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De nouveaux planchers pour les studios de l’Opéra Garnier

Tous les studios de danse de l’Opéra de Paris sont désormais équipés de planchers modernes. On espère une baisse des lésions chez les danseurs.

En juillet-août 2014, les sept studios de danse du Palais Garnier ont été équipés de nouveaux planchers, sur un total de 1.300 m2. En janvier 2015, le Foyer de la danse (135 m2) a été équipé des mêmes planchers, à savoir Harlequin Liberty, recouvert du tapis Harlequin Studio. Cela fait suite à une première intervention d'Harlequin Floors au Studio Balanchine de l'Opéra Bastille, en 2011. Nous avons demandé à Patrick Lesage, Directeur européen des grands comptes, et à Nicolas Ferrand, le directeur technique chez Harlequin Floors, de situer ces chantiers dans l'histoire et le paysage de la danse.

L'arrivée du plancher Liberty dans les studios de l'Opéra© D.R.

Danser Canal Historique: Le remplacement des planchers dans les studios de danse au Palais Garnier coïncide avec l'arrivée de Benjamin Millepied à la direction de la danse. Mais en fait, il 'agit d'une mesure voulue par Brigitte Lefèvre ?

Patrick Lesage : Il y a quatre ans, Brigitte Lefèvre était à la recherche d'un plancher amortissant permettant aux danseurs d'éprouver plus ou  moins les mêmes sensations que sur un plancher à double lambourdage, puisqu'en France il y a la tradition du double lambourdage, depuis le temps du Roi Soleil (rires). Pendant trois cents ans, n'ont été introduites que de petites améliorations entre les lambourdes, mais le principe n'a pas changé. En Italie, on voit même encore les danseurs en action sur du carrelage couvert d'un tapis de danse. En France, ce n'est plus envisageable. Le système français avec ses inspecteurs de la danse qui se soucient de la santé des danseurs est unique au monde, même si les cinq inspecteurs ne peuvent contrôler toutes les salles de France.

DCH : Quels sont les problèmes du double lambourdage?

Nicolas Ferrand : Le lambourdage produit des planchers aux qualités très différentes d'une salle à l'autre, même s'ils sont construits sur le même principe. Et chaque plancher présente des inégalités. Charles Jude nous a raconté comment Noureev, quand il entrait dans une salle de répétitions, tapotait le sol avec son chausson de danse pour repérer les points durs du plancher.

Un studio de l'Opéra équipé © D.R.

DCH : Quelles sont les différences avec un plancher moderne ?

P. L. : Un plancher moderne permet d'avoir les mêmes sensations à chaque endroit, qu'il y ait quatre danseurs sur le plateau ou une quinzaine. Il est le résultat de recherches approfondies, en théorie et en pratique. Les planchers Harlequin reposent sur des plots en élastomère. Pour la Salle Balanchine à Bastille, l'Opéra de Paris avait d'abord travaillé avec un double lambourdage, pour que les danseurs puissent retrouver les mêmes sensations qu'au Palais Garnier, qu'ils aimaient bien. Mais le résultat était trop dur. Ils sont passés au simple lambourdage, et le résultat était trop rebondissant, créant un effet de trampoline, ce qui fait perdre la précision à la réception des sauts.

N.F. : Nous avons donc organisé beaucoup de réunions ainsi qu'un test sur une surface installée dans les entrepôts des décors de l'Opéra Bastille, impliquant une vingtaine de danseurs, pour qu'ils puissent confirmer que l'amorti du plancher Liberty leur convienne. En 2011, nous avons donc équipé la salle de 528 m2 de plancher Harlequin Liberty, recouvert de tapis Harlequin Studio. Rappelons au passage que ce tapis a été développé à la demande de Rudolf Noureev lorsqu'il est devenu Directeur de la danse l'Opéra. Ensuite nous avons équipé le plateau de l'Opéra Bastille avec le même plancher, en version démontable. Aussi, les danseurs trouvent les mêmes sensations en studio de répétition que sur la scène. Cela faisait suite à de nouveaux tests avec une cinquantaine de danseurs qui ont validé le plancher à l'unanimité, au plus grand étonnement de la direction de l'Opéra, par ailleurs ! Mais justement, il est très important pour une troupe comme celle de l’Opéra de Paris de pouvoir donner au danseur le même type de plancher où qu'il soit, même en tournée, le plus grand danger étant l'effet de surprise pour le corps si on passe d'un plancher trop rebondissant à un plancher trop dur ou inversement, parce que les muscles et les tendons n'auront pas le temps de s'adapter.

L'équipement des studios en plancher Liberty photos D.R.

