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Au Havre, la 8e édition de Pharenheit

Le festival créé et organisé par Le Phare CCN multiplie formats, lieux et thèmes.

Voilà une huitième édition de Pharenheit qui se construit avec seize compagnies dont certaines sont des invitées régulières. Ensemble, elles proposent vingt-et-un spectacles ou performances. Pharenheit est porté par une volonté forte de créer et diffuser la danse, dans la ville du Havre, mais aussi sur un territoire normand plus large, au nord et à l’est du CCN Le Havre Normandie, sur un axe Fécamp – Rouen – Val-de-Reuil. 

Cette volonté se reflète notamment dans une politique tarifaire qui met la barre d’entrée très basse, à cinq euros la place, ou bien moins encore, à moins que l’entrée ne soit carrément gratuite (performances dans des bibliothèques, médiathèques etc.). Le geste est fort, sur le territoire de l’actuel premier ministre, et il souligne que ce festival s’adresse à un public jeune et aussi divers que possible (et l’effet se ressent dans les salles). On sait par ailleurs que c’est justement chez des personnes qui n’ont pas (encore) l’habitude de fréquenter les salles que la découverte de la création chorégraphique peut jouer sur la manière de voir le monde. 

Opéra, FRAC, Volcan, Phare, MuMa…

Pharenheit multiplie donc les lieux, les parcours, les formats et les thèmes. On y passe en une soirée d’une performance au FRAC de Sotteville-lès-Rouen (Emmanuel Eggermont et Diogo Pimentão) à l’Opéra de Rouen Normandie (c’est presque à côté), pour voir 10000 Gestes de Boris Charmatz [lire notre critique].

Et le même Charmatz, en duo avec son camarade Dimitri Chamblas, apparaît à son tour au milieu des œuvres, quand il présente son grand classique A bras-le-corps au MuMa du Havre.

Au Volcan on verra un spectacle plutôt massif, à savoir Mass lire de Pierre Pontvianne [lire notre critique] et le Phare, le lieu du CCN, accueillera, entre autres, Corps Exquis de Joanne Leighton [lire notre critique] et Labourer de Madeleine Fournier [lire notre critique].

Portraits

Certains artistes marquent Pharenheit, en 2020 comme au cours de son histoire, forcément récente puisque nous n’en sommes qu’à la huitième édition. Mais on y décèle déjà comme une volonté de montrer de petits portraits de certain.e.s.

La première de ces chorégraphes est bien sûr Emmanuelle Vo-Dinh, directrice du CCN et du festival. Elle reprend ici - dans un hôpital public ! - sa pièce Leitmotiv, un quatuor intimiste autour de la rencontre et l’acte de s’embrasser et de prendre quelqu’un dans ses bras. Ce qui n’est pas sans résonner avec A bras-le-corps… 

Au Phare, Vo-Dinh  reprend son solo Sprint, interprété par Maeva Cunci, dans une suite proclamée Soirée running, car partagée avec le duo Rush d’Ashley Chen [lire notre critique]. Le dédoublement du regard sur la course, l’urgence, la performance physique, sur la compétition permanente et sur l’obligation à s’épuiser au-delà de ses limites redoublera-t-il l’effet de l’essoufflement et la réflexion sur le mécanismes qui nous font courir à notre perte ?

Ou bien ces deux pièces résonneront-elles comme un avertissement et une proposition d’échapper au pire et donc comme une thèse et son antithèse ? La synthèse, en tout cas, aura lieu en clôture, quand Vo-Dinh orchestre une Waveparty.

Rituels tous publics

C’est ici, en son fief et son festival, qu’elle peut nous offrir quelques fleurons un peu oubliés de son répertoire qui dévoilent Vo-Dinh sous des angles inattendus. Par exemple, son adaptation désopilante des contes de Grimm dans Belles et bois. Au centre : La Belle au bois dormant, conte ici relié au monde actuel par le lifestyle et une envie de jouer avec les conventions.

Autour de cet éclat d’humour, le festival propose tout un parcours pour un public familial où l’on trouve aussi le Rituel pour une géographie du sensible, une Installa(c)tion chorégraphique de et avec Julie Nioche, Filiz Sizanli, Mustafa Kaplan et Alexandre Meyer, un « rituel ouvert à un groupe de 40 personnes », situé « entre installation, performance et implication du public ».

Tout spectacle de danse se définit par rapport au passage, à la transmission et la mise en relation. En passant par le corps. Ce qui le rend naturellement pertinent auprès des plus jeunes. Une pièce de danse « pour les 9 à 36 mois » reste pourtant quelque chose de rare, sans doute parce que l’adulte qui s’adresse à cette tranche d’âge s’aventure en terrain inconnu.

Malgven Gerbes et David Brandstätter, artistes en résidence au CCN Le Havre Normandie, présentent avec Les Sols une pièce interactive, « née du désir de créer un temps suspendu dans la relation parent-enfant » qui s’annonce comme « une série de cartes postales sensorielles ». Avec cette création, ils sont en effet sur un terrain où on ne les attendait pas.

Aujourd’hui artistes associés au Phare, Gerbes et Brandstätter présentent également FRE!HEIT, un solo de 2015 [lire notre critique] où Brandstätter questionne notre relation au libre arbitre. Jusqu’à l’absurde. Les impressions ainsi proposées forment un autre mini-portrait, en résonance avec leur présence en 2019 sur les mêmes lieux. 

La vraie création de cette édition appartient à un autre duo de créateurs, Sarah Crépin et Étienne Cuppens, implantés au Havre et mieux connus comme La BaZooKa. 

Dans leur nouveau duo Solo OO, l’univers des films japonais de samouraïs des années 1950 se transforme en manga chorégraphique, traversé par d’autres chapitres de l’histoire de l’art. Ceci dit, les Parisiens pourront voir la première juste avant, au festival Faits d’Hiver. Avec chacune de leurs créations entre danse et installation plastique, Crépin et Cuppens ont sacrément su nous étonner, et selon les premières images disponibles, Solo OO n’en promet pas moins…

Thomas Hahn

Festival Pharenheit, 8eédition, du 28 janvier au 8 février 2020

Image de preview © Annette Lenz

 

 

 

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