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« Carmen » par la Compagnie Antonio Gades

À l’occasion de la venue à Aubagne de la Compagnie Antonio Gades qui y donnera, le 3 juillet, dans le cadre des Nuits flamencas, l’œuvre iconique de son répertoire, Carmen, deux de ses héritières évoquent le chorégraphe alicantin disparu il y a exactement dix-sept ans. Eugenia Eiriz de Gades, veuve d’Antonio Gades, à la tête de la Fondation qui porte son nom, et Stella Arauzo,la directrice de la compagnie, parlent de l’œuvre de cette grande figure de la danse. 

Eugenia Eiriz de Gades présente la Fondation et la Compagnie Antonio Gades

Gades est le Béjart de la danse flamenca. Sa compagnie est la plus ancienne en Espagne. Après sa mort en 2004, grâce au soutien de la fondation, la compagnie a su préserver un répertoire sans égal ainsi que le style propre à des œuvres qui sont devenues de grands classiques de la danse espagnole et flamenca. La compagnie est composée de vingt-trois artistes, danseurs et musiciens. Elle est à cet égard unique en son genre, s’agissant d’une compagnie privée. En réalité, ce qui la distingue des autres, c’est  précisément l’école gadésienne. Une forme de théâtre et de danse qui, selon lui, ne se cantonne pas aux pas mais à ce qu’il y a entre les pas. Par ses œuvres, CarmenFuegoFuenteovejunaBodas de Sangre, Gades a fait du flamenco un langage expressif susceptible de transmettre des histoires universelles. Ce sont des œuvres raffinées dans lesquelles tout est pensé. On peut dire que la Carmen de Gades est le Lac des cygnes de la danse flamenca. 

Le legs 

Nous sommes là, à la Fondation, María Esteve, fille de Gades et moi-même, sa veuve, pour assurer cette transmission. Pour que Gades soit toujours au présent. Et que son art, son style puissent s’inscrire dans la modernité de ce siècle. Les chorégraphies et l’école de danse continuent à vivre à travers la compagnie aujourd’hui dirigée par Stella Arauzo qui, durant si longtemps, a dansé avec Gades et dont elle est à même de transmettre le patrimoine artistique. Nous conservons aussi de nombreuses archives et documents historiques sur une personnalité de la danse qui joua aussi un rôle politique et social important à la fin du XXe siècle. Ce fonds, actuellement traité par le Centre de documentation des arts de la scène et de la musique suivant l’accord de la fondation avec le ministère espagnol de la Culture, devrait être accesible l’an prochain aux étudiants et aux chercheurs. Enfin, la fondation a un programme pédagogique et social destiné à mieux faire connaître l’art de la danse. Nous sommes activement soutenus par la ville de Getafe [banlieue sud de Madrid], où est basée la Compagnie Antonio Gades. Sans l’appui de cette municipalité, notre travail ne serait pas possible. 


 

Carmen

Une révolution à l’époque. Pour la première fois, la musique culte de Bizet était présentée en alternance avec du flamenco vivant. Imaginez la révolution que cela fut, qui aujourd’hui paraît normale. N’empêche, je crois bien qu’il s’agit d’une spécifiicté du style Gades. Pour moi, c’est l’œuvre qui le représente le mieux, sans qu’il ne l’ait spécialement recherché. Le personnage de Mérimée est ici rattaché à ses origines, à sa classe, à sa soif de liberté dans tous les domaines. Il a pour prénom Carmen mais il est le reflet de ce que fut aussi Gades tout au long de sa vie. C’est un ballet pour les passionnés de flamenco, pour les amateurs de danse en général et pour ceux qui croient ne pas aimer la danse. Carmen ne laissera personne indifférent.

(Message d’Eugenia Eiriz de Gades, trad. Nicolas Villodre)

  

Entretien avec Stella Arauzo, directrice de la Compagnie Antonio Gades

Danser Canal Historique : Pouvez-vous nous dire comment a débuté votre carrière et comment s’est produite votre rencontre avec Antonio Gades ?

Stella Arauzo : J’ai commencé la danse à l’âge de quatre ans à Madrid. Ma carrière professionnelle a démarré lorsque j’avais quinze ans, au sein du Ballet Español de Maria Rosa. Et donc en 1981, quand je suis  entrée dans la Compagnie Antonio Gades. Cela s’est produit grâce à une collègue et amie qui avait parlé de moi à Gades. On m’a fait faire des essais et j’ai été engagée. J’ai été embarquée dans une tournée en Amérique du sud et j’ai enchaîné presque aussitôt à Paris, auThéâtre de Paris où nous nous sommes produits. Et je n’ai plus quitté la compagnie depuis cette date

DCH : Nous vous avons vu sur la scène de Chaillot, il y a quelques années, précisément dans le ballet Carmen, signé Carlos Saura et Antonio Gades après le succès du film éponyme - habituellement, c’est l’inverse : le spectacle devient film. Gardez-vous un bon souvenir de cet événement ?

Stella Arauzo: Chaillot ! Un merveilleux théâtre. Les souvenirs qui me relient à la France sont toujours très intenses. J’ai pu vivre la première de Carmen au Théâtre de Paris. Cela représente pour moi l’histoire vivante de la danse et du théâtre Gades-Saura. Il y a eu avec ces collaborations un avant et un après que j’ai eu le privilège de vivre à la première personne.

DCH : Votre rôle a évolué, passant, avec le temps, de celui d’interprète à première danseuse, puis de danseuse principale à directrice de la compagnie…

Stella Arauzo : Oui. Ce sont de lourdes responsabilités qui se sont imposées à moi, de manière naturelle et gratifiante. Jamais je ne l’aurais imaginé. Le destin l’a voulu ainsi. Le travail, l’effort et la persévérance ont fait le reste.

DCH : Ce ne doit pas être si simple de maintenir une compagnie, un répertoire, un style de danse, entre le flamenco et le classique, sans Gades…

Stella Arauzo : La réponse est la même que pour la question précédente. J’ai vécu cela avec prudence et humilité. S’agissant d’un grand honneur de pouvoir accompagner tant d’artistes dans le monde de Gades, qui se confond avec ma vie. J’ai commencé avec lui à l’âge de dix-sept ans et y ai trouvé ma voie en même temps qu’une forme d’expression qui m’enthousiasmait. Il est clair que, sans lui, c’est bien souvent très dur. J’essaie de rester simple et rigoureuse  quant aux méthodes qu’il m’a transmises. De rester fidèle à sa conception du groupe, son approche de la scène, sa vision artistique. Je mets l’accent sur ses formes minimalistes, sobres, retenues. Je travaille sur les énergies, les rythmes et la respiration. Un labeur lent et méticuleux, motivant et exaltant. Toujours en recherche et en apprentissage. 
 

DCH : Pouvez-vous nous annoncer les productions et spectacles à venir de la compagnie ?

Stella Arauzo : Nous nous rendons cet été en Sardaigne où nous donnerons le ballet Fuego– la vision de Gades de L’Amour sorcier. En automne, nous faisons une tournée dans toute l’Espagne, en tâchant de rattraper le temps et les lieux perdus suite au virus. Nous devions nous produire pendant un mois en Chine, au Japon, au Mexique et en Allemagne… autant d’endroits où nous espérons pouvoir nous rendre quand le monde ira mieux. En attendant donc : l’Espagne, les ateliers, les masterclasses et les projets pédagogiques.

Propos recueillis et traduits par Nicolas Villodre.

Carmen : samedi 3 juillet à 22h sur la Grande scène - Esplanade de Gaulle 
Entrée libre 

Les Nuits Flamenca d'Aubagne

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