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« Butterfly » de Mickaël Le Mer

Inspirée par le mouvement des papillons, la nouvelle pièce de Mickaël Le Mer s’appuie sur une distribution de très, très bons danseurs. Trop bons peut-être, qu’ils en font oublier de développer un propos au-delà de leur magie. La pièce est à l'affiche de Suresnes Cités Danse les 24, 25 et 26 janvier prochains.

Dans le noir de la salle, cela marche, courre, s’installe, dans un prologue aveugle qui dure. Quand la lumière survient, elle met en évidence, à bas de jardin, un soliste qui enchaîne les figures les plus impressionnantes de tours sur une jambe dans une lenteur presque précieuse tandis qu’un couple enlacé l’observe. Noir.

La même scène avec d’autres protagonistes. Noir. Ainsi répété. Puis, par effet de composition, ces épisodes entrevus se mêlent, aboutissent à un ensemble qui rompt avec l’atmosphère suspendue précédente par la vigueur et la vivacité des entrées et sorties, des réponses entre danseurs et leur extrême maîtrise virtuose.

A partir de ce moment, la pièce est entièrement constituée de la dialectique entre l’ensemble et l’individu qui se distingue avant de retourner au groupe, dans une masse qui change et se reconstitue en permanence. Un jeu très fluide que la lumière, surtout centrée sur de petites surfaces laissant le reste dans une ombre propice à la surprise, favorise d’autant que le pendrillonage de fond permet les entrées et sorties avec une grande variété. Un savoir-faire dans le travail de l’espace chorégraphique dont Mickaël Le Mer n’avait pas encore témoigné avec autant de finesse.

Mais le premier talent d’un chorégraphe tient dans le casting et celui de Mickaël Le Mer, en la matière, relève de l’évidence : Dylan Gangnant, Wilfried Ebongue, Maxime Cozic, Naoko Tozawa, Andréa Mondoloni, Noé Chapsal, Dara You, Naïma Souhaïr et Bruce Chiefare, il faut les citer tous ! Six danseurs aguerris aux battles et trois danseuses pas moins douées que leurs confrères mais à la personnalité gestuelle encore plus affirmée. Naoko Tozawa, par exemple, peut passer sans transition de la subtilité la plus fine à une étonnante virtuosité !

La limite de cette démarche tient dans sa richesse même. Les rencontres et les prises de solo au sein des ensembles, l’inventivité gestuelle des interprètes (il suffit que l’une accroche le tee-shirt d’une autre pour que se développe une véritable thématique) font que le propos de l’œuvre n’a pas besoin d’aller beaucoup plus loin. La fascination opère d’elle-même et tient la plus grande part de la pièce.

Il faut attendre la fin de l’œuvre pour que cette logique très virtuose évolue. Quand le chorégraphe expérimente le mariage de sa gestuelle habituelle avec le travail de bungee-trapèze, un danseur harnaché volant et glissant au ras du sol dans un mouvement évanescent et subtil, quelque chose des papillons évoqués du titre transpire, mais brièvement, et sans que cela n’affecte l’équilibre du propos.

La pièce serait née de l’observation, par le chorégraphe et sa fille nouveau-née, d’un bosquet environné de lépidoptères et ce tableau aurait nourri une réflexion sur les âges de la vie… Possible, mais guère perceptible au premier -et même au second- regard. Il manque une véritable construction dramaturgique qui aurait permis de conduire à ce propos et le développer. 

Mais peut-être n’était-ce pas si nécessaire. Mickaël Le Mer, tout entier à sa relation presque amoureuse au brio de ses interprètes ne prend pas sur lui de les conduire au-delà de ce qu’ils apportent. Or, comme ils apportent beaucoup, la pièce tourne autour d’eux. Il ne faut sans doute pas en demander plus et se satisfaire de ce plaisir. Et que les patterns dont usent les danseurs et par lesquels s’exprime le chorégraphe proviennent du hip hop n’est qu’accessoire. Cette amour des danseurs pour la danse qui les traverse eut été comparable avec du classique ou des claquettes. 

Philippe Verrièle 

Vu à Cannes, Théâtre Debussy, Palais des Festival dans le cadre du festival de danse Cannes-Côte d’Azur

24, 25 janvier 2020 à 21h et 26 janvier 2020 à 15h : Festival Suresnes Cités Danse - Suresnes 

Chorégraphe : Mickaël Le Mer

Interprètes : Dylan Gangnant, Wilfried Ebongue, Maxime Cozic, Naoko Tozawa, Andréa Mondoloni, Noé Chapsal, Dara You, Naïma Souhaïr et Bruce Chiefare

Tournée : 

21 janvier 2020 : La Halle aux grains - Blois
28 janvier 2020 : CNDC - Angers
5 au 7 février 2020 : Le Grand R, scène nationale de La Roche-sur-Yon
3 avril 2020 : Espace des Arts scène nationale de Chalon sur Saône
28 avril 2020 : Le Trident, scène nationale de Cherbourg
12 et 13 mai 2020 : Espace Malraux, scène nationale de Chambéry
15 mai 2020 : Villages en Scène - Faye d’Anjou
29 mai 2020 : Le Pôle - Théâtre de Gascogne

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