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Benjamin Millepied

A 35 ans, Benjamin Millepied, le Français d'Amérique,danseur-chorégraphe, et mari à la ville de Natalie Portman succédera à Brigitte Lefèvre comme Directeur de la Danse, à compter du 15 octobre 2014.

Par Ariane Dollfus

L'annonce du successeur de Brigitte Lefèvre à la tête du ballet de l'Opéra de Paris a fait l'effet d'une bombe revigorante dans le monde de la danse. En effet, Benjamin Millepied, l'ex-soliste du New York City Ballet, n'était pas dans les short lists des candidats déclarés ou favoris, presque tous issus de l'Opéra de Paris.
Benjamin Millepied n'était d'ailleurs pas candidat lui-même, mais a été approché en novembre dernier par Stéphane Lissner, le prochain directeur de l'Opéra de Paris qui prendra ses fonctions en 2015, à qui il a ensuite soumis un projet artistique. Projet rapidement validé par Stéphane Lissner, qui a néanmoins rencontré les neuf autres candidats (« il y a même eu parfois trois rencontres successives avec le même candidat » a-t-il précisé).

Les modalités de cette nomination pour un contrat à durée indéterminée sont de taille : elles prouvent à quel point la future direction de l'Opéra a l'intention d'apporter une nouvelle marque au Ballet. Une marque suffisamment mondiale pour que la première interview de Benjamin Millepied à un média pour expliquer son projet ait été accordée en avant-première ... au New York Times.

Benjamin Millepied n'est pourtant pas le premier à venir d' Amérique pour diriger le ballet de l'Opéra de Paris. L'appel de l'Ouest est même venu de manière récurrente, avec les mandats au même poste de John Taras (1969-1970), Violette Verdy (1977-1980). Mais cette fois-ci, il s'agit d'un danseur beaucoup plus jeune, ayant évolué dans un cosmopolitisme chorégraphique qui ne se limite pas au ballet classique, ni au ballet tout court, d'ailleurs.

Dynamique, médiatique et glamour

En choisissant un danseur-chorégraphe de 36 ans ultra-dynamique, médiatique, photogénique, connu du très grand public, glamour de par son mariage avec Natalie Portman et ses publicités pour Yves Saint-Laurent ou Air France, attestant d' une longue carrière américaine et non pas française, d'une capacité à lever des fonds auprès de mécènes, et d'un bon carnet d'adresses de créateurs en vue pour ses propres chorégraphies, la nomination de Benjamin Millepied s'écarte nettement du profil plus convenu de l'artiste au répertoire classique déjà en poste au sein de l'Opéra de Paris, et dont l'atout premier serait de connaître tous les rouages de la maison.

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En choisissant un danseur-chorégraphe de 36 ans ultra-dynamique, médiatique, photogénique, connu du très grand public, glamour de par son mariage avec Natalie Portman et ses publicités pour Yves Saint-Laurent ou Air France, attestant d' une longue carrière américaine et non pas française, d'une capacité à lever des fonds auprès de mécènes, et d'un bon carnet d'adresses de créateurs en vue pour ses propres chorégraphies, la nomination de Benjamin Millepied s'écarte nettement du profil plus convenu de l'artiste au répertoire classique déjà en poste au sein de l'Opéra de Paris, et dont l'atout premier serait de connaître tous les rouages de la maison.

Tel ne sera pas le cas ,au départ, de Millepied le new-yorkais, qui devra s'initier à toutes les arcanes du ballet de l' Opéra, où les danseurs sont salariés jusqu'à la retraite, où les contraintes de programmations, de distributions, de revendications de solistes ou de promotions via un concours et un jury interne sont lourdes et complexes. Enfin, Benjamin Millepied, fin connaisseur et grand interprète du répertoire de Balanchine et Robbins, n'a pas eu l'expérience personnelle des grands ballets classiques du XIX ème siècle ni de l'école française, telle qu'elle est enseignée, dansée et très défendue au sein de l'Opéra. Il devra s'appuyer sur les maîtres de ballet et professeurs en place pour transmettre et approfondir ce style-là aux danseurs.

Lors de la conférence de presse annonçant sa nomination, Benjamin Millepied l'a reconnu lui-même, au sujet de l'héritage Noureev si fort à l'Opéra : «J'ai hâte d'apprendre et d'en savoir plus sur son répertoire, dont j'ai conscience qu'il fait partie de l'héritage de l'Opéra. Mais je ne m'interdis pas de renouveller certaines choses...»

Des atouts dans sa besace

En revanche, Benjamin Millepied a bien d'autres atouts dans sa besace pour cette longue cohabitation qui commence sur les rives de la Seine : sa carrière d'interprète fût courageuse et exemplaire, il possède une boulimie de curiosité et de tentations diverses qu'il a su concrétiser au fil des années, ainsi qu'une véritable ouverture sur l'extérieur, sur l'international et sur le monde créatif du XXI ème siècle.

