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« Banataba » de Faustin Linyekula

Une pièce qui nous parle spoliation et restitution des œuvres d’art africaines au festival de Marseille.

C’est en quelque sorte l’anti Vol du Boli. Sur un sujet proche de celui traité, hélas maladroitement, à l’automne dernier par Abderamane Sissoko au théâtre du Châtelet à Paris, le Congolais Faustin Linyekula réussit là où le cinéaste malien avait échoué : raconter la spoliation des œuvres d’art africaines, et leur présence dans les grands musées occidentaux à des milliers de kilomètres de l’endroit où non seulement elles ont été conçues mais où elles font sens ; dire le télescopage des époques et des cultures ; et rendre sensible le pouvoir de ces objets inanimés dont on sait, depuis Lamartine, que l’âme s’attache à la nôtre « et la force d’aimer »…

Par la grâce d’une statue ayant appartenu à l’ethnie Lengola, et découverte dans les réserves du Metropolitan Museum qui lui avait passé commande d’une création, le chorégraphe est ainsi retourné aux sources. Cherchant dans les réserves de la vénérable institution « quelque chose qui (le) relierait à son Congo (…), qui (l)’aiderait à rassembler les pièces de ce grand puzzle malmené par l’Histoire », Faustin Linyekula est en effet « tombé sur cette statue, un seul bras, bois et pigment, moins d’un mètre de haut ». S’ensuit, quelques semaines plus tard, un périple familial en moto et pirogue jusqu'au village de Banataba, au bord du fleuve, d’où sont originaires non seulement la statue en question mais surtout une partie de sa famille, et qu’il avait lui-même quitté dans les bras de sa mère à l’âge d’un an.

De ce pèlerinage est né ce « cahier d’un retour au pays natal » à la fois parlé, chanté et dansé, créé en 2017 à New York au Metropolitan Museum et repris les 2 et 3 juillet derniers, dans le cadre du Festival de Marseille, à la Vieille Charité. Faustin Linyekula l’interprète aux côtés de la danseuse sud-africaine Moya Michel, passée notamment par P.A.R.T.S. Est présente également, via une vidéo tournée sur place et projetée en fond de scène, la communauté villageoise de Banataba à qui le chorégraphe restitue symboliquement l’objet rituel lui appartenant. D’abord enfermé dans un sac de toile de jute, la statue sera extraite en différents morceaux puis réassemblée sur le plateau, tel un puzzle patiemment reconstitué. Entre temps, les deux performeurs se seront laissé posséder par des états de transe verbale, vocale et gestuelle, effets de la puissance évocatrice d’un fétiche emblématique d’une culture.

Le charme – dans tous les sens du terme – de cette pièce courte (moins d’une heure) agit comme par surprise. Tandis que la narration alterne récit, danse et chant, les émotions naissent de la confrontation de ces formes avec les images des rites traditionnels filmés à Banataba. Porté par la voix de Linyekula, on voyage au gré du fleuve et du temps et l’on traverse les couches successives du mystère que charrie ce cheminement initiatique. Parfois sur le fil, mais réussissant in extremis à garder l’équilibre, le chorégraphe invite à partager non seulement le lieu d’où il vient, mais un espace où la spiritualité et la poésie ont encore cours. On l’en remercie. Et on en profite pour rappeler que du 24 au 29 aaoût 2021, le Festival de Marseille remet le couvert pour un rab de quelques jours, où l’on pourra notamment applaudir les 26 et 27 août la dernière création de Radhouane El Meddeb, Nous serons tous dévorés par le feu.

Isabelle Calabre

Vu le 2 juillet 2021 à la Vieille Charité à Marseille. Programme du festival à retrouver sur www.festivaldemarseille.com

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