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« Arc Chemin du jour » de Sankai Juku

Première européenne de Sankai Juku à Paris, avec plus de nouveautés que jamais. Et pourtant, la signature Amagatsu résiste à tout. Même à son absence.

Sankai Juku sans Ushio Amagatsu ? Bien sûr que non. Mais pour la première fois, le fondateur et maître incontesté de la transparence charnelle ne monte pas sur le plateau. Evolution ou révolution ? Toute ère a une fin, l’ère est au changement. Arc Chemin du jour marque une passation. Pour beaucoup de compagnies, il s’agit d’un moment agité. Pas chez Sankai Juku. Voilà ce qu’on se dit en voyant cette toute nouvelle création au Théâtre des Champs Elysées.

Pour un directeur de compagnie, c’est un vrai bonheur de disposer de suffisamment de temps pour former et adouber un successeur. Mais il faut de la sagesse pour s’y prendre au bon moment. Et bien sûr, il faut une personne qui s’impose. Amagatsu a tout ça.

Semimaru, le dauphin

Avec Arc, il commence à passer le relais. Pour la première fois, le fondateur de « L’Atelier de la mer et de la Montagne » ne danse pas ses solos ritualisés du début et de la fin qui encadraient chaque pièce. Il ne danse même pas du tout. Le dauphin qui hérite de sa place sur le plateau se nomme Semimaru. Butoka étoile il est, en ascension vers le trône. Mais toute ascension prend du temps. La moitié du chemin est fait, Semimaru ouvre Arc avec un solo translucide, sous une lumière qui le laisse apparaître tel un hologramme se baladant sur la lune. Ce qui lui manque encore est le solo de la fin.

Arc s’achève par un tableau de groupe magistral, où les corps des huit danseurs montent et descendent comme les vagues de l’océan, dans une énergie à la fois aérienne, tellurique et aquatique. Semimaru se fond dans cette valse avec la gravité. Il fait encore partie de l’ensemble, du corps collectif. Son solo final attendra. Viendra un jour. Sans doute. En attendant, Arc permet à d’autres aussi de danser des solos et de ponctuer ainsi le chemin parcouru.

Galerie photo © Laurent Philippe

Duel sensuel

Comme les créations précédentes d’Ushio Amgatsu, Arc se décline en sept tableaux. Mais, création mondiale pour le Théâtre de la Ville et le Théâtre des Champs-Elysées oblige, tous les titres s’écrivent directement en français. Là aussi, c’est la première fois. On est loin aussi des petites traces de couleur qui ornaient les tuniques blanches des danseurs. Par contre, certaines tenues  - il y a ici des changements de costumes - arborent beaucoup plus de couleurs qu’à l’habitude. Dans un affrontement entre deux titans vêtus de jupons bleu et rouge, duel sensuel s’il en est, on peut voir une préparation au combat ou à l’amour, selon si l’on accorde à l’homme une part d’animalité plus ou moins grande.

Symétries

La lumière fait ici des merveilles, plus que jamais. Elle coupe une plateforme circulaire dans le paysage lunaire, ou bien l’entoure d’un écrin.  Il faudrait voir Arc dans un angle de 90°, avec une vue à la fois plongeante et frontale, pour apprécier tous les effets de symétrie et de lumières. Car les danseurs frôlent le sable et le marquent ce sol des traces de leurs pas, comme Anne Teresa De Keersmaeker le faisait dans Phase. Dans Arc aussi, la symétrie est des plus belles et vivaces. On pourrait y voir un hommage à l’art baroque et à la sculpture, les danseurs apparaissant parfois comme taillés dans le sable.

Galerie photo © Sankai juku

Sankai Juku en ère industrielle

Les balances qui descendent des cintres lient Arc aux créations précédentes, notamment à Umusuna (2012). En fond de scène, se balade l’arc, justement. Lentement. S’ouvre et se referme, fin et élégant, connectant le cours des planètes au savoir-faire de l’ère industrielle. Il n’y aura cependant pas de révolution chez Sankai Juku. Ni industrielle, ni chorégraphique. Sankai sera toujours Juku, même si les changements de tempo s‘accentuent, même si la scénographie, inspirée du sculpteur Natsuyuki Nakanishi, se partage entre nature et technologie.

Galerie photo © Laurent Philippe

Evolution, pas révolution

Le plateau de sable carré apparaît comme décalé par rapport à une grille à l’aspect métallique. Mais l’effet visuel se dessine grâce à des cônes de sable, alignés avec une précision implacable. Le décalage, dans un angle non symétrique, suggère un mouvement de rotation que la danse reprend, articule et diversifie jusqu’à se prolonger dans les courbes fines et élancées des arcs. Les danseurs y apparaissent tels des éléments scénographiques supplémentaires.

Visiblement, avec Ushio Amagatsu se retirant du plateau, son angle de vue évolue, comme la sculpture de l’arc qui évolue tout au long de la pièce: Lentement, mais sûrement.

Thomas Hahn

Spectacle vu le 29 avril 2019, Paris, Théâtre des Champs-Elysées

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