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2e Concours de jeunes chorégraphes

And the winners are… Dimanche 27 mai au Grand Théâtre de Bordeaux, à l’issue d’une finale publique suivie par plusieurs centaines de spectateurs, le suspense a pris fin pour les heureux lauréats du deuxième Concours de jeunes chorégraphes.

Le jury, composé de Bruno Bouché, directeur artistique du Ballet du CCN/Opéra national du Rhin, Ingrid Lorentzen, directrice du Den Norske Opera & Ballet, Thierry Malandain, directeur du CCN Malandain Ballet Biarritz, et Eric Quilleré, directeur de la danse de l’Opéra national de Bordeaux - Jean-Christophe Maillot, directeur des Ballets de Monte-Carlo et également membre du jury, ayant été bloqué à Nice par un problème d’avion - a décerné ses deux premiers prix aux Italiens Mattia Russo & Antonio De Rosa, pour Somiglianza, et à la Biélorusse Ludmilla Komkova pour No One. Ils seront accueillis en résidence au cours de la saison 2018-19, les premiers au Ballet de l’Opéra national du Rhin, la seconde au Ballet de l’Opéra de Bordeaux, pour une création avec les danseurs de la compagnie qui sera programmée par chacun des lieux.

Egalement attribué par le jury, le Prix de Biarritz/Caisse des dépôts et Consignations a récompensé le Polonais Robert Bondara, qui reçoit un soutien de 15 000 € pour Persona. Les professionnels (journalistes et directeurs de structures du secteur de la danse) ont quant à eux voté pour Ludmila Komkova, qui reçoit un soutien de 3 000 €, tandis que le choix du public  se portait sur le Français Julien Guérin et ses Labilités amoureuses, à qui la Fondation de la danse présidée par Richard Flahaut a attribué un soutien de 3 000 €.

Portée par le Pôle de coopération chorégraphique du Grand Sud-Ouest, la première édition de la manifestation s’était déroulée à Biarritz il y a deux ans à l’initiative de Thierry Malandain en collaboration avec Charles Jude, alors directeur de la danse au Ballet de l’Opéra de Bordeaux, avec la complicité du directeur du Ballet du Capitole de Toulouse Kader Belarbi. Cette année, c’est donc Bruno Bouché, entre temps nommé à la tête du Ballet/CCN de l’Opéra du Rhin, qui complète le trio. Rien d’étonnant, puisque l’objectif du concours est celui qu’il défend depuis sa nomination : revitaliser le vocabulaire académique pour le ballet, en faisant rayonner une nouvelle génération de chorégraphes.

Si les pièces des six finalistes n’atteignaient pas toutes le même degré de réussite, elles témoignaient néanmoins de l’existence d’un réel vivier de talents à développer, pour peu que les occasions et la visibilité leur en soit données. Déjà cette année, le nombre de candidats est passé trente-deux à quarante (vingt-quatre hommes et seize femmes), tandis que seize nationalités contre neuf en 2016 étaient représentées.

Signe encourageant de la vitalité d’une écriture que certains étaient quasiment prêts, il y a encore quelques années, à prématurément enterrer. Preuve aussi que la mobilisation des principaux intéressés, à commencer par les chorégraphes et les directeurs de ballets, pour faire vivre ces formes dites néo-classiques, est non seulement nécessaire, mais payante.

Même d’une durée relativement courte d’une quinzaine de minutes, les œuvres présentées permettaient de repérer les auteurs déjà dotés d’une certaine maîtrise dans la composition. Ainsi, tout en s’appuyant sur une figure chorégraphique archi-iconique - le Faune sur la musique de Debussy -, le duo transalpin gagnant réussissait immédiatement à faire preuve d’originalité, décalant la perspective du mâle soumis à la seule loi du désir pour faire rayonner la figure des nymphes et n’hésitant pas à intercaler des appuis au sol proches du hip hop dans sa gestuelle mi expressionniste mi symboliste.

Repérés à Sens, au 21e concours chorégraphique de jeunes compagnies dont ils avaient été les lauréats en 2015, puis aux Synodales en 2016 avec Cul de Sac, Mattia Russo et Antonio De Rosa sont passés tous deux par l’Académie de la Scala de Milan. Ils ont ensuite dansé à la Compagnie nationale d’Espagne puis créé leur collectif, KOR’SIA, avec Giuseppe d’Agostino. On a envie de les suivre !

Dans un autre registre, Ludmila Komkova, formée auprès du Stuttgart Ballett et du Bolshoï Ballet à Minsk, est danseuse au Ballet de l’Etat de Hesse, en Allemagne. Son évocation réussie de la solitude et de l’enfermement humain laisse là aussi présager un tempérament affirmé et une esthétique en pleine maturation. Mention spéciale également à Robert Bondara, dont le troublant trio Persona mettait en scène avec une gestuelle inventive les thèmes du masque, de l’apparence et du dédoublement.

Les autres finalistes, à l’exception de l’Italien Marioenrico D’Angelo et son très contemporain Ao redor, rendaient tous un hommage trop appuyé à leurs grands aînés, notamment Jiri Kylian, pour être totalement convaincants. C’était le cas en particulier du Français Julien Guérin, formé au CNSMD de Paris, qui avec Les Labilités amoureuses, signait une pièce esthétiquement réussie et joliment interprétée, mais chorégraphiquement convenue.

Toutefois, et sans vouloir paraphraser Pierre de Coubertin, l’essentiel, dans cette finale, se jouait ailleurs que dans l’esprit de compétition : il s’agissait moins de l’emporter que d’être présents ensemble, reconnus et légitimement applaudis, attestant ainsi collectivement de la vitalité créatrice d’un art aux visages multiples, et engagés.

Isabelle Calabre

Vu à Bordeaux le 27 mai.

 

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