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20e Biennale du Val-de-Marne : Les spectacles de mars

La Biennale du Val-de-Marne fête ses quarante ans avec un programme impressionnant et un livre retraçant son histoire.

D’Alfortville à Vanves, Villecresnes, Villejuif et Vitry, la 20e Biennale de Danse du Val-de-Marne présente plus de trente spectacles, d’Auguste (d’Alessandro Sciarroni) à Whack (d’Ashley Chen et Philipp Connaughton). S’y ajoute la vingtaine de propositions concentrées sur deux jours, quand la Biennale accueille la déferlante du réseau européen Aerowaves, plateforme de sélection et de promotion pour la jeune danse. Face à cette puissance de feu inédite, nous présentons dans un premier temps la programmation du mois de mars, déjà forte de plusieurs créations, et réservons un second article à la programmation d’avril.

Corps exquis

Corps Exquis : Le titre de la création de Joanne Leighton qui ouvre la Biennale pourrait en être le thème général. Elle compose ici un trio à partir d’une chaîne de gestes proposée en 2012 par 57 chorégraphes, selon la méthode du cadavre exquis. Et le cadavre devient Corps, il prend corps.

L’exquis est aussi l’objectif d’Alexandre Roccoli, chorégraphe attiré par les états de possession. Avec HADRA Youness-Yassine, le solo initial interprété par Youness Aboulakoul trouve ici sa forme finale, dans un duo des frères Youness et Yassine, toujours inspiré de danses et musiques gnaoua du Maroc, de hip hop et de house. Ce duo sera créé au Musée de l’histoire de l’immigration à Paris, qui avait déjà vu éclore le solo. « Ce projet ouvre une nouvelle série qui travaille la question du corps dit «gracieux» en scène », dit-il et présente en même temps, à Vanves, dans le cadre du festival Artdanthé, son Weaver Quintett, où toute transe part de la Tarantelle italienne [lire notre entretien].

Corps en crise(s)

Il y a la crise nerveuse et la crise de la quarantaine, la crise de l’adolescence etc. Et la crise beckettiene. Seul May B, la pièce de Maguy Marin nommée d’après May Beckett, la mère de l’écrivain, ne connaît aucune crise depuis bientôt quarante ans et fera deux apparitions au cours de la Biennale, le 28 mars à Villejuif et le 17 avril à Saint-Maur-des-Fosses, après avoir rempli l’Espace Cardin du Théâtre de la Ville, à Paris pendant deux semaines. Mais on verra aussi la dernière création de Maguy Marin, Ligne de Crête, où de braves employés de bureau penchent plutôt vers une crise de foi(e) déclenchée par la surconsommation [lire notre critique].

On n’imagine pas, en ce moment, un festival sans Oona Doherty. L’Irlandaise déploie tout son arsenal au cours de la Biennale, avec Hard to be Soft - A Belfast Prayer et son solo Hope Hunt, avant de présenter, début avril, une nouvelle pièce de groupe à l’Atelier de Paris. Où une certaine Lady Magma serait le personnage principal s’une pièce penchant vers le shamanisme, étant secouée par les rythmes de l’orgasme féminin, si l’on peut croire la chorégraphe sans avoir assisté à cette création mondiale, prévue pour le 3 avril. On penche donc ici plutôt en faveur d’une crise mystique.

Et qu’arrive-t-il aux personnages du tableau de Goya, Le Sabbat des Sorcières ? L’étrange créature animale, peut-être fantasmée à laquelle le groupe fait face incarne-t-elle la guerre ? L’inquisition ? La misère ? « Goya compatissait avec la population et ce tableau dit l’absurdité de la guerre », selon Patrick Bonté qui met en scène The Great He-Goat, la nouvelle production de la compagnie Mossoux-Bonté, une pièce pour danseurs et marionnettes, chorégraphiée par Nicole Mossoux.

Corps musicaux

On peut alors passer à la réflexion sur la musique. Twenty-Seven Perspectives de Maud Le Pladec  qui ne cesse, depuis qu’on l’a découverte, en 2010, avec Professor, de nouer une relation post-cunninghamienne entre le mouvement et la musique [lire notre critique]. Curieusement, les représentations ont lieu à Chaillot - Théâtre National de la Danse qui pourtant ne s’est pas déplacé et ne se trouve pas en Val-de-Marne.

Dans « enchanter » il y a « chanter ». La voix est magique. La vibration musicale et le corps sonore sont au centre de toutes les attentions, sensorielles et tactiles, dans Désenchanter (ré enchanter) de Sébastien Laurent. L’éclectique interprète de Jean-Claude Gallotta, Nathalie Pernette, Heddy Maalem et autres Doug Elkins, fondateur et chorégraphe de la compagnie Moi Peau, propose à Vincennes un quintette chorégraphique et vocal  où « toute la musique vient des corps, des voix, des souffles, des marches, de la manipulation de la scénographie », selon le chorégraphe. C’est grâce au travail de la voix que le corps, d’abord « contraint et soumis » sera finalement libéré, dans un décor qui représente les vestiges d’un ancien monde, sous domination masculine, qui a volé en éclats.

Corps suspendus

Satchie Noro et Chloé Moglia sont, chacune à sa façon, éprises des instants suspendus entre ciel et terre. Noro est passée de la danse aux techniques aériennes et Moglia est une trapéziste, venue à la chorégraphique à travers les arts martiaux. Pour Moglia, qui axe ses recherches sur les états de suspension, il s’agit de « rendre sensible l’infime auquel nous oubliions de prêtre notre attention » alors que le trio Mind the Gap de Dimitri Hatton, Satchie Noro et Silvain Ohl partent dans une « recherche perpétuelle d’un équilibre subtil ». Et Sylvain Ohl, constructeur des agrès urbains de Noro, signe aussi la gigantesque spirale d’acier de La Spire, sextuor féminin de Chloé Moglia, suspendu à cette structure circulaire et vertigineuse (lire notre critique). Les deux propositions vont amener le public sous le ciel ouvert du Val-de-Marne.

Corps évolutifs

Pour qui a vu naître la Biennale du Val-de-Marne, son propres  corps n’est plus, après quatre décennies, dans le même état. Le 27 mars, la Biennale soufflera, à la Briqueterie - le CDCN du Val-de-Marne - ses quarante bougies. Sans nostalgie, puisque le festival se porte comme un charme. Cette édition est bien placée pour le prouver, tout comme l’existence de La Briqueterie, qui paraît toujours un brin miraculeuse, vu le temps et l’énergie qu’il a fallu à Michel Caserta, le fondateur du festival et son directeur jusqu’en 2009, pour réaliser, entre Vitry et Ivry, sa vision d’un écrin pour la création chorégraphique. Et c’est un film documentaire qui sera alors dévoilé, autant qu’un livre anniversaire retraçant les vingt éditions de la Biennale, avec des textes d’Irène Filiberti et des photos de Laurent Philippe. Mais alors qu’on fête la Biennale tous azimuts, on en oublierait presque de féliciter Daniel Favier pour ses dix ans à la tête du festival et du CDCN ! Ce qui est donc fait (même si on a quelques mois d’avance).

Thomas Hahn

20e Biennale de danse du Val-de-Marne, du 21 mars au 19 avril 2019

 

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