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Finale du premier concours de jeunes chorégraphes

Avec le soutien du Ministère de la Culture, le Ballet de l’Opéra National de Bordeaux conduit par Charles Jude, le Ballet du Capitole de Toulouse dirigé par Kader Belarbi et le Malandain Ballet Biarritz ont créé en 2012 un Pôle de coopération chorégraphique du grand Sud-ouest.

Cette idée est née par la constatation d’une absence de relève pour un art populaire éminemment français. Effectivement, il n’y a que cinq cents danseurs employés en CDI en France et aussi peu de troupes spécialisées en danse classique et néo-classique en comparaison avec d’autres pays.
De plus, le renouvellement de ce répertoire fonctionne au ralenti et relativement peu de jeunes chorégraphes revendiquent un attachement au vocabulaire académique. Ceci est d’autant plus paradoxal que ce vocabulaire, ainsi que le Ballet comme genre théâtral, reçurent leurs lettres de noblesse en France avant de féconder l’Europe, puis la terre entière.

Les objectifs de ce Pôle vont du soutien à l’émergence de jeunes chorégraphes et de nouveaux talents afin de renouveler le répertoire de ballet et de lui donner une forte visibilité. Contribuer à créer « un appel d’air » et stimuler les vocations, pour enfin accompagner un artiste associé afin de le préparer à la direction d’un Ballet.
 

En novembre 2015, le Ballet National de Bordeaux et le Malandain Ballet Biarritz lancent un appel à candidature pour le concours de jeunes chorégraphes classiques et néoclassiques. Parmi trente-deux candidatures, deux tiers d’entre eux étaient français et le dernier tiers provenait d’Espagne, Portugal, Allemagne, Suède, Lettonie, Etats-Unis Russie et Japon. Fin décembre 2015, Charles Jude et Thierry Malandain ont annoncé le nom des six candidats retenus pour la finale du Concours de jeunes chorégraphes qui se déroulait le 24 avril à Biarritz. L’enjeu était de présenter des pièces courtes de quinze minutes.

Dimanche à 17 heures, les cinq membres du jury : Hélène Trailine, (danseuse étoile, directrice du Ballet Théâtre Français de Nancy et conseillère pour la programmation du Ballet de l’Opéra de Paris), Kader Belarbi (danseur étoile, directeur de la danse au Capitole de Toulouse), Ivan Cavallari (danseur étoile, chorégraphe, directeur du ballet de l’Opéra du Rhin et futur directeur en 2017 des Grands Ballets Canadiens), Charles Jude (danseur étoile chorégraphe, directeur de la danse de l’Opéra de Bordeaux et Thierry Malandain, (chorégraphe et directeur du CCN Malandain Ballet Biarritz) ont pris place dans la salle archi pleine de la Gare du Midi de Biarritz (qui prouve ainsi à quel point Thierry Malandain a réussi à fidéliser un large public).

Le premier candidat fut le belge Ricardo Amarante, danseur soliste au Ballet Royal de Flandre et chorégraphe en Belgique pour plusieurs compagnies. Sa pièce, Love, Fear, Loss est inspirée par la vie de Piaf. Trois pas de deux sont dansés sur les musiques de Mon Dieu, L’hymne à l’amour et Ne me quitte pas. Très classiques, les excellentes interprétations sur pointes manquent quelque peu de chair, de déchirement, de passion. Ricardo a obtenu le prix Fondation de la danse (1000 euros).

Yvon Demol, promu coryphée en 2008 à l’Opéra de Paris, a créé ses premières chorégraphies en 2014 au sein d’Incidences Chorégraphiques dirigé par Bruno Bouché. Sa pièce Oui se déroule en deux parties. Un duo d’hommes sur la Grande Sarabande de Haendel et un quatuor sur le Trio n° 2 de Schubert. Sous des lumières extrêmement bien étudiées qui créent une intense dramaturgie, Yvon propose une œuvre totale parfaitement bien écrite avec des costumes épurés et futuristes.

Magistralement bien interprété par des danseurs et danseuses de l’Opéra de Paris, cet opus évoque les notions de soumission/domination entre individus.
A 27 ans, cet artiste avoue puiser son inspiration dans les pièces de Kylián. « Le style néoclassique offre d’infinies possibilités et là, j’ai pu me faire plaisir avec ces deux extraits musicaux qui m’obsèdent depuis ma plus tendre jeunesse. Par la suite, j’ai l’intention de continuer à chorégraphier en m’appuyant sur les musiques majeures des plus grands compositeurs. » Yvon a du talent car il a su, en seize minutes, raconter une véritable histoire. Il est arrivé troisième au niveau du Prix du jury, donc sans rien remporter si ce n’est qu’il faut absolument suivre ses futures créations.

