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« Torobaka » d’Israël Galvan et Akram Khan

« Torobaka » d’Israël Galvan et Akram Khan : Quand deux monstres sacrés s’apprivoisent

"Torobaka" @ Jean-Louis Fernandez

Ils se chamaillent, se fascinent, se défient… sur un cercle, rouge comme un soleil couchant. Au plafond, une couronne céleste Khan et Galvan, deux monstres sacrés de la danse, issus de deux traditions de grande chaleur. Dans le feu de la forge, les deux univers, si éloignés mais liés par l’histoire, osent le grand saut. Il n’y a plus de kathak, ni de flamenco, mais une recherche commune, sur terrain neutre.

Torobaka : Le titre évoque les bêtes sacrées des deux cultures, el toro et la vache. En effet, tout part des animaux. Mais si les gestes, pointus, graphiques et ciselés, sont adressés au règne animal, ils évoquent le trait d’un maître espagnol. Il y a du Picasso dans ces gestes quand une danse, ou deux se disloquent pour mieux se recoller ailleurs. Reste que le flamenco et le kathak sont tout sauf des danses-contact. Aussi, les rares accolades ou gestes de lutte constituent déjà un dépassement, surtout pour Galvan. Alors, comment pouvaient-ils se rencontrer, concrètement ? Pour travailler en studio, Galvan le taciturne qui ne parle pas l’anglais et Khan le très loquace, sont passés par la danse, bien sûr, et par un traducteur.

Les moments les plus intenses surgissent quand le geste de chacun s’adresse directement à l’autre, quand ils explorent et élargissent ensemble l’espace entre les codes et leur liberté personnelle. Galvan, qui a attrapé le virus du flamenco dans le ventre de sa mère, danseuse sévillane, est tout sauf un captif de la tradition. Il en a fait sa matière artistique, sa complice avec laquelle il dialogue en libre arbitre.

Pour Khan, Galvan est « l’artiste que j’attendais pour parcourir cette route de découverte et d’anarchie », pour enfin créer ce dialogue entre les cultures, dans l’esprit d’un nouveau départ, sans en faire un jeu de ping-pong. L’idée était bien d’inventer de nouvelles règles de jeu, en danse autant que pour la musique. En ce sens, l’inspiration venait aussi du poème toto vaca de Tristan Tzara, pas tout à fait innocent dans le choix du titre, et un exemple parfait de liberté artistique gagnée à partir d’une culture-racine, en l’occurrence celle des Maori.

 

"Torobaka" @ Jean-Louis Fernandez

Les quatre musiciens ou chanteurs de Torobaka représentent certes les cultures respectives, mais les approchent avec parcimonie. L’itinéraire passe plutôt par la messe latine, le chant grégorien et les polyphonies corses ou sardes. On retrouve Bobote le compagnon de route de Galvan et la chanteuse Christine Leboutte, élève de Giovanna Marini, qui chantait dans pas moins de quatre productions de Sidi Larbi Cherkaoui (Tempus fugit, Foi, Babel (Words), Myth). Mais tablas et rythmes du Karnataka sont bien présents, pour traverser l’univers méditerranéen et jouer avec les frappes des danseurs sur le corps de l’autre, comme l’illustration sonore dans le kathakali.

 

"Torobaka" @ Jean-Louis Fernandez

Le jeu du binôme de célébrités se joue aussi en solitaire. Il est de coutume que chacun dispose d’un espace aménagé. Sauf que dans Torobaka, le solo n’est pas l’endroit du retour aux racines, mais celui d’une réflexion personnelle sur le chemin parcouru ensemble. Khan passe les chaussures de flamenco de Galvan, blanches aux taches noires (!), et tente un zapateado en frappant le sol des mains (chaussées !) ou de la tête. Car se voir dans le regard dansant de l’autre ouvre la voie vers l’autodérision. Galvan prend plaisir à la rotation et passe d’une attitude flamenca à celle d’un derviche tourneur.

 

"Torobaka" @ Jean-Louis Fernandez

Il est de coutume aussi qu’on se retrouve à la fin. Un cercle bleu, entouré de rouge, accueille les deux démiurges pour un dernier round partagé et nous rappelle qu’il n’y a pas de vie sans eau, mais pas non plus sans le soleil. D’où ce même geste de culte qu’au début, cette fois vu de dos. Et un dernier salut aux animaux, dansé à quatre pattes, en béliers. Ultime zapateado frappé des mains.

 

"Toràbaka" @ Jean-Louis Fernandez

Torobaka, cette danse du taureau avec la vache, est riche d’inventions, mais aurait pu aller plus loin dans la rencontre entre les deux auteurs-interprètes, au lieu de se jouer dans un formalisme très présent. Soit. Mais ce n’est pas tous les jours qu’on assiste à un tel bouleversement des codes.

 

Thomas Hahn

 

Grenoble , MC2 : jusqu’au 7 juin, en création mondiale

Madrid, Teatros del Canal, 27-29 juin

Dresden, Hellerau 11-12 juillet

Rome, festival Romaeuropa, 24-26 septembre

El Mercat de les Flors de Barcelone 3, 4 et 5 octobre

Bruges, Concertgebouw, 8-9 octobre

Londres, Sadler’s Wells 3-8 novembre

St. Pölten, Festspielhaus, 12-13 décembre

Paris, Théâtre de la Ville, 16 décembre – 5 janvier

Amsterdam, Stadtschouwburg, 2-3 février

Luxembourg, Grand Théâtre, 5-6 mars

 

 

 

 

 

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