieux, après avoir dansé dans un cercueil ou évoqué la Shoah, Galván s’offre une bouffée d’oxygène. FLA.CO.MEN est un cabaret aux tableaux et ambiances très diverses, où Galván saute du coq à l’âne sans perdre le fil.


Bien sûr, ce fil rouge c’est lui-même dans sa capacité à tenir le plateau, à digresser, à obtenir un maximum d’effet avec un geste minime. Jamais à court de liberté d’esprit, il ajoute une nouvelle corde à son arc, en s’autorisant même des contacts directs avec le public ou à disparaître dans la salle, l’obscurité couvrant ses assauts percussifs des murs du Théâtre de la Ville.

 

Le clown musical vient de trouver sa variante flamenca, et le flamenco son entertainer universel, une vraie bête de scène sachant prendre le taureau par les cornes sur une musique transgenre, parodiant une corrida. FLA.CO.MEN : L’anagramme ne transforme pas seulement le mot, mais le visage du mot. Le cri de la terre devient le rire de l’Auguste.

Galván sait passer par le negro spiritual, la musique indienne ou de Renaissance, adapter sa danse à ces univers  et pourtant rester en plein flamenco. Même immobile, assis sur sa chaise, il en incarne l’essence. Et peut donc se permettre de revisiter les stéréotypes du genre, y inclus son propre style, toujours avec une demi-pointe de deuxième degré. Enfile même une robe à pois au finale qui lui irait plutôt bien si les couleurs n’étaient pas d’un mauvais goût pleinement assumé.

Galerie photo © Laurent Philippe

Il danse comme il boxe, des feuilles de la partition collées sur son front ou son buste, se présente en tablier blanc comme pour cuisiner un flamenco différent, puisant les ingrédients dans un livre de cuisine imaginaire, se tapant sur les cuisses, son geste malaxant la pâte des différents styles de son art. Avec ce menu-là, la parodie vient en dansant.

Galván s’amuse, à haut niveau. Pourtant, FLA.CO.MEN ne s’appuie pas uniquement sur ses saveurs burlesques. Celles-ci ne sont que l’habillage d’un travail en profondeur qui redéfinit le rapport entre la danse et la musique. Depuis longtemps, cette réflexion est au cœur de ses recherches. Galván ne se contente pas de recomposer le geste chorégraphique sur des registres musicaux hors du champ andalou traditionnel, mais subvertit l’idée même qui veut qu’on danse sur une musique et que ce dialogue crée une œuvre.

Galerie photo © Laurent Philippe

Dans l’esprit rock’n’roll de ce show espiègle, ce n’est pas le danseur qui occupe le centre du plateau, mais une batterie qui devient partenaire chorégraphique. Le corps de Galván est instrument et chef d’orchestre à la fois, et il arrive que son port de bras semble moduler la musique comme à travers un système électronique de capture du mouvement. Son zapateado n’est plus danse, mais genre musical, son corps un prolongement des instruments. Galván ne danse pas du flamenco, il danse avec le flamenco.

Thomas Hahn

FLA.CO.MEN
Au Théâtre de la Ville, du 3 au 11 février 2016
 

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