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Entretien avec Christian et François Ben Aïm

Christian et François Ben Aïm présentent leur nouvelle création dès le 21 février aux Hivernales d’Avignon, avant la version « live » avec Ibrahim Maalouf et un quatuor à cordes à la Biennale de la Danse du Val-de-Marne. Nous leur avons demandé de nous en dire plus au sujet de ce double quatuor de danseurs et de musiciens intitulé : Brûlent nos cœurs insoumis.

DCH : Votre nouvelle création est complexe, elle mêle danseurs, musiciens et texte…
Christian Ben Aïm :
 Nous travaillons depuis dix-huit ans ensemble et nous avons une vingtaine de créations de formats très différents à notre actif. Nous aimons mélanger une tendance onirique, ou une certaine narration, à une recherche plus chorégraphique, plus physique, du mouvement. Par ailleurs, nous avons invité des musiciens à occuper la scène avec nous dans nos dernières créations. Du coup, nos projets se sont concentrés sur le rapport du corps à la musicalité, sur l’écriture du mouvement en relation avec la musique. Contrairement à nos premiers spectacles où nous étions plus proches d’une narrativité, en adaptant, par exemple, des textes de Bernard-Marie Koltès ou Peter Handke.

François Ben Aïm : Nous avons eu envie de renouer avec la dimension narrative, et rassembler différents auteurs autour d’une dramaturgie plus textuelle comme nous avions pu le faire sur Roberto Zucco ou sur Koltès, tout en conservant la relation à la musique.D’où cette création intitulée Brûlent nos cœurs insoumis, composé avec le compositeur et musicien Ibrahim Maalouf  et Guillaume Poix, qui est auteur dramaturge.  Elle s’appuie notamment sur un thème qui nous a toujours importé terriblement : porter sa différence au plus profond de ce que l’on peut éprouver,  même dans ce qu’elle a d’invisible à nos propres yeux. C’est une sorte d’irréductibilité de l’individu.

DCH : C’est la première fois que vous travaillez avec un dramaturge ?
Christian : C’est la première fois que nous travaillons avec un dramaturge, qui nous apporte d’autres processus, c’est très enrichissant pour le projet et la réflexion.  Ibrahim et Guillaume nous apportent leur imaginaire, leur puissance, leur folie. Ce sont d’autres regards, d’autres manières d’aborder la scène, le spectaculaire, la narration qu’elle soit d’ordre musicale ou littéraire.
 

DCH : La pièce traite de la fraternité et de la liberté possible par rapport à ce lien. L’un des nœuds de la pièce s’intéresse donc à la nature de la relation qui unit les quatre interprètes. C’est un thème qui vous touche de très près…
François : Du fait que nous travaillons ensemble depuis si longtemps, nous interrogeons aussi la manière d’exister l’un avec l’autre, de trouver sa propre liberté, sa propre façon d’avancer. Il ne s’agit pas de parler de nous mais, à force de nous être confrontés l’un à l’autre pendant des années et à notre relation, ça devient presque un sujet en soi.

Christian : Bien sûr, la notion de fraternité est ancrée dans notre travail, même quand ce n’est pas un thème central. Par essence, ça existe, et pour notre création, nous avions envie de requestionner notre fonctionnement et d’une manière, plus large, la nature de notre lien et de notre travail. Les frères Ben Aïm, ce n’est pas forcément de la danse théâtre ou de l’émotion. Peut-être que nous pouvons ne pas nous prendre au sérieux, introduire de la dérision, de l’absurdité. Du coup, nous nous sommes lancés dans ce nouveau projet avec l’envie d’interroger ces notions de permission, d’exposition, pour nous autoriser un pas de côté. Ça nous intéresse dans notre histoire de directeurs, de collaborateurs.

