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Entretien Angelin Preljocaj

ANGELIN PRELJOCAJ : « Winterreise »

Le chorégraphe crée Winterreise pour sa compagnie à Montpellier Danse. Nous l’avons interrogé à cette occasion.

DCH : Pourquoi avoir choisi ce cycle de 24 lieder de Schubert pour créer une chorégraphie ?
Angelin Preljocaj :
C’est un monument de la musique. J’ai toujours des œuvres dans une play list mystérieuse au fond de mon ordinateur. Ce sont des musiques qui me passionnent et dont je me dis, qu’il serait bien que je m’y confronte. Puis j’ai eu cette commande de la Scala et j’ai pensé :  c’est le moment. Le Voyage d’Hiver,  évoque bien sûr une certaine mélancolie. C’est une œuvre extrêmement complexe, très belle, très puissante, d’apparence monotone, mais qui, lorsqu’on s’y plonge, est très riche et extrêmement variée rythmiquement,. Elle raconte la neurasthénie d’un homme délaissé par sa bien aimée et qui dérive littéralement. Tout ce qu’il voit le ramène à sa propre déchéance amoureuse, il opère une lecture morbide de la vie autour de lui. Contrairement au Werther de Goethe, qui date de la même époque, où le jeune héros se suicide violemment, dans Winterreise on est devant un suicide au ralenti, une longue agonie à travers des sentiments et des sensations qui traversent le protagoniste.  Tout en n’étant pas narratif,  –  je ne voulais pas être redondant par rapport au poème de Wilhelm Müller –  je me suis accroché à la musique, de façon extrêmement têtue, et c’est sur la musique, vraiment, que j’ai travaillé le plus, texture et structure.

DCH : Justement, comment avez-vous réussi à donner du relief à cette structure des lieder ?
Angelin Preljocaj :
Je me suis appuyé sur des sursauts, comme l’histoire d’amour, des couleurs reviennent. D’ailleurs le spectacle commence dans le noir puis la couleur apparaît pour disparaître assez tôt, c’est exactement le parcours du protagoniste, cet amoureux qui s’en remet pas, et  qui suit un cycle  ascendant, apparition, désir, espoir, avant de replonger dans son marasme.

DCH : Qu’est-ce qui vous touche particulièrement dans ce Voyage d’Hiver ?
Angelin Preljocaj :
Ça me parle pas personnellement, je n’ai pas encore été abandonné par ma bien-aimée, ça me touche parce qu’on peut le lire à l’aune de la vie. Le voyage d’hiver c’est le temps qui passe et le désespoir de la mort qui vient, inexorablement, et je trouve que dans la musique il y a toutes ces portes d’entrée, plus que dans le texte lui-même et c’est l’atmosphère musicale qui me séduit plus que le côté anecdotique des poèmes de Müller.

DCH : Une première version a été créé pour la Scala, puis reprise par les danseurs du Ballet Preljocaj, avez-vous modifié la chorégraphie à cette occasion ?
Angelin Preljocaj :
Je ne change rien. J’aime l’idée d’avoir créé ça avec les danseurs de la scala en utilisant leurs capacités, leur savoir-faire, leur qualité, de mouvement, un peu comme j’ai fait pour La Stravaganza pour le New York City Ballet. Ce sont des danseurs qui ont un bagage et j’utilise dans mon écriture les matériaux qu’ils me donnent. Je trouve intéressant de les transmettre à mes danseurs qui du coup, ont un nouveau challenge à surmonter et c’est aussi cette façon de faire circuler les langages qui m’intéresse.

DCH : Ces nouveaux vocabulaires, sont-ils pour vous une façon de nourrir votre compagnie ? Cela correspond-il à la préoccupation de les faire progresser,, grandir, s’épanouir ?
Angelin Preljocaj :
Ah oui, vous pouvez l’écrire tel quel, c’est exactement le fond de ma pensée. Ce n’est pas juste par altruisme par rapport aux danseurs, c’est une dynamique. Dans une prochaine création, ça réapparaîtra en étant enrichi. Plus je peux améliorer, enrichir, faire progresser mes danseurs, leur donner de nouveaux challenges physiques, de nouveaux horizons à dépasser et plus c’est bon pour la création en général. Et les danseurs du Ballet Preljocaj, en ont pris l’habitude. iIs aiment ça, vérifier comment ils s’emparent des pas créés pour le NYCB, l’Opéra de Paris, des choses comme ça, ça les stimule, ce sont des expériences.

Propos recueillis par Agnès Izrine

Festival Montpellier Danse : Lun. 1er, Mar. 2 et Mer. 3 Juillet à 20h Opéra Berlioz Le Corum

 

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