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"Rose" au Ballet de Lorraine

Du Monnier dans le style

"In the Upper Room" @ Mathieu Rousseau

Le Ballet de Lorraine confirme sa marque de fabrique, cette fois en recyclant un essai de Mathilde Monnier pour un ballet classique, et en offrant une exécution épatante d'un hit de Twyla Tharp

 Il y avait de la cohérence historique en sous-texte du dernier programme du Ballet de Lorraine à Nancy. Celui-ci était composé de deux pièces. D'une part une variation à partir de Rose, pièce créée par Mathilde Monnier en 2001. D'autre part une reprise de In the upper room, de Twyla Tharp (1986).

Le sous-texte est interne à la maison.

Concernant Twyla Tharp, il faut noter que le directeur actuel du Ballet de Lorraine, Petter Jacobsson, compta parmi les interprètes de cette chorégraphe à New-York. Or cette onction particulière n'avait pas suffi à permettre une conduite irréprochable de la reprise de son chef d'œuvre, telle qu'on la découvrit au festival Montpellier Danse l'été dernier. Voilà qui était fâcheux, à un moment où cette direction de ballet était fort attaquée par ailleurs. On a appris depuis lors que l'une des danseuses s'était blessée un instant avant l'entrée en scène, tandis que l'excès de recours aux fumigènes empêcha les danseurs de se voir les uns les autres sur le plateau.

Ces mauvais souvenirs, générateurs de bien des approximations, sont totalement balayés par ce qu'on a pu voir le week-end du 24 mai à l'Opéra de Nancy. En un mot, disons que l'exécution – il s'agit quand même un peu de cela – de ce hit de Twyla Tharp fut simplement épatant, enlevé par l'enthousiasme communicatif d'une énergie toujours juste.

 

"In the Upper Room" @ Mathieu Rousseau

 

L'histoire de Rose est assez ancienne aussi. Petter Jacobsson avait commandé cette pièce à Mathilde Monnier, alors qu'il était directeur du Ballet Royal de Suède – un poste qu'il ne put occuper bien longtemps, les retombées de Rose n'y étant pas pour rien. Bien que bourrée d'un humour léger, l'idée de cette pièce était de dynamiter les codes de la danse classique, de l'intérieur. Soit un enjeu avec lequel tout le monde n'était pas près de rigoler au Ballet royal.

 

"Rose" @ Arno Paul

Les pointes servent à descendre en position de grenouilles piaffantes. Les portés sont envoyés valdinguer à la force du pied. Les traversées sont lâchées dans une pondéralité presque alanguie. Les plus belles verticales menacent de s'effondrer par un côté. On s'élance en plein déséquilibre. Un geste est souvent renvoyé en sens contraire. Les cassures sont accentuées, l'allant exagéré, l'élévation saisie d'ivresse. C'est allègre, un brin insolent, piqué au virus d'une danse de jubilation, décidée à déménager les usages sur son passage.

 

 

"Rose" @ Arno Paul

Cela avait un sens très particulier quand c'était des danseurs classiques de très haute tradition qui s'en chargeaient – et qui pour bon nombre s'y prêtaient d'ailleurs de très bonne grâce, au sommet de leurs compétences, celles-ci restant pour autant respectées et requises pour l'interprétation de cette insolite partition.

 

"Rose" @ Arno Paul

On cherchera en vain une pareille symbolique dans le cas du Ballet de Lorraine, qui est de tradition plus modeste, et de fibre contemporaine. Rose surprend beaucoup moins dans ce contexte. N'y bouscule pas grand chose. Mais n'en soulève pas moins l'enthousiasme. En quoi cela ? En ce qu'il s'agirait de la troisième occasion, cette saison, de voir cette formation affirmer sa personnalité stylistique particulière.

 

"Rose" @ Arno Paul

Il y eut d'abord les créations d'Emanuel Gat à l'automne dernier. Puis le Corps de ballet orchestré par Noë Soulier. À présent ce Rose de Monnier. Quoi de commun ? Déjà, entre ces deux dernières pièces, l'évident principe d'un détournement du vocabulaire classique, néanmoins mis au service d'une grande forme, dans tout son éclat. Quant au chorégraphe contemporain israélien, son écriture est si claire, exigeante et brillante, qu'elle tient, d'une certaine manière, d'une forme d'exigence qui résonne avec cet esprit.

Quel esprit ? Celui de danseurs qui ont pour la plupart un solide bagage de formation classique, néanmoins épargnés par la culture hiérarchisée et disciplinaire du ballet, évitant de s'en trouver abrutis. Et celui de danseurs accoutumés à la fréquentation des écritures contemporaines, sans en avoir pour autant la frénésie des radicalités à tous les étages. À la rencontre des deux, voilà des qualités qui résonnent avec l'entreprise rénovatrice de Petter Jacobsson, donnant à l'ensemble des accents qui n'ont rien d'ennuyeux, encore moins de scolaire.

Il n'en est pas moins paradoxal d'avoir à constater que, dans un tel projet, l'apport d'une Mathilde Monnier consonne peu ou prou avec un souci d'affermissement d'un socle stylistique. Chaque chose en son temps.

Gérard Mayen

 

Du 22 au 24 mai 2014 à l'Opéra National de Lorraine

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