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Ballet de l'Opéra de Lyon : Trois chefs-d'œuvre

Il fallait oser ! Afficher sur les portes de l’Opéra de Lyon : Trois chefs-d’œuvre demande de l’aplomb et un goût du risque certain. Deux qualités essentielles aux danseurs que ne renie pas Yorgos Loukos, directeur du Ballet de l’Opéra de Lyon, et… ancien danseur !

Bien sûr le risque est limité quand il s’agit de Jiří Kylián, et que les œuvres en question sont Bella Figura et Heart’s Labyrinth que le Ballet de l’Opéra de Lyon connaît par cœur, même si 27’52 est une entrée au répertoire.

Bella Figura, galerie photo : Laurent Philippe

Bella Figura n’est pas seulement une œuvre majeure du chorégraphe tchèque, elle est aussi emblématique de l’écriture que de la pensée de Jiří Kylián. Avec ses rideaux qui occultent une partie de ce que l’on devrait voir, sa gestuelle d’une fluidité sans pareille mais qui s’autorise des qualités arrêtées, sa facilité à faire apparaître et disparaître les danseurs dans des duos, trios et quatuor dans un flux constant, nous rappelle qu’il eut pour maître John Cranko… tout comme un certain William Forsythe. Mais là où ce dernier a inclus dans ses pièces toute l’histoire de la danse américaine, Kylián reste profondément européen – et même un peu Mitteleuropa.

Bella Figura, galerie photo : Laurent Philippe

Chez lui, les jeux de rideaux ressemblent à des chausse-trapes, des ellipses qui, plutôt que morceller la vision, instillent une sorte de nostalgie de la disparition. Sa gestuelle, toujours à fleur d’émotion, sublime le corps des danseurs, attirant l’œil sur quelque détail fugitif. Graphique ou organique, ce sont toujours les rapports – principalement de couples – qui animent ses chorégraphies.  Dans Bella Figura, la mise en scène est somptueuse. Les jupes rouges qui virevoltent, les lumières et les flammes qui nimbent les corps, tout concourt à créer des images d’une esthétique parfaite. Le duo final, avec ces haussements légers d’épaules en silence, et dans la pénombre est un morceau d’anthologie.

Bella Figura, galerie photo : Laurent Philippe

Heart’s Labyrinth, que nous avions déjà vu, se révèle dans toute sa splendeur. La première danseuse (Ashley Wright) qui descend d’un escalier vertigineux suspendu dans les cintres imprègne de son mystère toute l’atmosphère du ballet qui suit. Créé après le suicide d’une danseuse de sa compagnie, Heart’s Labyrinth se penche sur les méandres émotionnels que suscitent une telle tragédie.

Heart’s Labyrinth, galerie photo : Laurent Philippe

La gestuelle se fait torse, tourmentée par l’absence. Les musiques de Schönberg, Webern et Dvořák, assombrissent encore le tableau, lui donnant cette texture aussi étrange que profondément spirituelle. Les quatre femmes (celles déjà citées ainsi que Kristina Bentz et Jacqueline Bâbi) sont exceptionnelles. Chacune d’entre elles apporte sa touche personnelle dans cette histoire tragique.

Heart’s Labyrinth, galerie photo : Laurent Philippe

La danse est dessinée, précise, d’une construction sans faille. Rapide, négligeant pour une fois cette « typification » homme/femme qui, parfois, surcharge de narrativité le mouvement, la chorégraphie est profondément originale, inventive, débarrassée de tout superflu.

Trois chefs-d’œuvre mérite donc bien son titre audacieux, mais juste !

Agnès Izrine

Le 16 septembre 2015, Opéra de Lyon

À suivre :

28 novembre 2015 au Festival de Danse de Cannes

3 juin 2016 à l'Espace des Arts de Chalons-sur-Saône

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