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Danse de demain : Vous avez dit connecté(e) ?

Le premier Dansathon international s’est déroulé du 28 au 30 septembre à Lyon, Liège et Londres.

Dansathon. Forgé à partir du mot hackathon, qui désigne une session intensive et collaborative de programmation informatique, ce néologisme n’est pas sans évoquer les terribles marathons de danse qui fleurissaient dans les Etats-Unis de la Grande Dépression. Et si, du premier terme, le dansathon revendique la dimension résolument connectée, il emprunte aussi au second cette énergie insensée qui pousse à relever tous les défis.

Imaginé conjointement par la Maison de la danse de Lyon et la Fondation BNP Paribas, le premier Dansathon est en effet un pari audacieux, alliant danse et numérique. Cinq groupes de participants et participantes, réunissant chacun un chorégraphe, un danseur, un développeur, un designer, un technicien de scène (en son, image, lumière, musique ou costume) et un communicant médiateur, travaillent ensemble durant trois jours afin de créer ex nihilo un projet collaboratif, chorégraphique et technologique. Pour donner d’emblée à cette première édition une dimension européenne, l’événement se déroule en parallèle à Lyon dans le cadre de la Biennale de la danse, à Liège (Belgique) par le Théâtre de Liège, et à Londres (Royaume-Uni) par le Sadler’s Wells.

Projet lauréat à Londres : Digital Umbilical - Comment la technologie peut-elle être expresssive ?

Lancé au printemps, l’appel à candidatures a recueilli près de quatre cents réponses, dont quatre-vingts dix ont été retenues. Accueillis dans un espace dédié, les participants ont d’abord choisi parmi plusieurs propositions un thème, un « terrain de jeu » - délimité par un marquage au sol - et se sont ainsi regroupés en équipes pluridisciplinaires de six personnes. A leur disposition, un ensemble de ressources tant technologiques qu’humaines tels que casques de réalité virtuelle, capteurs de mouvements, outils de reconnaissance vocale, atelier de scénographie, fab-lab, danseurs (à Lyon, ceux du CNSM), facilitateurs, neuroscientifique, metteur en scène etc.

Dans chacune des villes, un jury de personnalités du monde de la tech’, de la culture et de la danse a été chargé d’apprécier les propositions et de récompenser les plus prometteuses. En jeu, une bourse de dix mille euros - augmentée à Lyon de cinq mille euros versés par le ministère de la Culture - et un accompagnement vigilant des partenaires jusqu’au développement final du projet.

Projet lauréat à Lyon : Vibes… Une Trans-vibes partout dans le monde

A Lyon, l’expérience se déroulait au Pole Pixel, espace dédié aux activités culturelles et créatives à forte coloration numérique. Equipé d’un gradinage destiné à accueillir le public lors de la remise des prix, le vaste hangar-labo situé à Villeurbanne ressemblait à une ruche 2.0 pourvue de tous les accessoires de la survie en milieu high-tech, bonbons Haribo en libre accès dans l’espace de restauration inclus. Sur un mur, un écran transmettait en continu de mini montages vidéos réalisés sur place mais aussi à Londres ou Liège, qui permettaient de suivre simultanément les étapes de la création.

Dansathon à Lyon © Romain Tissot

Dans les discours des communicants de chaque « playground » ou de la créatrice de Museomix (sorte de Dansathon version arts plastiques qui a inspiré le projet actuel), on attrapait au vol des mots clés : open source, innovation ouverte, format collaboratif, mutualisation des ressources… Pas de doute, on était bien dans le nouveau monde !

Très vite toutefois, une autre musique se faisait entendre. Au cœur de cet univers hyper technologique, une obsession revenait en boucle : la rencontre. Non pas virtuelle, mais bien réelle cette fois. Celle qui connecte l’artiste à son public, un humain à un autre humain et procure un échange émotionnel. Et ce n’était pas le moindre des paradoxes que d’entendre, tel un mantra, célébrer la nécessité absolue de la proximité et du partage dans cet environnement aux outils dématérialisés et cent pour cent digitaux.

Projet lauréat à Liège : Cloud Dancing  « Faites une pause : connectez-vous, observez et ressentez ! »

Les projets exposés témoignaient de cette ambivalence. Au travers des dispositifs technologiques les plus sophistiqués, il n’était question que d’ « entrer en contact », « en discussion », « en empathie », ou d’instaurer, dans un étonnant revival des théories de Marcel Mauss sur le lien social dans les sociétés archaïques, un « système de don et contre don » ! Dans l’Every Day Space, une « capsule de décompression » dument équipée en capteurs de vibrations cérébrales transformait le danseur en médecin censé rendre de l’énergie au spectateur/patient ; sur l’espace Mobility, les tracés numériques suivis au sol par deux « volontaires » n’avaient pour seul but que de les amener physiquement face à face.

Le Vacant Space, par le biais des pulsations du danseur, mettait en scène l’empathie entre un artiste et son public, tandis que le Theater recréait une image hologramme de la danseuse Ingrid Estarque, avec laquelle le public était supposé entrer gestuellement en interaction ; enfin l’Internet Connected Space proposait une appli de rencontre pour danser ensemble et au même endroit, dans la vraie vie.

Equipes lauréates © Dominique Houcmant l Goldo - Romain Tissot - Marcus Jamieson-Pond

Sans - trop - de surprise compte tenu de ce qui précède, c’est ce projet-là, très participatif dans ses objectifs et bien défini dans son propos, qui a obtenu la bourse gagnante. Rien d’étonnant, non plus, à ce qu’il soit dû au chorégraphe Eric Minh Cuong Castaing, déjà largement expérimenté en matière de coordination et de création collective.

Merci pour la rencontre, lançait-il en guise de conclusion lors de la présentation de Vibes, son appli - tuto connectée. On lui retourne volontiers le compliment, en espérant néanmoins que ce monde 2.0., dans lequel on a baigné avec intérêt durant deux jours, ne constitue pas, à terme, tout le futur de la danse…

Isabelle Calabre

A Lyon les 29 et 30 septembre.

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