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ZOA #3 : Retour sur les créations chorégraphiques

Accueilli par Micadanses pour cette troisième édition, le festival ZOA a bien affirmé sa mission dans le paysage Parisien. La Zone d'Occupation Artistique est un espace de création pour petites formes libres et fortes personnalités artistiques en train de se révéler, abordant les questionnements de notre temps autour de l'intime et des bouleversements de nos sociétés.

Les trois créations "danse plus quelque chose" de la ZOA 2014 ont investi des zones intermédiaires très propices à produire de l'étonnement chez le spectateur: MOVE / (au masculin et au féminin) d'Eva Klimackova, Sa prière de Malika Djardi et De la nécessité du vulnérable de Muriel Bourdeau. Rien que des solos, aussi aboutis que pertinents. La Zone d’Occupation Artistique est une zone de préoccupation vis-à-vis de nos vies.

MOVE / au masculin vs MOVE/ au féminin

MOVE d'Eva Klimackova crée cette ambigüité plastique qui est source de beauté et de mystère, grâce à une combinaison dorée qui cache et révèle les interprètes. Il faut ici parler de naissance d'un diptyque, car cette tenue de cosmonaute fantasmagorique relève autant d'une plastique fœtale. Dans la première partie, "au masculin", cette peau d'ours scintillante est habitée par Waldemar Kretchkowsky.

L'année dernière, l'interprète d'origine l'avait pourtant "prêtée" à sa chorégraphe pour une interprétation remarquablement différente de la même partition gestuelle. S'établissait alors une zone d'ombre intérieure, une ambigüité plastique et sexuée, alors qu'avec Kretchkowsky le corps masculin se révèle complètement. Le mystère ne se place plus à l'intérieur mais dans la relation au monde. Kretchkowsky donne à voir l'identité masculine et son héroïsme fantasmé. Mais l'aspiration à la puissance est traversée par des doutes intimes, des interrogations sur la vraie place de cette énergie, C'est le rêve qui est au centre, jusqu'à un retour au stade enfantin.

 

Eva Klimackova : "Move",@ P. Deutsch

En guise de réponse, Klimackova vient de créer, dans le cadre de ZOA 2014, MOVE / au féminin, dansé à la suite du premier solo. À l'écrit, ce va-et-vient peut semer une certaine confusion. Sur scène, le diptyque n'est que source de clarification.

La nouvelle création, MOVE/au féminin révèle l'identité féminine, là aussi sans stéréotypes ou caricatures, en partant d'une sensibilité individuelle pour aller vers une vérité profonde. Le lien avec le solo masculin se fait grâce au pyjama cosmique, mais Klimackova s'en extrait pour aller vers un état qui n'est pas sans rappeler le butô.

L'interprétation de la partie masculine par Klimackova et le diptyque aboutissent donc à des résultats parfaitement opposés, passant de l'androgyne à des voyages jusqu'au bout du masculin et du féminin.

Sa prière

Malika Djardi ne joue pas avec le contraste entre le masculin et le féminin, mais entre deux générations de femmes. La prière en question est celle de sa mère, musulmane croyante mais tout sauf intégriste. En voix off, passent des discussions entre mère et fille au sujet de la pratique et des principes religieux, de la vie, de la danse... En parallèle, Malika se présente en baskets et tenue de sports.

 

"Sa Prière" Malika Djardji

Elle n'a ainsi besoin d'aucun discours sur le conflit entre générations, tout s'exprime dans la faille entre les univers parallèles. La gestuelle très affirmée, les rondes courues, l'attitude sportive et débordante d'énergie, le jeu des coudes et des poignets...tout construit un univers parallèle mais pas déconnecté de la parole maternelle, dans une relation de liberté et d'affinité assumée, comme entre la danse de Cunningham et la musique de John Cage. Avec Djardi, ZOA a misé sur une personnalité étonnante de justesse et de force de caractère, où l'on a l'impression de revivre l'apparition soudaine et captivante d'une Danya Hammoud.

De la nécessité du vulnérable, Photos de M. Bourdeau

 

 

De la nécessité du vulnérable

Dans ce solo de Muriel Bourdeau, le contraste se creuse entre une femme dans un espace blanc et les impitoyables sommations de rentabilité. Slogans et incantations prônant l'abnégation totale, jusqu'à ne plus être qu'un objet au service de la machine à broyer. Ces mots qui infiltrent les cerveaux en douceur, glissent sur les murs de ouate qui délimitent la maison protectrice, l’espace d’intimité, voire le ventre maternel. Au début, seule une petite main dépasse, comme lors d’une noyade. Ce bout de bras semble être, lui aussi, juste une projection. Ensuite, l’immaculé cocon se désintègre petit à petit, donnant à voir une femme qui tente d’exister malgré tout. Quand à la fin Bourdeau tente de recoller les morceaux de ouate, les déchirures prennent une présence plastique qui en dit long sur les violences subies. L’interprète et son univers cotonneux sont autant de métaphores d’une vulnérabilité qui n’appartient ni au féminin, ni au masculin, mais à l’humain. Chaque vie est une page blanche sur laquelle on devrait pouvoir écrire autre chose que des appels à l’effacement. Une performance chorégraphique et plastique d’une nécessité incontestable.

Thomas Hahn

 

ZOA au eu lieu à Micadanses du 4 au 10 octobre 2014

 

www.micadanses.com

 

 

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