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Au Panthéon : « La figure de l’érosion » de Nathalie Pernette

La fresque sculpturale de La Convention Nationale n’a qu’à bien se tenir, face aux danseurs qui mettent le sacrifice en mouvement, face au monument.

Entrer au Panthéon et, mieux encore, en ressortir vivant ! Les chorégraphes ont désormais ce privilège, grâce à cette merveilleuse initiative du Centre des Monuments Nationaux : Monuments en Mouvement. Certains, en tout cas : Carolyn Carlson en 2017, Yoann Bourgeois en 2018. Le premier d’entre eux était Radhouane El Meddeb, en 2015. Face aux espaces immenses et à la force du marbre, des tableaux et des sculptures, au temps et au rappel de l’univers placés sous la triple coupole, deux réponses sont possibles : Se déployer et profiter de l’étendue, s’allier aux grands chercheurs et philosophes, comme le fit Bourgeois. Ou bien, isoler un territoire pour entrer en connivence avec un monument à l’intérieur du monument. C’est le choix opéré par Nathalie Pernette avec La Figure de l’érosion et il s’est porté sur La Convention Nationale de Sicard, hommage à la République, la patrie, ses soldats et sa Marianne.

Monuments en Mouvement

Comme le note le Centre des Monuments Nationaux au sujet de La Convention Nationale: « L’observateur est invité à une contemplation assez passive, statique et frontale, l’œuvre ne demande pas une participation ni une déambulation autour de l’œuvre. » Mais ce qui n’est pas demandé, n’est pas forcément interdit, d’autant plus que La Figure de l’érosion a été créée dans le cadre de Monuments en Mouvement. Avec la notoriété, désormais gravée dans le marbre, de cette manifestation métapatrimoniale, tout est dit. Non que la danse soit ici une transposition directe du monument de Sicard en mouvements, découlant de ses personnages. Ce serait trop plat pour une œuvre qui n’est pas faite de plâtre, mais dans une 3D matérielle, blancheur à l’appui.

Echos d’Histoire

Le vert des costumes est celui des uniformes militaires et du lichen qui met en mouvement les statues en déambulant à l’intérieur d’un autre monument: Le temps. Hymnes nationaux, discours d’une autre époque (Hitler inclus), devant la tricolore française et un drapeau européen. Mais on entend aussi les airs rappelant le rêve d’une autre façon de communier, par la voix de Joan Baez: « We shall overcome ». Car oui, l’érosion des valeurs humanistes qui portaient la Résistance ou la révolte de 1968 est en cours. Seuls les gisants, sujets du premier volet de la trilogie de Pernette, dorment tranquilles. La Figure du baiser, deuxième volume de la trilogie Une Pierre presque immobile, rallumait la flamme d’une utopie de liberté sur les Colonnes de Buren.

Combats

Au Panthéon, dans le troisième volet, conscient des sacrifices et de la grandeur exigés par l’Histoire, le quatuor nous parle de tous les combats. Il faut sauver son camarade qui glisse vers le bas, il faut lutter contre l’érosion par le temps, contre des forces irrésistibles. Il est des combats qu’on peut gagner, provisoirement. D’autres, non. Les statues en mouvement se fissurent, se déchirent, se transforment en automates, en jouets militaires mécanisés, comme mus par des ressorts intérieurs. Et soudain, ils sautent avec une légèreté surréelle.

Mystère - liberté - sacrifice

Grimés comme dans un film muet, les danseurs font merveille dans un style expressionniste, voire constructiviste. Un piédestal, carré comme une boîte à chaussures ou une malle de transport militaire leur sert de tremplin, d’agrès et de scène. Le crépitement de la guerre sort de l’intérieur des corps, et tout se termine sur un champ de bataille, en requiem. Si La Figure du Gisant met le mystère au premier plan, si La Figure du baiser fête la liberté, La figure de l’érosion contraint les corps, la danse, les gestes et l’espace pour parler de sacrifice. Moins surprenant, moins entraînant, plus grave que les précédents.

Et l’érosion ? La guerre n’est-elle pas plutôt une affaire d’explosions ? « C’est aussi une forme d’érosion », répond Pernette. Le public ne fait ici pas de parcours dans l’espace, comme dans les volets précédents. Mais il voyage dans le temps. Le spectacle aussi est appelé à voyager, comme les volets précédents, destiné à des sites particuliers, en lien avec l’histoire et le sacrifice, comme des monuments aux morts.

Thomas Hahn

Spectacle vu le 11 mai 2019, Paris, Panthéon

Chorégraphie: Nathalie Pernette assistée de Regina Meier

Interprétation: Lucien Brabec, Léa Darrault, Félix Maurin et Laure Wernly
Musique: Franck Gervais
Costumes: Fabienne Desflèches
Construction: Laurent Mesnier

En tournée :

18 mai, 17h, 19 mai 15h15 Rencontres d'ici et d'ailleurs, Garges les Gonesse
28 juin, 20h15 Festival Jours de danse à Besançon
27 sept. 19h30,  28 sept.  19h30 Le Théâtre - Scène nationale de Saint-Nazaire

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