Tout en poursuivant une carrière exceptionnelle de danseur chez Balanchine -où réussissent très peu de danseurs étrangers-, Millepied s'est très vite tourné vers la chorégraphie, (déjà trente oeuvres au compteur) avec un langage chorégraphique à la fois néo-classique et contemporain, faisant appel à de nombreux musiciens ou stylistes et designers d'aujourd'hui, comme Philip Glass, Daniel Ott, Nico Muhly, David Lang, Paul Cox... Il a également travaillé pour le cinéma, en ayant collaboré voire réalisé lui-même des videos, des clips, des court-métrages dansants et un long-métrage d'animation en 3D est même en projet..
Ci-dessous, Medusa, de Benjamin Millepied avec le L.A. Dance Project Dancers

Avant de mettre en place le petit groupe qu'il vient de monter à Los Angeles et que l'on verra en mai au théâtre du Châtelet, il a chorégraphié pour plusieurs grandes compagnies (NYCB, American Ballet Theatre, Ballet de Genève, ballet Mariinsky de Saint-Pétersbourg, Opéra de Paris à deux reprises et dès l'an prochain avec une nouvelle version de Daphnis et Chloé...). Il ne s'interdira d'ailleurs pas de chorégraphier pour ses danseurs de l'Opéra de Paris lorsqu'il en sera directeur. « Je veux renouer avec la tradition du maître de ballet-chorégraphe » a t il dit à la conférence de presse, « et dans ce cas de figure, c'est pour utiliser toute leur virtuosité. »

«Créer des ballets de notre temps , avec un vocabulaire classique»

De sa programmation future, Benjamin Millepied n'a encore rien dévoilé. On saura seulement que, très admiratif « et même jaloux » de la capacité qu'a eu Brigitte Lefèvre de présenter des classiques « tout en conviant des chorégraphes comme Pina Bausch ou Jérome Bel », il souhaite « garder ces oeuvres-là, mais continuer à créer des ballets de notre temps avec un vocabulaire classique, qu'il faut absolument continuer à utiliser et à faire évoluer».  « Je suis surtout un passionné de ballet » a-t-il précisé. On peut donc imaginer voir venir les néo-classiques de sa génération, comme Christopher Wheeldon, Wayne Mc Gregor, Alexei Ratmanski, Alexander Ekman, Liam Scarlett...qui devront aussi répondre à un souhait de Stéphane Lissner : « rapprocher le chorégraphique et le lyrique, créer des passerelles plus ténues entre ces deux univers. »

Soucieux de commander un maximum de créations, qu'elles soient chorégraphiques ou musicales, Millepied a aussi le souhait, jusqu'alors peu développé, de faire éclore des chorégraphes au sein même de l'Opéra. « Peu d'entre eux ont émergé, et pourtant, je suis sûr que le talent est là ». Pour se faire, il prévoit de créer une structure adéquate visiblement inspirée du New York Choreographic Institute, installé par Peter Martins au sein du New York City Ballet. En disposant de cours, d'analyses, de temps et de moyens, les danseurs intéressés pourront « développer leur talent et travailler ensuite à l'international », ce que Benjamin Millepied souhaite aussi encourager d'une manière générale, en incitant les danseurs à accepter les invitations extérieures.

Danser à l'étranger, mais aussi danser hors les murs : à l'image de ce qu'il avait commencé à faire pour son « Los Angeles Dance Project », il souhaite que l'Opéra « investisse les autres lieux culturels parisiens, intervienne dans les musées, s'ouvre à un autre public, avec notamment davantage de tournées en France. »

Benjamin Millepied a également dessiné les contours de son poste, et la manière dont il conçoit la direction d'une compagnie de ballet. « Je veux continuer à être dans les studios, et à donner des cours » a-t-il précisé. Il s'agira pour lui, d'être au plus près des danseurs, mais aussi des spectateurs, en développant un pôle important de pédagogie auprès du public, à l'instar de ce qui se pratique dans les compagnies anglo-saxonnes : « je viendrai faire moi-même des présentations au public avant le spectacle, pour expliquer le programme à suivre, décortiquer la chorégraphie avec des extraits dansés,développer l'histoire chorégraphique.... »

A l'évidence, une nouvelle page de l'histoire de l'Opéra va donc s'ouvrir avec l'arrivée de ce jeune Français d'Amérique, punchy et entreprenant, au projet dense, riche et plutôt novateur.

Ariane DOLLFUS

A visiter : le site de Benjamin Millepied www.benjaminmillepied.com

A noter : Benjamin Millepied se produira avec le L.A Dance Project au Théâtre du Châtelet du 23 au 25 mai 2013. Avec quatre pièces dont une création mondiale : Winterbranch » (1964) de Merce Cunningham , « Quintett » (1993) de William Forsythe, « Moving Parts » (2012) de Benjamin Millepied, « Reflections » (création mondiale) de Benjamin Millepied.

www.chatelet-theatre.com

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