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« Belladonna » de Nathalie Pernette

La nouvelle création de Nathalie Pernette use d’une forme un peu datée pour un propos, la sorcière, un peu fumeux, au sens propre. Mais cette logique formelle convient au ton légèrement ironique et distant, très plaisant et touchant, d’une chorégraphe qui se confronte à l’enfance.

Il y a chez Nathalie Pernette, et depuis ses débuts les plus lointains -soit le Frisson d’Alice (1992)- un goût assumé pour le spectacle comme fantasmagorie. Mais ce penchant est teinté, chez cette chorégraphe, de bricolage et d’artisanat : cela produit un genre de « magica povera » comme « l’arte » du même nom ; alors cela fume, cela grince, cela apparaît-disparaît en jouant à se faire même pas peur. Parmi les récents opus, La Peur du Loup (2016), La Figure du Gisant (2015) ou De Profundis (2011) sont des exemples de cette œuvre qui creuse avec jubilation ce sillon.

La chorégraphe s’y rattache à une veine ancienne dont les spectacles du boulevard du crime furent l’expression achevée. Cela ne nous rajeunit pas, mais il y a plaisir à retrouver du spectacle qui fait spectacle en jouant de l’imagination …

Et Belladonna, nouvel opus de cette artiste prolifique renforce encore cette tendance, ce qui n’empêche pas la profondeur, cependant. Pour le côté « povera », Belladonna fait dans le modeste. Trio féminin d’une heure, deux grandes voiles translucides forment écran, grand tapis blanc au sol, le tout baignant dans l’atmosphère sombre propre aux envoutements…

Constructions toutes d’entrées et sorties rythmées de séquences vidéo de feu, de fumées et de pyrotechnie ; les secondes donnant aux danseuses le temps de respirer.

Trame dramaturgique simple et efficace, un rien datée cependant puisque renvoyant volontiers, dans ses enchantements feints et ses ombres chinoises pour craintifs pas dupes à des formes très théâtralisés (très années 1990). Mais la logique de l’œuvre, entre le clin d’œil au cinéma pour les incantations sur fond de tourbillon, et la sorcière de grand-guignol, trouve dans ce climat un rien désuet une logique irréfutable.  C’est le côté « magica » comme la lanterna du même nom.

La composition dansée n’a pas beaucoup l’occasion de se développer car sur les trois interprètes, deux seulement -dont la chorégraphe elle-même dont on reconnaît la gestuelle caractéristique- peuvent porter des patterns complexes. En revanche, la pièce use de force mouvements de très longs cheveux et d’effets de traine de robe noire. Le résultat est plutôt graphique et la troisième interprète, Nicole Pernette, la propre mère de la chorégraphe, s’entend à cette théâtralité du mouvement plastique.

Mais surtout, quand cette dernière (qui est plutôt peintre) lance des imprécations à la Harry Potter, on imagine le plaisir et les fous rires de la fille et la mère jouant comme des gamines à faire la sorcière. Et la plus belle vertu de cette Belladonna tient dans ce regard en coin.

Loin de tout esprit de sérieux sur la sorcière, la magie ou l’histoire, cette pièce s’amuse avec une distance presque goguenarde. On retrouve le côté bricolage. Quelques pots à feu éclatent sur l’avant-scène, derrière un rideau, le livre s’enflamme, quelques ombres chinoises griffues (elles ressemblent à celle de Jour et Nuit de Catherine Diverrès mais en mois sérieux) et tout ceci ne prétend pas construire un vaste discours. Seulement des histoires que se racontent pour se faire peur les enfants et auxquelles on songe, le temps passant, avec nostalgie. Jouant de cette relation au passé, ce que renforce la relation mère-fille, la chorégraphe remonte, via les peurs et jeux, le temps écoulé. Une sorte de vert paradis des histoires enfantines tendance gothique…

Philippe Verrièle

Vu au Théâtre de Saint-Nazaire / 26 février 2019

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