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29ème édition d’Arte Flamenco à Mont-de-Marsan

Nuit et jour, du 3 au 8 juillet, la ville entière a vibré aux rythmes du flamenco et le public a pu acclamer l’extraordinaire Catedral de Patricia Guerrero.

En 1989 Henri Emmanuelli et Antonia, son épouse, ont eu l’excellente idée de fonder un événement culturel international dans le département des Landes. C’est à Mont-de-Marsan qu’est né Arte Flamenco qui, en 29 ans, a pris une ampleur toute particulière étant donné que dès la fin de matinée jusqu’à tard dans la nuit, les bars, les restaurants, les rues et les places résonnent aux sons du flamenco grâce au complément du festival off initié en 2013 qui permet, après les spectacles du in, de poursuivre sa quête de musiques enflammées.

Doté d’un budget de 1,4 million d’euros, financé par le Département, la Région, la Drac, la ville de Mont-de-Marsan, la Junta de Andalucia et du mécénat, cet événement compte 28 000 entrées en une semaine soit 98% de remplissage – 6500 festivaliers pour le In et le Off en 2016 – 28 représentations sur quatre scènes aménagées spécialement pour le festival - plus de 2 000 artistes en 28 ans – 24 ateliers par jour suivis par plus de 3 000 stagiaires, Arte Flamenco prouve qu’il est ouvert à toutes les générations et permet aux professionnels comme aux amateurs de tous les âges de s’exprimer et de découvrir d’autres formes.

« Arte Flamenco s’affirme comme un facteur de lien social et de transmission. C’est dans cet esprit d’échange et d’ouverture à de nouveaux publics que ce festival travaille avec les plus jeunes comme en témoignent le spectacle des élèves de l’école de Saint-Sever et le fanzine réalisé avec les collèges de Saint-Sever et de Morcenx, et le lycée de Saint-Vincent-de-Tyrosse. Nous renforçons notre collaboration avec le Centre Hospitalier de Mont-de-Marsan, initions de nouveaux partenariats avec l’école de Design des Landes à laquelle a été confiée l’affiche du festival et avec l’université de Bordeaux-Montaigne. » souligne François Boidron, le directeur général d’Arte Flamenco.

Sur le plan des spectacles présentés au Cafe Cantante, soit les halles transformées en un lieu extrêmement chaleureux où l’on peut déguster des tapas tout en assistant aux représentations, on a pu assister à la performance d’El Choro pour sa pièce, Aviso : « Bayles de Jitanos ». Avec une technique impeccable, ce danseur très racé qui a reçu le Prix de la révélation au dernier festival de Jerez, démontre la puissance de la danse gitane. Le visage presque toujours baissé, il donne le sentiment de ne pas communiquer et d’être un peu trop dirigé vers lui-même. Sa partenaire, Gema Moneo apparait trop subrepticement pour donner plus de vie à cette pièce. Toujours est-il qu’avec une bonne mise en espace, il est évident qu’El Choro va quitter très vite la notion de démonstration.

Le problème aussi pour El Choro, est qu’il est passé après l’extraordinaire chanteuse Marina Heredia qui présentait son Recital de Cote Clásico. D’une immense beauté et d’une rare dignité, elle délivre un répertoire captivant accompagnée par José Quevedo « Bola », Anabel Rivera et Victor Carrasco. Avec une intériorité hors du commun, cette jeune femme de 37 ans chante magnifiquement bien, mais surtout, elle vit ses chansons avec une intériorité qui fait songer à tous les personnages du théâtre Shakespearien. Du drame à la comédie, de la séduction à la légèreté, elle déploie tout un panel de situations avec un talent fou. C’est un enchantement incroyablement magique qui touche profondément, fait aussi sourire et séduit lorsqu’elle joue si délicieusement bien avec son éventail. Un miracle époustouflant de sons et de nuances du flamenco de Grenade !

