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Ardanthé, la 22e édition : Danser avec le Yak

A Vanves, un festival très international et quasiment inépuisable, sur de nouveaux liens entre le corps, le son et les espaces.

Festival aux multiples facettes, la 22édition d’Ardanthé présente un paysage chorégraphique luxuriant. Situé en marge de Paris, mais lié à sa Dame de Fer par le fil d’Ariane ferré et électrifié, Vanves danse avec le Yak (titre d’un solo de Clément Aubert), du 29 février au 21 mars. En marge, mais lié : on y découvre, de certains artistes ce qu’ils ne nous montrent pas intra-muros. Et ce, dès le soir d’ouverture.

Voilà Alessandro Sciarroni avec un nouveau duo, et aussi Christos Papadopoulos, si présent au Théâtre des Abbesses avec ses dernières créations, ici invité avec Opus, un quatuor antérieur, où il fait du corps un instrument symphonique. Et Aina Alegre, soutenue par le réseau des CDCN pour sa pièce à succès La nuit, nos autres, poursuit à Vanves une série de performances crées in situ. 

Dans le même esprit de découverte et de l’insolite, sous le titre de [Déca]danse, Nina Santes crée un duo « pour espaces humains hostiles » (comment fait-elle pour en trouver à Vanves ?) et Vania Vaneau a, comme sept autres artistes, un nouveau travail en cours à nous proposer. Ces programmes sont pensés pour cela, justement, et chaque samedi après-midi, cinq petites formes sont à découvrir. Artdanthé possède donc son côté laboratoire, et continue sur sa lancée pluridisciplinaire, même si dans l’ensemble du festival, la danse redevient clairement  le point de départ. 

Pullulent donc les créations chorégraphiques et performatives et autres essais scéniques, comme avec Herman Diephuis et Dalila Khatir qui « ont envie de régler leurs comptes, entre eux, avec nous, avec la vie ».

Vanves tisse sa toile européenne

Le lien avec Paris n’est par ailleurs pas une étape obligatoire, ni une fin en soi. Pour cette nouvelle édition d’Artdanthé, Anouchka Charbey, directrice du Théâtre de Vanves, multiplie les échanges et collaborations régionales et internationales : le festival Danse Dense, le Collectif 12, le Centre Wallonie-Bruxelles et le Centre Culturel Suisse. Ce dernier présente, dans le cadre de sa programmation hors les murs, Hitchiking through Winterland de Cosima Grand, qui traverse un paysage apparemment sans vie, en écho émotionnel au Voyage d’Hiver de Wilhelm Müller et Franz Schubert. 

Voilà un solo à la croisée de plusieurs axes de réflexion des chorégraphes qui font cette édition d’Artdanthé. 

Il y a d’une part, la relation à la situation du monde et de l’humanité. L’espace terrestre occupé par l’humanité montre les limites de sa capacité à encaisser, et un retour aux sources est quasiment impératif. On le ressent autant chez Betty Tchomanga qui crée à Vanves Mascarades, un solo autour de Mami Wata, déesse des eaux.

En première française, Alessandro Sciarroni se penche, lui, sur une danse traditionnelle en voie de disparition : la Polka chinata dont il explore, en duo, le vocabulaire et les exploits quasiment acrobatiques, pour éviter la disparition d’une part de patrimoine secret du paysage de la danse.

Retour aux sources aussi avec François Chaignaud. C’est une belle idée que de lui proposer de réactiver son duo Duchesses avec Marie-Caroline Hominal, où la manipulation du hula hoop produit une ouverture vers la méditation, la libération sexuelle, un vertige existentiel...

Penser de nouveaux espaces

Aux Pays Bas, c’est Dario Tortorelli qui se laisse inspirer, dans Transmotion, par le folkore et les rituels, en invitant le public à partager avec les performers, dont un musicien, un jardin semi-naturel, un paysage surréel entre jardin japonais et futurisme.  

Cette question des espaces à habiter et à inventer revient avec Jeanne Brouaye. Vivant entre la France et la Belgique, elle présente deux spectacles, dont un au Centre Wallonie-Bruxelles.

Il s’agit de fait d’un diptyque pour un usage sentimental et politique du bois et de la laine, intitulé J’épuiserai le blanc. Où tout part de sentiments d’impuissance et de révolte, et d’une envie d’inventer des espaces autres ainsi que du « soucis de restructurer les espaces qu’on habite, de nos intériorités sans cesse menacées à la forme de nos maisons. » Voilà ce qu’elle explique au sujet de Foghorn, et qu’elle reprend, avec Ce qu’il reste à faire et là où nous en sommes, un solo où elle « construit une sorte d’abri avec des tasseaux de bois » pour in fine« revendiquer sur la plan symbolique la nécessité des espaces ouverts. »

Ces nouveaux espaces sont aussi sonores. La relation aux paysages acoustiques et aux sons-racines anime ici plusieurs créations. Le Magnetic Ensemble et la chorégraphe Mellina Boubetra l’abordent par la tradition malinké, le djembé et le dundun.

Jeanne Brouaye utilise, dans Foghorn, « bois, laine et micros pour les voix intérieures ». L’approche immersive de Dario Tortorelli crée des paysages sonores, la Chilienne Marcela Santander Corvalan déambule dans « un paysage sonore en constante mutation » où « le son fait office de décor » et Aloun Marchal crée SonoR, un « quatuor sonore et chorégraphique » où « les gestes musicaux deviennent des mouvements dansés », tout comme chez Christos Papadopoulos dans Opus

Ecologies chorégraphiques

L’espace et le temps se resserrent autour d’une humanité qui les croyait infinis. En réponse, Elodie Sicard construit son trio Les Assaillants autour du rapport de l’homme à son territoire et de la conquête des espaces, source de toutes nos incertitudes quant à notre capacité à pouvoir survivre sur une planète aux ressources limitées. On peut aussi le dire avec les mots de Nathalie Broizat qui parle d’un « monde qui semble se suicider », mais oppose à cette finitude une étendue maximale de la durée de l’être-ensemble.

InstantT2020 peut atteindre trois heures, mais est présenté à Artdanthé dans une version « courte », de 2h15 tout de même.  La version complète est réservée au festival Danse Dense, partenaire d’Artdanthé sur cette création: Elle est annoncée à trois heures minimum. 

Avec InstantT2020, c’est déjà la journée de clôture, où l’on viendra aussi pour Libération, solo de Tabitha Cholet, qui lance là un manifeste pour « mettre fin à toutes les formes d’intimidation, de harcèlement, d’agression, de discrimination et d’humiliation des femmes dans les arts. »

Pour mémoire : Cholet est l’une des interprètes de Jan Fabre accusant le chorégraphe, dans une lettre ouverte publiée en 2018, de harcèlement sexuel envers les danseuses de la compagnie [lire notre article].

Libération est donc incontournable, d’autant plus que Cholet présente ce manifeste dansé en première française. 

Thomas Hahn

22eédition d’Artdanthé, du 20/2 au 21/3 2020

Photo de preview "Save the last dance for me" © Claudia Borgia Chiara Bruschini

 

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