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Sacré Sacre du printemps de Laurent Chétouane

Le tire pourrait se référer à l’affaire autour de droits d’auteur  à verser (ou pas) à Tamara Nijinski, héritière de Vaslav et Romula Nijinski, pour les représentations de la version reconstituée par Milicent Hodson et Kenneth Archer. Mais Laurent Chétouane a créé « Sacré Sacre du printemps » bien avant que n’éclate la dispute autour de la commémoration du centenaire de l’œuvre. Chez Chétouane, il n’y a aucun doute, sa chorégraphie n’appartient qu’à lui. Pourtant, elle nous confronte à une étrangeté peut-être comparable à celle, éprouvée par le public en 1913. Voilà, sur la partition de Stravinski, en dialogue avec une musique percussive évoquant la nature et le combat pour la survie (composition de Leo Schmidthals), des créatures mi-hommes mi-oiseaux, comme mus par un instinct collectif. Ceci n’est pas un rituel avec un(e) élu(e) à sacrifier. Ceci est la nature elle-même, celle qui fascinait Stravinski, celle qui est l’objet même du « Sacre du printemps », à travers le lien que le peuple fictif imaginé par les créateurs originaux entretenait avec elle. Mais Chétouane est un penseur, un rationaliste, un metteur en scène vivant en Allemagne pour lequel la distanciation brechtienne n’a pas de secrets. Aussi, il déjoue l’énergie d’essaim en laissant les lumières dans la salle allumées, comme pour un appel à réfléchir à ce qu’on voit, comme pour s’émanciper de l’idée de rituel, dans l’abstraction d’une danse qui met en évidence, chez ces drôles de bêtes autant de mouvements de corps que de mouvements d’esprit naissants. Aussi, il nous parle d’émancipation en déjouant le scénario de 1913, tout en reprenant l’idée de l’émancipation de la réflexion sur la danse, grande entreprise de Nijinski. Lequel, entre folie et éveil, vivait des soubresauts ressemblant à ceux des personnages de Chétouane qui parfois s’avancent vers la salle, se figent et semblent vouloir nous interroger : suis-je un être rationnel ou suis-je gouverné par mes instincts et par la transe ?

 

Thomas Hahn

Vu au Nouveau Théâtre de Montreuil, en clôture des Rencontres chorégraphiques internationales de Seine-Saint-Denis, 12 juin 2013

 

Chorégraphie Laurent Chétouane
Danse Joséphine Evrard, Kathryn Enrigth, An Kaler, Senem Gökce Ogultekin, Matthieu Burner, Joris Camelin, Charlie Fouchier
Composition Igor Stravinsky, Leo Schmidthals
Scénographie Patrick Koch
Costumes Sophie Reble
Dramaturgie Leonie Otto

Collaboration artistique Anna Melnikova, Sigal Zouk
Vidéo Tomek Jeziorski
Son Lumières Stefan Riccius

Son Gabriel Anschütz
Entraînement physique Patricia Brülhart

Le Sacre du Printemps dirigé par Igor Stravinsky, avec le Columbia Symphony Orchestra, New York 1960.
Remerciements à Boosey & Hawkes

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