Vitali Safronkine, formé à la Rudof Nureyev Ballet School est primé en 2002 en Ukraine à l’International Kiev Ballet Competition. Il devient cette même année soliste au Zürich Ballet et rejoint le Béjart Ballet Lausanne en 2012. C’est en 2009 que ce russe signe ses premières chorégraphies. Avec Moving Resonance pour cinq danseurs, il s’appuie sur l’excellente technique de ses interprètes. Tout est très lisse, peut-être un peu trop propre pour en quinze minutes arriver à retenir l’attention du public et des membres du jury.

L’espagnol, Olaf Kollmannsperger a débuté sa carrière de danseur en 2003 à Europa Danse. Il est depuis 2014, soliste au Staatsballet Berlin et a commencé à chorégraphier en 2005. The Cooking Show débute plutôt bien avec de nombreuses notes d’humour qui racontent les coulisses d’une cuisine d’un restaurant. Malgré la très belle scène où des hommes pétrissent la pâte à pain, illustrée par une femme revêtue d’une longue robe beige, qu’ils malaxent avec une douce élasticité, la suite se perd dans un dédale d’intentions quelque peu trop chaotiques. Il est effectivement difficile de raconter une histoire en quinze minutes et Olaf a sans doute voulu exprimer trop de choses au lieu d’élaguer. Toujours est-il qu’il faudra suivre cet artiste qui démontre une certaine originalité et un talent certain de chorégraphe.

La seule femme, l’allemande Xenia Wiest, fut diplômée en 2003 de la John Cranko Balletschule à Stuttgart, puis elle est engagée au Deutsche Oper Berlin  tout en étant soliste invitée au théâtre de Görlitz. Depuis 2004, elle danse au Staastballett Berlin et commence à chorégraphier en 2005. Six danseurs pour To be continued  qui bouscule les codes de la danse néo-classique tout en s’interrogeant sur le cycle infini de la mort et de la résurrection. Sur une composition originale de Patrick Soluri, elle dessine une pièce puissante et raffinée qui a séduit à l’unanimité le jury lui décernant le premier prix, soit une résidence d’un mois en 2016/17 au Ballet de l’Opéra de Bordeaux pour une future création de vingt minutes.

Avec son irrésistible Prince, le français Martin Harriague a remporté tous les suffrages. Prix du public (un soutien de 3000 euros), second prix du jury (soit une résidence d’un mois en 2016/17 au Malandain Ballet Biarritz pour une future création de vingt minutes) et le prix des journalistes et professionnels (un soutien de 3000 euros). Martin a débuté sa carrière au Ballet Biarritz Junior à San Sebastien. Il a ensuite intégré en 2008 le Ballet National de Marseille avant de rejoindre la Noord Nederlandse Dans aux Pays-Bas en 2010. Depuis 2013, il danse et chorégraphie au Kibbutz Contemporary Danse Company en Israël.

Sur la musique de La Belle au bois dormant de Tchaïkovski, il réécrit une partition de ce conte avec six extraordinaires danseurs qui font preuve d’une excellente dextérité entre humour et parfaite technique. Qui est réellement ce Prince Charmant ? Jeune, beau et musclé ? Et bien non. Martin brise les rêves des jeunes filles en mettant en scène un prince  bedonnant, plus si frais, quelque peu niais et qui doute de sa sexualité.  Les héros ordinaires et imparfaits de cet opus bravent les codes de l’esthétique du Ballet et offre un final que l’on n’osait pas imaginer, le fameux baiser entre un autre prince bien plus élégant et la ravissante Belle.

Martin Harriague qui vient de fêter ses 30 ans avoue s’être inspiré de la vie de Tchaïkovski  dont son homosexualité. « D’où l’idée d’un prince transgenre que j’ai voulu traiter avec humour. Et justement, je pense que le renouvellement du ballet serait d’y faire passer des messages actuels et pourquoi pas politiques. Ceci ne doit pas être uniquement l’apanage de la danse contemporaine. Nous pouvons, avec des pas classiques, arriver à raconter notre époque, à diffuser des idées et faire réfléchir le public parce que je n’ai pas du tout l’intention de rejeter la danse classique, bien au contraire. » raconte le jeune homme.  
Prince est un extrait d’une pièce qui sera présentée dans son intégralité en première le 18 juin  à Tel-Aviv.

Pour clôturer ce premier concours de jeunes chorégraphes qui se déroulera tous les deux ans, Thierry Malandain, entouré sur scène de tous les danseurs, chorégraphes et membres du jury, s’est exprimé : « Il y a la nuit debout et on a fait la danse debout, et c’est déjà beaucoup. Le jeu des concours est toujours terrible surtout que six identités très fortes étaient sélectionnées. Ce soir, on fait la démonstration qu’en France et en Europe, il y a de bons chorégraphes ».

Sophie Lesort

Premier prix : To be continued de Xenia Wiest, (Staastballett Berlin)
Deuxième Prix, Prix des Professionnels de la Danse, Prix du Public : Prince de Martin Harriague, (Kibbutz Contemporary Dance Company)
Prix Fondation de la Danse : Love, Fear, Loss de Ricardo Amarante, (Ballet royal de Flandre)
 

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