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Ballet de l'Opéra du Rhin : « La Création » d' Uwe Scholz

Belle idée de Thierry Malandain que d’avoir programmé cette Création (Die Schöpfung) de l’Allemand Uwe Scholz dansée par le Ballet de l’Opéra national du Rhin, seule compagnie française depuis novembre 2013 à porter cet héritage.
Héritage, oui, puisque son auteur est décédé en 2004 à quarante-six ans, après vingt ans d’une carrière fructueuse jalonnée de quatre-vingt dix ballets dont diverses relectures du répertoire, du Lac des Cygnes  à  La Belle au Bois dormant.

Mais c’est cette Création, sur l’oratorio du même nom de Haëndel, superbement chorégraphiée en 1986 pour le Ballet de Zürich dont il venait d’être nommé directeur, qui fut son coup d’éclat inaugural, et son coup de maître.

A voir ou revoir ces deux heures de plénitude musicale et chorégraphique, on comprend combien l’oeuvre se plaça d’emblée dans la galaxie scintillante de l’histoire de la danse, assurant dès lors à son jeune créateur une durable et méritée renommée.

Ouverte sur une barre classique, autour de laquelle les danseurs semblent s’échauffer avant de se jeter à corps perdus dans un flux somptueux, la pièce alterne les duos, trios, quatuors et autres combinaisons en réussissant l’exploit non seulement de renouveler à chaque séquence l’intérêt et la curiosité, mais encore de ne jamais rompre cette harmonie de style qui fait la grandeur de la composition musicale. A la fois extrêmement pur dans sa ligne et foisonnant dans son orchestration, le chef-d’œuvre de Haëndel donne le la d’une écriture chorégraphique particulièrement inventive, sans jamais être ni décalée ni redondante.

Uwe Scholtz se fond littéralement dans la partition, dont il épouse tous les détours et les tableaux, créant pas après pas un impressionnant récit dansé de la création du monde. Cet hymne à l’humanité toute entière devient ainsi un hymne à la danse, qui se déploie ici dans une remarquable virtuosité technique. La grammaire classique s’y enrichit des audaces contemporaines initiées par des chorégraphes tels que John Cranko et Marcia Haydée, qui furent les maîtres d’Uwe Scholz. On admire l’originalité des ensembles découpant l’espace scénique, et l’émotion dégagée par ces « humains, trop humains » dont l’unique finalité semble être de créer la beauté.

Galerie photo © Stéphane Bellocq

A cette mission, les danseurs du Ballet de l’Opéra du Rhin ne faillissent pas. Même si l’on remarque ça et là quelques imprécisions, voire quelques légères faiblesses dues sans doute à une programmation précoce, quinze jours à peine après la rentrée, on ne peut que saluer l’engagement total de la compagnie au service de cette œuvre aussi grandiose qu’exigeante. Mieux, cette implication artistique et émotionnelle semble croître au fur et à mesure de l’exécution, alors même que les corps, notamment des solistes, sont de plus en plus physiquement sollicités.

Au moment où la troupe s’apprête à changer de direction, sous la conduite - officiellement à compter du 1er septembre 2017 - de Bruno Bouché, cette belle capacité à s’engager et se dépasser est de très bon augure. L’actuel directeur de la Compagnie Incidence Chorégraphique, pour cette année encore sujet à l’Opéra de Paris, aura incontestablement ‘entre les mains’ un formidable outil de création et de répertoire.

Isabelle Calabre

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