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Hommage à Andrzej Glegolski
Hommage au grand pédagogue Andrzej Glegolski, disparu le mois dernier.
Andrzej Glegolski s'est acharné à respecter le rendez-vous qu'il avait avec ses élèves jusqu'au bout, jusqu'à ce que ses jambes n'en puissent plus de le porter ; il arrivait appuyé sur deux béquilles, remontait la petite sente pavée qui mène à ce que tous les danseurs appellent « le studio de franquett' » (le fameux Raymond Franchetti y donnait ses classes qui faisaient référence), niché Cité Véron au pied de Montmartre, s'installait sur un banc à l'entrée pour recevoir les élèves, puis entrait dans la salle pour rejoindre un autre banc et le cours commençait. Et personne n'a jamais entendu la moindre plainte.
Et depuis ce banc, le cours se déroulait avec une rigueur certaine, une musicalité exigeante – d'où quelques relations amusantes et en russe avec les pianistes – et un rythme marqué par les plaisanteries et la faconde qui ne l'a jamais quitté. Le cours d'Andrzej Glegolski tenait de la rencontre avec un vieil oncle blagueur qui à l'occasion révèle quelques petites recettes techniques utiles mais se dispense des longues théories.
On allait chez « Glego » pour cela, pour danser dans ce mélange de légèreté un peu gouailleuse et de sérieux dans le travail – car il n'hésitait pas à rappeler rudement à l'ordre qui dépassait les limites – et non pour apprendre les subtilités d'une technique précise. On allait chez « Glego » avec ce que l'on était, avec ce que l'on avait déjà acquis – ou pas – mais avec la certitude d'une bienveillance et d'un accueil. Un de ceux qui ont profité de ces moments, comme beaucoup de danseurs contemporains attachés à suivre un enseignement « classique » qui ne soit pas stéréotypé, Angelin Preljocaj, le résume parfaitement « Andzrej était un homme très attachant et prendre ses cours était un bonheur. Il était plein d’humour, plein de rigueur aussi et le contraste entre la grâce qu’il pouvait déployer en montrant des mouvements et son physique de bûcheron mythologique était très singulier.
Polonais, né le 4 juin 1943, il commence sa carrière en 1966 au Grand Théâtre de Varsovie, mais, dès 1969, travaille en France, à l'Opéra de Marseille, au moment où, en conflit avec Louis Ducreux, Joseph Lazzini le quitte (il est remplacé par Rosella Hightower), ou au Royal Ballet de Stockholm. Rapidement, il s'installe en France et s'engage dans une activité pédagogique intense, auprès de l'Académie Internationale de la Danse à Paris de Nicole Chirpaz, mais aussi dans le Groupe International des 8 que dirige Janette Pidoux. Peu porté sur la théorie, plaisant et très beau, il attire les élèves. Bien que ses activités pédagogiques occupent une place importante, il organise, à partir de 1979, des groupes de danseurs pour lesquels il développe ses propres chorégraphies, mais reste avant tout un grand professeur.
Avec l'ouverture des frontières avec la Pologne, à partir 1989, il collabore en tant que chorégraphe avec des compagnies polonaises, comme le ballet du Grand Théâtre de Varsovie et le Théâtre de Danse Polonais de Poznań, mais en revient toujours à la France qui constitue son point d'ancrage et où il bénéficie d'une véritable reconnaissance. Ainsi la plus durable des créations d'Andrzej Glegolski tient dans sa relation avec ses élèves « Je n’ai pas de souvenirs précis mais je me souviens son humour, sa simplicité et sa générosité, raconte une de ces élèves, Emmanuelle Klein. Je n’ai jamais osé le reprendre quand il m’a baptisée Alicia ! Je n’oublierai pas non plus que les conseils qu’il m’a donnés ont été des déclics dans ma façon de danser… Peu de choses au final mais ce peu m’a aidée à trouver ma propre façon de danser. La dernière chose dont je me souviens ce sont ces moments difficiles à la fin quand il venait donner la classe… Une fois dans le studio, assis, il semblait bien, à sa place…
Philippe Verrièle
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