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« Deux mille dix-sept » de Maguy Marin

2017. Le titre est simple, direct, comme Maguy Marin affirme qu’elle voulait son spectacle. Il fallait frapper fort. C’est fait.

De May B à BiT, Maguy Marin, s’attache à rendre compte de l’état de notre monde.Celui de Deux mille dix-sept n’est plus qu’un grand cimetière des idéologies. De celles, meurtrières qui ont traversé le XXe siècle, à celles d’aujourd’hui, décrites par Edward Bernays, neveu de Freud, inventeur en quelque sorte, du marketing dès 1928, qui exposait cyniquement et sans détour les manipulations mentales permettant « la fabrique du consentement ». Il consacra sa vie à pervertir les démocraties pour faire plier les volontés des masses à celle des élites, en toute non-violence.

Deux mille dix-sept a pour début la fin de BiT. La farandole se dissout, chaque danseur étant littéralement happé par l’ombre, comme le monde disparaît. Sur le plateau, le vide laisse place à des hommes et des femmes équipés de sacs griffés aux noms prestigieux, comme autant de nouvelles peaux à endosser, de signes extérieurs de richesse à posséder. Bientôt affublés de faux-nez et de fausses moustaches, de chapeaux délirants révélant leurs désirs secrets et leurs plaisirs coupables – de l’appartement de Barbie à l’île déserte, de la petite maison dans la prairie au héros transformer superéquipé – ils se baladent dans un monde de faux-semblants, côté faces. Côté pile c’est un cruel concert des nations où les financiers cyniques d’avant 1914 rencontrent les pires dictateurs de la fin du XXe siècle.

Dans un grand téléscopage permanent, Maguy Marin nous montre une humanité en déshérence, entre déni et amnésie, où la fête est désir d’oubli. Dans Deux mille dix-sept tout est fondu au noir. Chaque nouvelle séquence fait surgir des fragments d’un monde très sombre : des ouvriers / secouristes exhument des stèles où se mèlent les prénoms des victimes du néo-libéralisme de tous les pays aux noms des pays dans lesquels siègent les multinationales, mais qui nous rappellent tout autant les charniers de la Grande Guerre ou les noms des déportés.

Dans le grand zapping de nos vies régie par les flux financiers, des ouvrières en blouses pâles répètent des gestes fantômes, la vieillesse est dépendante de gestes anonymes, les viols sont ordinaires, et des chiens en costards flairent les bonnes affaires. Pendant ce temps, des banquiers Suisses célèbrent leurs gains avec une gestuelle digne de La Table Verte de Kurt Joos, pamphlet chorégraphique créé en 1933. On érige des murs de dollars, et tant pis pour ceux qui tombent. La musique vrombissante de Charlie Aubry (qui a aussi signé celle de BiT) emporte tout sur son passage, charrie des lambeaux de vie, tels les derniers ouragans.

La pièce finit avec le nom des trois cents familles ou entreprises les plus riches dressés en mur infranchissable. Maguy Marin a volontairement choisi de ne pas prendre de gants, ni chercher à brouiller les pistes. Entre Agit-Prop et pièce militante, Deux mille dix-sept s’attaque clairement à notre époque et en tire un bilan pessimiste.

Mais si elle n’hésite pas à coller « un direct » à cette société que la solidarité déserte, elle n’en travaille pas moins une forme précise, chargée de porter ces sensations diffuses que l’on peine à nommer, engagée dans un combat clairement politique et franchement « à gauche ». Toute.

Agnès Izrine

Le 5 octobre, Centre Culturel André-Malraux de Vandœuvre-lés-Nancy, dans le cadre de la Biennale Exp.Édition, Biennale de la danse Grand Est.

En Tournée :

- 24 nov  Le Théâtre / Scène Nationale  Mâcon  France
- 20 fév et 21 fév  2018 Opéra De Lille
- 24 fév  Le TCM - Théâtre De Charleville-Mézières  Charleville-Mézières  France
- 27 fév et  28 Fév  Maison De La Danse  Lyon  France
- 02 mars  CDC - Les Hivernales  Avignon 
- 16 mai et 17 mai  MC2  Grenoble 

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