DCH : Il reste cependant à l’Opéra de Paris un seul endroit à ne pas être refait. Un seul, mais il est d’importance, puisqu’il s’agit de la scène du Palais Garnier.

P.L. : La raison est que les représentations s'y suivent à un rythme si intense que techniquement, le temps nécessaire pour les travaux ne peut être aménagé. Pour l'équipement des studios en plancher Harlequin, nous avions quatre semaines, en juillet/août 2014. Et puis, le plancher existant est plutôt de bonne qualité.

N.F. : Il faudrait en plus trouver l'espace nécessaire pour le stockage d'un plancher démontable, d'autant plus que ces locaux devraient se situer à proximité, vu les difficultés à transporter du matériel lourd dans les couloirs du Palais Garnier. On n'est pas à l'Opéra Bastille où d'énormes zones de stockage ont été prévues à la construction.

Le changement de planchers dans le Foyer de l'Opéra, photos C. Pele - OnP

DCH : Justement, quelles ont été les contraintes sur le chantier au Palais Garnier?

N.F. : Tout d'abord, il s'agit d'un monument classé et cela signifie qu'il est impossible d'approvisionner le chantier de l'extérieur. Il a donc fallu faire passer par les couloirs intérieurs les cent-cinq panneaux de 2.5x1.25m qui ont servi à renforcer le plancher existant et à obtenir une bonne planimétrie. Cette couche de renfort de 546 m2 est en multipli bouleau contreplaqué filmé de 18mm d'épaisseur et pèse onze kg/m2. Nous avons choisi de ne pas enlever les planchers existants puisqu'ils seraient extrêmement difficiles à démonter qu'on ne sait pas ce qu'on va trouver en-dessous. Ensuite, les sept cent panneaux Harlequin Liberty qui font 2.0x1.0m ou 1.0x1.0m. Et finalement, les 1.400 m2 de tapis de danse, en soixante rouleaux. Les studios se trouvent aux quatrième, cinquième et sixième étages, mais les monte-charges n'arrivent que jusqu'au quatrième. Ensuite, il a fallu tout faire passer par de petits escaliers.

P.L. : Au-delà des soucis de logistique, le souci initial était de savoir si le bâtiment allait supporter le poids supplémentaire qui n'est pas négligeable, avec 25 kg/m2 sur 1.300 m2, dont 12.5 kg/m2 pour le plancher Liberty de 37 mm d'épaisseur et 2.3 kg/m2 pour le tapis Harlequin Studio qui pèse 2.3 kg/m2. L'Opéra de Paris a commandité les examens nécessaires en amont. Ensuite, il a fallu rehausser les barres de danse, adapter les climatisations, modifier les portes et les seuils ainsi que les accès pour les personnes à mobilité réduites. Ajoutons que plusieurs loges ont également été rénovées et des écrans plasma dernier cri ont été installés dans les studios.

Le changement de planchers dans le Foyer de l'Opéra, photos C. Pele - OnP

DCH : Si les planchers modernes ont autant d'avantages, pourquoi trouve-t-on toujours des planchers à double lambourdage ?
N.F. : Jusqu'à aujourd'hui, le double lambourdage correspond à la recommandation officielle du ministère. En 2006, lors du Monaco Dance Forum, nous avons organisé une table ronde avec la DMDTS, des médecins, des orthopédistes et des danseurs, suite à laquelle le Ministère de la Culture a officiellement reconnu qu'il existe d'autres planchers qui peuvent convenir aux danseurs. Avant, les planchers Harlequin n’étaient pas officiellement reconnus, alors qu’ils étaient déjà posés dans de nombreux équipements publics dédiées à la danse. En 2012, nous nous sommes réunis avec la DMDTS, des médecins, des orthopédistes et des danseurs, dans l’idée de remettre à jour les conseils à la profession qui datent de 1992.

DCH : En novembre 2014, Harlequin a été partenaire du premier Forum International Danse et Santé au CND, où on a pu entendre Jean-Christophe Paré, Benjamin Millepied, Paola Cantalupo et beaucoup d’intervenants internationaux. C’est la première fois qu’il y a eu un congrès sur ce thème en France. Et la conclusion a été que la France accuse un drôle de retard en matière de prévention des lésions chez les danseurs. Mais elle se met à le rattraper.

P.L. : L'Opéra de Paris devrait lancer un observatoire de la lésion chez le danseur, sous réserve de confirmation par le ministère. C'est une volonté de Benjamin Millepied. Il faut dire que l'Opéra de Paris connaît un pourcentage très élevé de danseurs blessés. Et si un danseur doit être remplacé, cela a un coût important pour une compagnie.

Propos recueillis par Thomas Hahn

 

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