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Ashley Chen crée « Rush » : Interview

Créé au KLAP à Marseille et ensuite au CDCN Atelier de Paris, Rush est un duo basé sur une course effrénée. Entretien avec le chorégraphe Ashley Chen.

Danser Canal Historique : Comment avez-vous rencontré la danse, d’où vous est venue l’envie ?

Ashley Chen : J’ai commencé quand j’avais cinq ans. Mon grand frère faisait de la danse, et je voulais toujours tout faire comme lui. J’ai donc pris des cours d’initiation. Plus tard, j’ai commencé à aimer l’énergie qui découle de la danse, et la dépense physique. A treize ans, j’ai pris des cours, surtout en classique, à l’école du Conservatoire de Caen, qui a été invitée à Montpellier Danse. J’ai donc vécu ma première expérience de la vie de tournée, et en plus, l’effervescence d‘un festival. Je me suis donc dit que j’en ferais bien mon métier et j’ai tenté de m’inscrire au CNSMD de Paris. Mais on m’a dit que j’étais encore un peu jeune et j’ai dû patienter quelques années. Une fois inscrit au CNSMDP, j’ai pris de plus en plus de cours de danse contemporaine. J’avais quinze ans, et je me suis rendu compte que la danse classique n’était pas pour moi.

DCH : Vous avez ensuite dansé dans la compagnie de Merce Cunningham, où des bases classiques ne sont peut-être pas inutiles…

Ashley Chen : Chez Cunningham, il y a tout un travail de jambe qui peut paraître similaire. Mais c’est tout de même une approche très différente. On fait un travail plus profond sur soi, sur la prise d’espace. Et chaque mouvement a une importance égale, ça crée une concentration très différente, qui est visible sur scène. On n’y pratique pas la préparation au grand jeté, comme cela se fait dans la danse classique. Chez Merce, chaque mouvement est aussi intéressant que les autres, et c’est ce qui m’intéresse aussi dans mon travail actuel qui est fortement axé sur la tâche physique et l’intention du danseur.

DCH : Vous créez Rush le 25 janvier au KLAP de Marseille, avant de le présenter au CNDC Atelier de Paris, du 31 janvier au 1er février. C’est votre cinquième création depuis que vous avez fondé votre compagnie, Kashyl. De quoi parle Rush ?

Ashley Chen : Rush est un duo basé sur la course que j’interprète avec Julien Monty. Nous sommes partis de l’effervescence urbaine mais au fur et à mesure je me suis rendu compte que c’est une pièce sur les flux migratoires, où le corps est en mouvement en permanence, dans l’obsession d’aller de l’avant. En même temps on y voit deux personnes qui courent, pour aller nulle part. Nous courrons en rond, presque comme des rats de laboratoire. Le spectateur est comme en train de regarder une expérience scientifique.

DCH : Quelles sont vos sources d’inspiration ?

Ashley Chen  : Quand j’étais danseur chez Cunningham, je vivais donc à New York. Il y fallait toujours courir d’un endroit à un autre. J’étais toujours en retard. J’avais vingt ans et je trouvais ça très excitant. Mais avec les années, et avec plus de maturité, je vois plus la fatigue des gens qui sont obligés de courir parce qu’ils doivent enchaîner quatre boulots pour survivre. Ca m’a amené à réfléchir sur les gens qui sont obligés de migrer pour survivre, pour certains parce qu’ils sont pourchassées. Dans Rush, je ne cherche pas à montrer ces situations, juste à les évoquer.

DCH : S’agit-il d’une pièce simple ou d’une pièce complexe ? Si oui, à quels niveaux ?

Ashley Chen : La pièce se compose de différentes situations. Certaines sont plus ludiques, d’autres plus dramatiques, par exemple parce qu’on est obligé de continuer à courir parce qu’on n’a pas le choix. C’est triste et beau en même temps. Dans le sens où Rush évoque l’obligation d’aller toujours de l’avant, c’est une pièce simple. La complexité arrive parce que la fatigue s’installe, par le fait que nous nous perdons dans notre chorégraphie et aussi par différents paramètres que nous avons rajoutés. La musique est de plus en plus couverte par le souffle, le battement de nos cœurs et le bruit de nos talons. Les appareils qui amplifient ces sons et servent en même temps de source musicale constituent nos éléments scénographiques.

DCH : Vous évoquez le bruit des talons. Vous portez donc des chaussures de ville et des costumes de ville ?

Ashley Chen : Les costumes sont signés Marion Regnier. Elle nous a proposé l’idée d’un décalage absurde vis-à-vis de l’idée avec l’idée de la course, de l’acharnement et de l’effort physique. Nous portons donc des costumes de couleurs pastel, pour évoquer peut-être des gens qui sont très propres sur eux-mêmes et qu’on ne soupçonnerait pas d’être obligés de courir. Marion a trouvé un système qui fait que les costumes restent en place tout le temps et ont l’air impeccables jusqu’à la fin, malgré l’effort physique procuré.

DCH : Quels sont vos choix musicaux ? Quel rôle joue la musique ?

Ashley Chen : Je voulais travailler sur des musiques essentielles de différents univers. Mais par exemple, mes connaissances en musique classique sont insuffisantes pour opérer des choix pertinents dans ce domaine. J’ai donc choisi des musiques rock que j’écoutais dans ma jeunesse. Nous avons ensuite, avec Pierre Bourgeois, décomposé ces morceaux. Le spectateur aura donc du mal à les identifier, alors qu’ils vont lui paraître familiers. Ce sont surtout les ambiances qui nous intéressent.

DCH : Comment avez-vous rencontré votre partenaire, Julien Monty ?

Ashley Chen  : Julien a longtemps dansé chez Rosas. Mais nous sommes amis depuis notre temps au conservatoire, où il faisait partie de la promotion précédant le mienne. Ca fait longtemps que nous voulions faire une pièce de ce genre ensemble. Et nous écoutions, à l’époque, les mêmes musiques, que nous reprenons donc dans Rush. Julien est aussi chorégraphe. En tant que tel il fait un travail très différent du mien, mais je l’ai parfois assisté dans ses créations. Nous n’avons pas la même approche mais nous nous entendons bien, humainement et artistiquement.

DCH : Juste avant de venir au CDCN Atelier de Paris avec Rush, vous êtes au festival Pharenheit, avec le CCN du Havre, pour Unisson, votre création précédente, une pièce chorégraphiquement très différente, même si on peut trouver un terrain partagé concernant le fond.

Ashley Chen : Unisson est une pièce de groupe basée sur les danses traditionnelles et sociales, où il faut se tolérer et se soutenir pour continuer d’aller de l’avant malgré les obstacles. C’est l’idée des déchets, de la décharge et du recyclage, pour recycler de ce qui se trouve sur le plateau, mais aussi les danses traditionnelles, dans l’idée de créer une nouvelles danse, comme dans un grand ballroom du 21e siècle.

Propos recueillis par Thomas Hahn

Rush : le 25 janvier au KLAP, Marseille

31 janvier et 1er février au CDCN Atelier de Paris

Unisson :  le 28 janvier à Val-de-Reuil, festival Pharenheit

Whack : le 24 mars, Champigny-sur-Marne, 20e Biennale de Danse du Val-de-Marne

 

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