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Festival Un Week-end à l’Est : La Belgradoise Dunja Jocić

Du 27 novembre au 2 décembre, la vie culturelle serbe s’invite en plein Quartier Latin, incluant une pièce de danse incisive et ciselée : The Resident. 

Après Varsovie en 2016,  Kiev en 2017 et Budapest en 2018, les directrices Vera Michalski et Brigitte Bouchard proposent cette fois un focus sur la vie culturelle de Belgrade et de ses ressortissants. Le choix, fait l’année dernière, d’inviter la chorégraphe hongroise Adrienn Hód [lire notre critique] a montré qu’elles savent identifier des écritures radicales. L’exemple actuel de Dunja Jocić le confirme à nouveau. 

Festival quasiment omnidisciplinaire, Un Week-end à l’Est offre chaque année un large panorama de la vie culturelle dans une capitale d’Europe centrale ou orientale. En choisissant des lieux du 6earrondissement, la manifestation inscrit, symboliquement, l’Europe de l’Est dans la tradition parisienne de la vie intellectuelle du Quartier Latin, ouvrant une fenêtre sur le bouillonnement culturel oriental en matière de littérature, musique, arts visuels, cinéma, philosophie, théâtre, photographie etc. Le fait d’y témoigner aussi de la danse mérite d’être relevé.

Sous l’égide de la marraine du festival, la cinéaste Mila Turajlic, nous allons retrouver, avec le dessinateur et cinéaste Enki Bilal, un artiste qui n’est pas sans lien avec la danse, ayant réalisé les scénographies (et les costumes!) de Roméo et Juliette et de Retour à Berratham d’Angelin Preljocaj. Turaljic et Bilal participeront par ailleurs au débat de clôture à l’Odéon-Théâtre de l’Europe, le 2 décembre, placé sous le thème de « Belgrade : l’effervescence culturelle comme refuge ».

The Resident de Dunja Jocić et Barbara Markovic

Mais l’effervescence culturelle et les bouleversements politiques envoient autant d’artistes sur les voies de l’exil. Bilal est même arrivé en France à l’âge de dix ans. Et quant à la création chorégraphique The Resident, marquée par une rencontre ombilicale entre danse et littérature, la chorégraphe Dunja Jocić et l’écrivaine Barbara Markovic sont certes Belgradoises, mais la première vit à Amsterdam et la seconde, à Vienne. Ensemble, elles ont créé The Resident, une pièce sombre aux accents kafkaïens qui s’appuie sur une nouvelle de Markovic.

Dans ce monologue intérieur, on suit le long fleuve des pensées d’un homme qui, retranché dans son appartement, observe son entourage, s’étonne, réfléchit, divague…

Pas tout à fait Monsieur K, ni tout à fait perdu dans un terrier, ni tout à fait un hikikomori connecté, cet homme nous révèle à quel point l’étrange - au sens fort du terme - peut se cacher dans une existence apparemment ordinaire.

Pourquoi observe-t-il, pourquoi est-ce là sa seule occupation? A-t-il un but ? Un soupçon de Hitchcock plane sur la scène, placée sous un énorme cube suspendu, mystérieux, menaçant et aérien. Depuis ce volume carré sont diffusées les pensées du protagoniste de cette nouvelle de Markovic dont on entend ici des extraits. 

Pour ce rôle plus qu’exigeant, Jocić a trouvé un interprète sur mesure. Simon Bus, danseur longiligne (formé en danse classique), donne à son rôle une densité absolue. Avec sa gestuelle ultra-précise, comme tirée au cordeau et pourtant insondable, il dessine les contours d’un être à la lisière de la vie sociale, rappelant certains personnages de Josef Nadj. Mais de temps à autre, l’étrange résident se retire et laisse la place à son ombre, plus énigmatique encore, qui fait sa première entrée en se faufilant au sol tel un costume de ville vide.

Au fil du temps s’établit  un jeu de vases communicants entre deux silhouettes sombres, dans un espace aussi concret qu’intérieur, univers oppressant et obsédant, où la présence du danseur-acteur étire le temps et la condition humaine, en écho au récit diffusé depuis un énorme cube suspendu, aussi onirique qu’oppressant. Car une certaine ambiance d’Europe de l’Est est bien au rendez-vous, posant son regard dubitatif et amusé sur le petit cirque des humains. 

Jocić dit par ailleurs rester en contact étroit avec Belgrade, où elle apprécie la spontanéité et la chaleur des relations humaines. Mais après sept années de vie amstelloise et d’autres périodes passées en Angleterre et à Paris, elle appréhende « les impossibilités au quotidien », pour les artistes en particulier, qui compliquent la vie en Serbie. 

La soirée d’Un Week-end à l’Est qui lui est consacrée le 28 novembre 2019 à la MPAA Saint Germain inclut par ailleurs un court métrage dont Jocić, qui a grandi dans une famille dont la vie tourne entièrement autour du 7eart, est la réalisatrice.

Ce film, The Bird, n’est pas lié à The Resident. « C’est un film de danse, mais sans narration, une sorte de musical d’horreur pour enfants », explique-t-elle, se disant très influencée par le cinéma et en particulier par les films de Kubrick dont elle apprécie « le mystère insaisissable », ce qui caractérise parfaitement The Resident et son intensité cinématographique. 

Thomas Hahn

Jeudi 28 novembre à 19h30 à la MPAA/St-Germain

MPAA Soirée Belgrade
Festival Un Week-end à l'Est 

 

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