DCH : Il y est aussi question d’insoumission à travers une sorte de récit familial..
François
 : L’un des nœuds du récit tient à ce qui relie les quatre hommes présents sur scène et qui va être dévoilé au cours de la pièce. Comment chacun se positionne par rapport à cette histoire. À tout moment, les interprètes vont pouvoir prendre de la distance, ou au contraire aller au-delà du récit. C’est ce positionnement qui met en abîme un lien au destin, au libre arbitre, et finalement la thématique liée à la soumission, à la permission, à l’insoumission.
Christian : L’idée de comment résister aux injonctions qu’elles soient sociales, politiques ou culturelles est vraiment au cœur de la manière dont est porté le récit. Et la chorégraphie ou la mise en scène, viennent proposer un vrai travail de plateau au sens où le fil qui sous tend la pièce peut sans cesse être dérouté, détourné. Appropriation et liberté sont les maîtres mots qui président à cette création qui s’exprime dans la façon dont on porte un récit fragmentaire mais qui va se sédimenter, s’étoffer jusqu’à une forme de révélation, de dénouement qui se résoudra dans une seconde partie.
 

DCH : Comment choisissez-vous les interprètes, surtout quand ils partagent le plateau avec vous ?
Christian :
Nous travaillons toujours sur l’écriture, chorégraphique ou dramaturgique, sans perdre pour autant de vue une dimension intime ou personnelle que nous cherchons à révéler sur scène. Donc, l’interprète doit être capable d’être traversé d’émotions ou de sensations sans en être la dupe. Il doit à la fois être sincère dans ce qu’il ressent tout en restant distancié par rapport à ce qu’il est en train de produire. Pouvoir être dans l’émotionnel tout en restant concentré sur l’aspect physique, ou des contraintes presque abstraites.

François : Effectivement nous ne les avons pas choisi pour une ressemblance ou une physicalité qui serait proche de la nôtre, mais au contraire pour leurs singularités et parce qu’ils nous semblaient pouvoir enrichir notre palette. Félix Héaulme est un jeune danseur qui vient de travailler avec Michel Kelemenis sur Barbe-Bleue et Fabien Almakiewicz était chez Christian Rizzo pour D’après une histoire vraie.

DCH : Vous avez donné une grande importance à la musique en conviant Ibrahim Maalouf à vous rejoindre. Pourquoi ce choix ?
Christian 
: cette création sera donnée avec de la musique « live » pour cinq représentations, notamment au Centre des Bords de Marne, au Perreux, mais aussi à la MAC de Créteil, à Perpignan et au Théâtre Paul-Eluard de Bezons.
Nous nous situons donc au croisement de plusieurs disciplines tout en étant de plus en plus exigeants sur l’écriture. La narration, le récit créé avec Guillaume Poix servira de fil rouge et conditionnera la dramaturgie du spectacle. Ensuite, nous travaillons l’écriture du mouvement et la musique avec Ibrahim Maalouf.

François : Son parcours de compositeur, ses influences multiples, son alliance de sonorités puissantes et d’harmonies mélancoliques entrent en résonance avec la création de Brûlent nos cœurs insoumis. D’abord, parce que la figure de l’insoumis trouve un écho chez le compositeur né au Liban, qui a vu son pays détruit. Ensuite, les compositions d’Ibrahim Maalouf procèdent par strates de différentes lignes temporelles, comme le sont les rêves, les souvenirs, les atmosphères. Nous retrouvons chez lui le même goût, le même attrait pour les mondes imaginaires que nous inventons. Sa musique nous traverse et nous entraine dans un univers peuplé de lieux et de moments que nous croyons connaître.

Propos recueillis par Agnès Izrine

La Garance, Scène nationale de Cavaillon dans le cadre des Hivernales le 21 février
Salle Lino Ventura d’Athis-Mons dans le cadre de la Biennale de la Danse du Val-de-Marne le 1er  avril
Théâtre des Bergeries de Noisy-le-Sec le 19 avril
Théâtre de Chatillon le 12 mai.

Version Live :

Théâtre de l’Archipel, scène nationale de Perpignan le 21 mars
MAC de Créteil dans le cadre de la Biennale de la Danse du Val-de-Marne les 24 et 25 mars
Centre des Bords de Marne scène publique conventionnée de Le Perreux-sur-Marne dans le cadre de la Biennale de la Danse du Val-de-Marne le 28 mars
Théâtre Paul Eluard, scène conventionnée de Bezons le 30 mars

 

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