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Damien Jalet : « Planet [wanderer] »

Entre chorégraphie et expérimentation plastique, Planet [wanderer] confronte le corps des danseurs à divers matériaux Entre chorégraphie et expérimentation plastique, Planet [wanderer] confronte le corps des danseurs à divers matériaux , à la fois viscéral et onirique, entre les humains et leur planète.

Planet [wanderer] est le second volet du diptyque entamé avec Vessel, une collaboration exceptionnelle entre Damien Jalet et le plasticien Kohei Nawa. Cette précédente pièce nous entraînait au cœur de deux niveaux de Kojiki (les plus anciens livres japonais qui décrivent la création du monde) : Yomi (le monde souterrain) et Takama-ga-hara (la haute plaine dans les cieux), un ballet fascinant où le corps humain semblait se métamorphoser au cours d’expériences spirituelles pour se fondre avec les éléments. Planet [wanderer] se déroule sur le troisième et dernier niveau : Ashihara-no-Nakatsukuni, soit La terre centrale des roseaux, qui n’est autre que notre planète, les roseaux représentant, comme chez Blaise Pascal, les humains que nous sommes.

Pour cette création, Damien Jalet a choisi de suivre l’étymologie grecque de « planan » signifiant à la fois planète et « wanderer » soit le compagnon errant qui l’arpente.

Et dans cette pièce l’un et l’autre se fondent au gré des matières qui les composent pour former un paysage mouvant ou une corporéité minérale. Tout commence donc par les sombres éclats d’un sable noir et brillant qui jonche le plateau. En émerge Ema Yuasa dont les bras et le corps sont recouverts de cette matière aussi belle que menaçante qui n’est autre que du silice de carbone. Bientôt, un groupe surgira de l’ombre, comme autant de rescapés d’une catastrophe ou d’habitants étranges d’un monde nouveau. Car au fond, comme dans toute intrigue de science-fiction bien menée, on ne sait en regardant cette pièce s’il s’agit d’un monde d’après ou d’avant, d’une promesse ou d’une désolation, d’un futur inquiétant ou d’un passé chtonien.

En tout cas, voici notre petit groupe d’humains, pris au piège d’une matière qui gisait sous la pellicule obscure et qui se révèle être l’avers blanc et visqueux du noir météoritique, yin et yang d’un même monde. Engoncés jusqu’aux cuisses dans ce fameux katakurito – un type de fécule de pomme de terre qui a la possibilité de changer d’état selon la pression exercé sur lui – déjà expérimenté pour son potentiel éruptif, magmatique et laiteux dans Vessel, ils ploient, se cambrent et se courbent comme le Roseau de la fable, nous rappelant au passage que le propre de l’homme est sans doute là qu’il « plie mais ne rompt pas » ! C’est d’ailleurs peut-être l’ambigu message de ce Planet [wanderer], à savoir : de celui qui, du vagabond ou de son environnement, s’adaptera à l’autre dépendra sa survie.

Galerie photo : Laurent Philippe

En attendant de résoudre cette question, cette création est un grand spectacle aussi plastique que chorégraphique, sensationnel au double sens de ce terme. Des images apparaissent, aussi belles qu’étranges, sirènes alanguies, algues, gorgones ou rochers musculeux. Soumis à une nature pleine d’aléas climatiques inattendus, avec ses brumes qui se répandent comme autant d’inconnues, ces nuages qui passent et enveloppent les corps, ces pluies de « slime » (un gel gluant blanc), les interprètes chassent le chaos par des figures de carrousel aussi ordonnées qu’enchevêtrées, s’agglutinent ou essaiment, sortes d’ombres vulnérables ou gargouilles empesées. La musique hypnotique de Tim Hecker ajoute encore du surnaturel à cette pièce très spectaculaire et très esthétique.

Agnès Izrine

Jusqu’au 30 septembre. Chaillot Théâtre national de la Danse.

Festival de danse de Cannes - Palais des Festivals, 11 décembre 2021
Théâtre National de Bretagne, du 12 au 15 janvier 2022

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