Le lendemain autre immense bonheur dans la même salle avec la première en France de Catedral de la danseuse et chorégraphe Patricia Guerrero. Elle n’a que 27 ans et pourtant sa pièce d’une profonde maturité est un plaidoyer contre les conventions sociales, soit sur la libération des femmes et sur les croyances religieuses. Quatre femmes (Patricia Guerrero, Maise Márquez, Ana Agraz et Mónica Iglesias) arrivent vêtues de magnifiques robes très strictes ressemblant aux Ménines de Velázquez.

Les gestes sont tout autant rigoureux bien qu’ils laissent entrevoir des pointes du tempo flamenco. Sur les musiques interprétées à la guitare par Juan Requena, aux percussions par Augustin Diasssera et David « Chupete » l’ambiance est sombre, rigide et monacale jusqu’au moment où la première surprise vient des jumeaux vêtus de rouge qui entrent en scène pour chanter des chants religieux. Le ténor Diego Pérez et le contre ténor Daniel Pérez créent un trouble étonnant dû à cette rencontre entre deux styles de musique que tout oppose.

Par d’infinies petites touches successives excellemment bien dosées par le metteur en scène Juan Dolores Caballero, les quatre femmes vont oser s’émanciper sur les chants émouvants de José Ángel Carmona.

Les robes strictes glissent, s’évaporent et Patricia Guerrero se transforme en égérie de la libération féminine. Plus rien ne la retient dans sa nouvelle toilette rouge collante et décolletée. Sa danse devient sauvage, effrayante, violente comme si toutes ces années à avoir été enfermée au sein de tant de doctrines s’extirpaient d’un seul coup de son âme et de son corps. Elle est superbe avec sa longue chevelure, sublime tant son rythme est puissant au point de couper le souffle à toute la salle.

Elle hypnotise, charme, subjugue ! Elle rompt avec tous les codes et, soutenue par les percussions, elle danse à la perfection un flamenco qui oscille entre le classicisme et un extraordinaire modernisme. Quelle maîtrise ! Puis les deux jeunes hommes réapparaissent pour chanter l’air de La mort de Didon de Purcell. Mort de l’ancien régime, mort des conventions sociales et enfin, acceptation de la libération de la femme.

Dans Catedral, rien n’est laissé au hasard, entre ombre et plein feux, les lumières sont parfaitement bien étudiées, les musiques choisies avec discernement, les costumes magnifiques et surtout, la chorégraphie de Patricia Guerrero en corrélation avec la mise en scène, dessinent sans aucune fausse note la progression dramaturgique de cette œuvre splendide et émouvante.

Dans un style bien différent, il était charmant d’assister au théâtre Le Molière à la représentation d’El Principito où sous la houlette d’Anabel Veloso, une cinquantaine d’enfants de CM1 de l’école primaire du Parc de Toulouzette de Saint-Sever ont joué une version du Petit Prince  qui débute par « S’il te plait, dessine-moi le flamenco ». Une belle réussite qui a permis aux instituteurs et aux enfants de développer leur imaginaire autour du flamenco basé sur l’œuvre de Saint-Exupéry.

Deux expositions éclatantes de beauté et de vérité : les peintures de Fausto Olivares jusqu’au 15 septembre au Centre d’Art Contemporain Raymond Farbos et les photos de Laura Moulié, Olivia Pierrugues et Prisca B jusqu’au 29 juillet au Musée Despiau-Wlérick.

Arte Flamenco se sont aussi des défilés de mode, des spectacles d’amateurs sous chapiteau, des Baile pour enfants, des rencontres de poésie et arts plastiques, un concours de vitrine (toutes les boutiques jouent le jeu du flamenco) et le village du festival très joliment décoré où chaque matin le public peut y rencontrer les artistes qui présentent leurs pièces.

On l’aura compris, il s’agit d’un festival dans tous les sens du terme qui se conjugue entre fêtes, spectacles, ambiance très joyeuse dans la ville et surtout un partage extrêmement chaleureux entre toutes les initiatives mises en place durant cette semaine de douce folie.

Sophie Lesort

Vu le 5 juillet à Mont de Marsan

 

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