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Lia Rodrigues : « Borda »
Lia Rodrigues, qui fête les 35 ans de sa compagnie, ouvre de la plus belle des manières la Biennale de la danse de Lyon avec Borda, dernier volet d’une trilogie entamée par les superbes Furia et Encantado.
Lorsque le rideau se lève, il dévoile une forme blanche qui se laisse distinguer dans la pénombre, une sorte de colline qui aurait envahi toute la largeur du plateau ou une dense brume matinale qui recouvrirait le sol. Tandis que la lumière gagne peu à peu en intensité, avec une lenteur aussi profonde que le silence qui l’accompagne, cette forme s’érige, se soulève par endroits. D’étranges silhouettes apparaissent.

Combien sont-ils, un, deux, plus ? Nous font-ils face ou sont-ils de dos ? Et qui sont-ils ? Des fantômes, des défunts s’extrayant de leur sac mortuaire, des êtres magiques en train de quitter leur cocon ? Mille images s’esquissent dans notre imaginaire. Mais bientôt nous découvrons leurs visages exprimant l’allégresse, l’inquiétude, la colère, le bonheur, puis leurs voix chantantes. Indéfectiblement liés par la grande toile de plastique qui les couvre, les transporte, les abrite et finalement les engloutit, ils forment une communauté organique qui berce et prend soin, traverse la tempête, disparaît, renaît.
Un merveilleux carnaval peuplé de créatures singulières
Lorsqu’ils émergent à nouveau de la toile et que la musique éclate, ils nous apparaissent torses nus ou couverts de vêtements chamarrés, pailletés, qu’ils changent à l’envi. Le rythme s’accélère, les corps restent d’abord groupés, enchevêtrés. L’une des danseuses, portée, jaillit subrepticement vers les cintres. Nous assistons à un merveilleux carnaval qui fait naître des danses et des créatures singulières. Cinq d’entre eux s’avancent vers nous portant sous leurs bras quatre têtes grimaçantes. Un danseur à la jupe corole de carreaux roses se dote de cinq paires de jambes. Un autre dont les bras sont de plus en plus encombrés de bouts d’étoffe blanche tournoie lentement comme pour prendre son envol.
Galerie photo © Sammi Landweer
Pour créer Borda, dernier volet de sa trilogie sur les mythologies brésiliennes, Lia Rodrigues a demandé à ses neuf interprètes ce qu’il se passerait si les planètes Furia et Encantado – les deux magnifiques premières pièces de ce triptyque – entraient en collision. L’on y retrouve en effet la fureur inquiète et l’enchantement bigarré. Comme on y retrouve tout ce qui fait le talent de la chorégraphe brésilienne, notamment son art de convoquer matières et objets pour inventer avec peu de moyens des paysages plastiques d’une force évocatrice folle.

Ici, pour fêter les 35 ans de la compagnie, toute la troupe a été invitée à plonger dans les archives de costumes, soigneusement conservées dans des valises dans le centre d’art de la favela de Maré. C’est ainsi que l’on retrouve, ingénieusement métamorphosées, les grandes bâches en plastique de Pindorama mais aussi un costume de May B, que Lia Rodrigues a dansé puis que Maguy Marin a offert à sa compagnie.
La frontière comme lieu de rencontre
Une autre particularité de Lia Rodrigues est la polysémie de ses titres. Borda signifie au Brésil frontière mais aussi l’action de broder. Pour cette pièce, les neuf interprètes ont travaillé à se créer un personnage singulier. La rencontre, la friction de leurs différentes personnalités forme un tout vibrant, d’une richesse profonde et enthousiasmante. Comme l’enchevêtrement et le tissage de leurs pas avec la matière font de Borda une pièce à ne pas manquer.
Delphine Baffour
Vu le 6 septembre à la Maison de la danse de Lyon dans le cadre de la Biennale de la danse de Lyon.
Du 12 au 17 septembre au Centquatre-Paris, du 19 au 21 septembre au Théâtre national de la danse de Chaillot, Paris, le 24 septembre à L’Azimut, Châtenay-Malabry, les 2 et 3 octobre à la Comédie de Valence, les 6 et 7 octobre à la Comédie de Clermont-Ferrand.
Chorégraphie : Lia Rodrigues
Créé en collaboration avec et dansé par : Leonardo Nunes, Valentina Fittipaldi, Andrey da Silva, Larissa Lima, David Abreu, Raquel Alexandre, Daline Ribeiro, Sanguessuga, Cayo Almeida, Vitor de Abreu Oliveira
Assistante à la création : Amalia Lima
Dramaturgie : Silvia Soter
Collaboration artistique et images : Sammi Landweer
Création lumière : Nicolas Boudier
Régie générale et lumière : Magali Foubert
Bande sonore : Miguel Bevilacqua (à partir des extraits de l’enregistrement fait en 1938 au nord du Brésil par la Mission de recherche folklorique conçue par l'écrivain et intellectuel Mario de Andrade / Extrait de la musique Amor Amor Amor du domaine public qui compose le répertoire du "Cavalo Marinho", danse dramatique brésilienne, interprétée par Luiz Paixão.)
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