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En l'honneur de Pierre Boulez par le Ballet de l'Opéra de Paris

Placée sous les auspices de Pierre Boulez, la soirée rassemble trois pièces qui ne se répondent pas plus qu’elles ne correspondent. Et, mis à part Anthèmes 2, signé du compositeur, rien, si ce n’est quelques accointances ne réunissent ces trois ballets à Boulez.

L’amitié pour Ligeti, le fait d’avoir dirigé Le Sacre du printemps, ou d’avoir rencontré Pina Bausch en dirigeant… non pas Le Sacre, mais Le Château de Barbe-Bleue de Bartok au Festival d’Avignon ne suffit pas, tout comme le fait qu’il ait existé des rapports entre Boulez, et Stravinsky ou Ligeti, pour composer une soirée de ballets. Il faut qu’il existe des liens chorégraphiques, des équilibres, des « Repons » pour citer Boulez entre les trois œuvres présentées.

Malheureusement, ce n’est pas le cas, et même, il était plutôt risqué de confronter au Sacre de Pina Bausch, Polyphonia de Wheeldon ou une création de McGregor fut-elle sur la musique de Boulez.

Galerie photo Polyphonia : Laurent Philippe

Polyphonia, de Christopher Wheeldon est une chorégraphie post-balanchinienne, d’un ennui profond. Créée sur des Pièces pour piano de Györgi Ligeti, elle met en scène quatre couples, et donc quatre pas de deux, qui égrènent une sorte de grammaire des différentes figures d’adage, principalement des tours et des portés – plutôt ardus pour la plupart d’entre eux, sans qu’on y décèle la moindre inventivité gestuelle. Et ce ne sont pas quelques déhanchés par ci, quelques étirements par là, qui suffisent à faire évoluer la danse classique. Balanchine l’a fait il y a plus de cinquante ans avec brio, et Forsythe l’a déjà poussé à son extême avec génie.

Galerie photo Polyphonia : Laurent Philippe

Les danseurs.ses (Amandine Albisson, Alice Catonnet, Lydie Vareilhes, Marine Ganio et Stéphane Bullion, Axel Ibot, Florent Mélac et Pierre-Arthur Raveau)  semblent se débattre dans ces figures compliquées, ces ajustements téméraires, qui pour être acrobatiques, n’en sont pas plus esthétiques pour autant. Ça paraît un peu vieillot. Mais le pire est le parti pris qui consiste plaquer la danse sur la musique, sans le moindre contrepoint, sans le moindre écart, ce qui finit par être lassant.

Galerie photo Polyphonia : Laurent Philippe

Heureusement, Alea Sands de Wayne McGregor, créé spécialement pour le ballet de l'Opéra de Paris, est par contre, une réussite. Composée sur Anthèmes 2 pour violon et électronique de Pierre Boulez, le chorégraphe britannique a imaginé, avec le plasticien Haroon Mirza, une sorte d’œuvre totale où se fondent la danse, la lumière, les costumes, la scénographie et la musique. Il créé ainsi une sorte de monde, d’hétérotopie très personnelle et très prenante.

Galerie photo Alea Sands: Laurent Philippe

Tout commence avec un jeu d’éclairages qui illuminent de façon intermittente le plafond peint par Chagall, donnant une sorte de pulsation à ce qui va suivre. Sur le plateau, Marie-Agnès Gillot, d’abord, rejointe bientôt par Audric Bezard, puis Laura Hecquet, Léonore Baulac, Jérémie Bélingard, Mathieu Ganio, et Vincent Chaillet, se lancent dans des mouvements sinueux et fluides, qui semblent prélevés dans un flux continuel, rappelant ainsi la façon dont apparaît le violon (superbe interprétation de Michael Barenboim) dans la partition de Boulez.

Galerie photo Alea Sands: Laurent Philippe

Les costumes, des justeaucorps chair et noir, qui, grâce à des éclairages sombres occultent certaines parties du corps des danseurs, dessinent des lignes abstraites qui, en déréalisant l’anatomie, créent un langage chorégraphique inédit. La gestuelle alterne l’électrique et l’alangui, la fulgurance et l’étirement. Cela donne une plasticité aux danseurs qui excellent dans cette œuvre.

Galerie photo Alea Sands: Laurent Philippe

Les duos Mathieu Ganio, Jérémie Bélingard, tout en extensions, deviennent une émanation du silence intense de la lumière. Les courbes travaillent sur le contrôle de la force musculaire, donnant une sorte d’épaisseur au mouvement, tandis que bras et jambes se déploient dans une sorte d’animalité aiguisée.

Galerie photo Le Sacre du printemps Laurent Philippe

Le Sacre du printemps de Pina Bausch clôturait la soirée, emportant tout le reste sur son passage. Mais quelle autre pièce pourrait faire le poids face à cet ouragan dansé ?

Les danseuses.rs de l’Opéra possèdent parfaitement cette œuvre, au répertoire depuis 1997. Ils sont d’un engagement total. Les hommes sont brutaux, agressifs. Après une démonstration de force qui tient de la meute, ils se saisissent des femmes comme de poupées de paille.

Les femmes, elles, sont farouches, apeurées, frissonantes, mais tous sont soumis à cette radicalité du sacrifice, contraints par un rythme infernal, jusqu’à l’épuisement. Alice Renavand, élue magistrale, aux côtés d’Eleonora Abbagnato et Letizia Galloni, sont bouleversantes, ainsi que la toute première fille qui entre et s’allonge sur la robe. C’est sans doute une des plus belles et des plus pérennes pièces de Pina Bausch, et c’est une chance qu’elle reste au répertoire de l’Opéra de Paris.

Agnès Izrine

Le 7 décembre 2015 et jusqu’au 31 décembre. Opéra Garnier

Un petit bonus : Stravinsky et Boulez

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